Les Femmes savantes

Les Femmes savantes, de Molière, mise en scène Marie Montegani

femmessavantes7.jpg« Molière visionnaire vient interpeller à plusieurs siècles de distance la femme que je suis. Il me permet d’aborder de façon critique des fonctionnements sociaux qui tendent à perpétuer le modèle courtisan. Il ravive en moi l’urgence de ce combat que les femmes doivent continuer de mener pour tendre vers une égalité », déclare Marie Montegani. Les Femmes Savantes, une pièce terriblement d’actualité.La metteuse en scène, comme Philaminte, Bélise ou Armande, comme aussi Marie Curie, George Sand, Simone de Beauvoir, Marguerite Yourcenar, Olympe de Gouges, Elsa Triolet ou Marie Bashkirstef, dont elle a placé le portrait en première page du dossier de presse, est une femme de culture et une militante qui cherche à faire avancer la cause féminine. La scénographie marie tout un arsenal magistral d’éléments  17 ème siècle: un télescope, un globe terrestre, une grande table de bois, des costumes noirs (Françoise Klein) en velours, satin, dentelles, avec fraise, chemise à manches flottantes, collet, hauts-de-chausses…, à une technologie toute récente : un écran sur lequel viendront défiler plusieurs images tout au long de la pièce. De même, la musique joue  elle aussi entre partition classique et rengaines populaires actuelles. Et  l’éclairage tamisé  qui évoque celui  de bougies  est parfois contrebalancé par de vifs faisceaux de lumière rouge ou jaune. Un mélange à l’image de cette tension qui parcourt toute la pièce entre haut et bas, corps et esprit, nature et culture, deux pôles entre lesquels il serait bon de trouver un juste milieu, chacun incarné à l’excès par les personnages de Molière.
Et les comédiens sous la houlette de Marie Montegani s’en donnent à cœur joie : on les sent totalement investis. Rares sont les spectacles récents où chaque personnage, loin d’être interchangeable, a une aussi forte individualité: Philaminte, femme à poigne et farouchement déterminée, Bélise qui s’imagine tous les hommes amoureux d’elle, Henriette sensuelle, Armande sur la barricade et à fleur de peau… Bref, des femmes exigeantes et ambitieuses, mais aussi élégantes, belles et féminines dans leur apparat. Il n’y a pas là d’antinomie, semble nous dire Marie Montegani.

Et les hommes ? Comme les femmes, ils sont introduits chacun par une petite musique qui les caractérise. Ils représentent eux aussi tout un échantillon de l’humanité : Chrysale, le faible qui s’incline devant l’autoritarisme de sa femme, Vadius et Trissotin, deux imposteurs prétentieux du monde des lettres aux conflits  typiques des intellectuels contemporains de la rive gauche, Clitandre, le cœur ardent… Mention spéciale pour l’intendant Lépine, sous la figure du mime (Clémentine Yelnik) qui incarne la servante Martine avec autant de persuasion. La distribution   des acteurs  est excellente  et il y a des scènes jubilatoires dont on gardera la mémoire. Ainsi, le  renvoi de Martine, puis celle où Bélise se croit séduite par Clitandre, celle où les usurpateurs Vadius et Trissotin se disputent, apparaissant en clowns ridicules, et surtout celle où Trissotin vient lire son sonnet aux femmes savantes : devant un rideau à paillettes de music-hall, éclairé par une lumière rouge, le grand séducteur surgit en chanteur de rock qui fait son show, déclamant son poème dans un micro, avec ses groupies en pleine extase devant ses niaiseries et fadaises… À moins que l’on ne préfère y voir le gourou manipulateur ensorcelant ses adeptes. 

Oui, lorsqu’on entend ces femmes revendiquer, dans le programme de leur future académie, la « résistance à l’oppression », la « distribution des places, des emplois et des industries », le droit de s’exprimer « à la tribune » et pas seulement dans la cuisine, on se dit qu’en quatre siècles, même après mai 68 et la révolution féminine, la cause des femmes est plus que jamais à l’ordre du jour. Les Femmes savantes, la revanche des femmes ? En tout cas, pour Marie Montegani, mettre en scène cette pièce est un « acte de résistance ». Femmes de tous les pays, unissez-vous !

Barbara Petit

 Au Théâtre 95 de Cergy-Pontoise jusqu’au 23 octobre 2010 à 21 heures.

 


Archive pour 10 octobre, 2010

Les Femmes savantes

Les Femmes savantes, de Molière, mise en scène Marie Montegani

femmessavantes7.jpg« Molière visionnaire vient interpeller à plusieurs siècles de distance la femme que je suis. Il me permet d’aborder de façon critique des fonctionnements sociaux qui tendent à perpétuer le modèle courtisan. Il ravive en moi l’urgence de ce combat que les femmes doivent continuer de mener pour tendre vers une égalité », déclare Marie Montegani. Les Femmes Savantes, une pièce terriblement d’actualité.La metteuse en scène, comme Philaminte, Bélise ou Armande, comme aussi Marie Curie, George Sand, Simone de Beauvoir, Marguerite Yourcenar, Olympe de Gouges, Elsa Triolet ou Marie Bashkirstef, dont elle a placé le portrait en première page du dossier de presse, est une femme de culture et une militante qui cherche à faire avancer la cause féminine. La scénographie marie tout un arsenal magistral d’éléments  17 ème siècle: un télescope, un globe terrestre, une grande table de bois, des costumes noirs (Françoise Klein) en velours, satin, dentelles, avec fraise, chemise à manches flottantes, collet, hauts-de-chausses…, à une technologie toute récente : un écran sur lequel viendront défiler plusieurs images tout au long de la pièce. De même, la musique joue  elle aussi entre partition classique et rengaines populaires actuelles. Et  l’éclairage tamisé  qui évoque celui  de bougies  est parfois contrebalancé par de vifs faisceaux de lumière rouge ou jaune. Un mélange à l’image de cette tension qui parcourt toute la pièce entre haut et bas, corps et esprit, nature et culture, deux pôles entre lesquels il serait bon de trouver un juste milieu, chacun incarné à l’excès par les personnages de Molière.
Et les comédiens sous la houlette de Marie Montegani s’en donnent à cœur joie : on les sent totalement investis. Rares sont les spectacles récents où chaque personnage, loin d’être interchangeable, a une aussi forte individualité: Philaminte, femme à poigne et farouchement déterminée, Bélise qui s’imagine tous les hommes amoureux d’elle, Henriette sensuelle, Armande sur la barricade et à fleur de peau… Bref, des femmes exigeantes et ambitieuses, mais aussi élégantes, belles et féminines dans leur apparat. Il n’y a pas là d’antinomie, semble nous dire Marie Montegani.

Et les hommes ? Comme les femmes, ils sont introduits chacun par une petite musique qui les caractérise. Ils représentent eux aussi tout un échantillon de l’humanité : Chrysale, le faible qui s’incline devant l’autoritarisme de sa femme, Vadius et Trissotin, deux imposteurs prétentieux du monde des lettres aux conflits  typiques des intellectuels contemporains de la rive gauche, Clitandre, le cœur ardent… Mention spéciale pour l’intendant Lépine, sous la figure du mime (Clémentine Yelnik) qui incarne la servante Martine avec autant de persuasion. La distribution   des acteurs  est excellente  et il y a des scènes jubilatoires dont on gardera la mémoire. Ainsi, le  renvoi de Martine, puis celle où Bélise se croit séduite par Clitandre, celle où les usurpateurs Vadius et Trissotin se disputent, apparaissant en clowns ridicules, et surtout celle où Trissotin vient lire son sonnet aux femmes savantes : devant un rideau à paillettes de music-hall, éclairé par une lumière rouge, le grand séducteur surgit en chanteur de rock qui fait son show, déclamant son poème dans un micro, avec ses groupies en pleine extase devant ses niaiseries et fadaises… À moins que l’on ne préfère y voir le gourou manipulateur ensorcelant ses adeptes. 

Oui, lorsqu’on entend ces femmes revendiquer, dans le programme de leur future académie, la « résistance à l’oppression », la « distribution des places, des emplois et des industries », le droit de s’exprimer « à la tribune » et pas seulement dans la cuisine, on se dit qu’en quatre siècles, même après mai 68 et la révolution féminine, la cause des femmes est plus que jamais à l’ordre du jour. Les Femmes savantes, la revanche des femmes ? En tout cas, pour Marie Montegani, mettre en scène cette pièce est un « acte de résistance ». Femmes de tous les pays, unissez-vous !

Barbara Petit

 Au Théâtre 95 de Cergy-Pontoise jusqu’au 23 octobre 2010 à 21 heures.

 

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