La Tempête
La Tempête de Shakespeare, mise en scène de Georges Lavaudant.
Au fond, qui est Prospero, sous l’ironie de son nom ? Malheureux duc de Milan jeté au bon vouloir de la tempête par son usurpateur de frère, heureux habitant de l’île providentielle surgie de la même tempête ; bon père pour sa Miranda ; roi ou plutôt tyran de deux habitants, Ariel, l’esprit volant et entravé, et Caliban, corps lourd et cerveau plus lourd encore ; maître à son tour de la tempête, par la force de sa baguette magique…
Ce jour-là, Prospero l’homme blessé, le magicien, va amener sur son île tous les protagonistes de l’histoire politique – son frère l’usurpateur, le roi de Naples, un petit bout de cour…-, réunir les deux amoureux désignés l’un à l’autre depuis toujours – sa fille et le fils du roi de Naples -, éventer un complot boueux entre Caliban et quelques ivrognes rescapés, emballer tout ça, pardonner et retourner à Milan.
La Tempête est un conte merveilleux non destiné aux enfants: Shakespeare ne peut s’empêcher d’y enclore une rêverie mélancolique sur la destinée humaine, plus exactement celle d’un homme qui serait tout homme, victime et tyran, bon et méchant, chêne et roseau, faible et tout puissant, jusqu’à prendre la superbe liberté de briser in fine sa baguette magique. Comme toujours, aussi, Shakespeare ne peut s’empêcher de jeter sur l’île une bande de clowns et la dose de farce qu’ils trimballent. À l’intérieur de cet édifice, Georges Lavaudant a inclus une version courte du Songe d’une nuit d’été : féerie dans la féerie, mélancolie dans la mélancolie, illusion dans l’illusion, comédie dans la comédie.
La fameuse scène des artisans jouant « la fastidieuse et courte tragédie comique de Pyrame et Thysbée » sert de modèle formel à ce système d’inclusions. Et de grille de lecture : sommes-nous dans une claire confusion ou dans une confuse clarté ? Est-il nécessaire de bien connaître les deux pièces pour apprécier le montage ? L’adaptation et la traduction de Daniel Loayza , vives et percutantes, donnent aux acteurs et au spectacle énergie et rapidité, au détriment de la poésie.
André Marcon joue Prospero-Obéron avec une sobriété quelque peu solennelle, les jeunes gens n’ont pas l’air de s’amuser sur le plateau autant que la bande d’acteurs de Pyrame et Thisbée, Pascal Rénéric, Jean-François Lapalus, Luc-Antoine Diquéro, Olivier Cruveiller, à eux tous un régal de fantaisie et de précision. Plus quelques chorégraphies dérisoires dans le style TF1 : mais finalement, ce spectacle dont on sort un peu mi-figue mi-raisin va plus loin qu’il n’en a l’air.
Christine Friedel
MC93 01 41 60 72 72 , jusqu’au 24 octobre