La Omision de la famile Coleman, texte et mise en scène Claudio Tolcachir – Timbre 4
Sur la petite scène du Rond-Point, une famille, une vraie. C’est-à-dire: un appartement où rien n’est à sa place, des mots qui n’arrivent pas à destination -à supposer qu’ils soient partis -, des temps et contre-temps différents pour chacun, des embrassades, des bagarres, et des bouderies, et au bout du compte une solidarité de fait qui peut bien se défaire.
Pas de père à l’horizon, mais il y en eut deux, un jour, pour procréer les quatre enfants. Une mère infantile, une sœur qui a échappé au sac de nœuds mais vient s’y embrouiller de temps en temps, un garçon « spécial » qui dort avec sa mère et ne se lave jamais, « les jumeaux » dont une fille qui cherche à gagner un peu d’argent en faisant de la couture… Rien ne marche, et ça fonctionne quand même. La mort de la grand-mère vient secouer tout ça d’une sorte de bradyséïsme (= tremblement de terre lent) qui aggrave juste un peu les choses, sans les changer réellement.
Claudio Tolcachir et sa troupe installent une vérité hallucinante, dans la mesure où ils prennent exactement le temps qu’il leur faut, parfois précipité, parfois mort, suspendu, avant que ça reparte, ou non. Les acteurs s’emparent de l’espace et des objets-tout bêtes, quotidiens-avec la même énergie totale et faussement brouillonne, attentive à cette histoire du temps qui passe, ou non.
L’auteur a voulu que soit gardé le mot « omision », en version originale, avec un accent aigu sur le que les claviers azerty sont incapables de reproduire) : façon de dire la guirlande de manques qui constitue la famille Coleman.
Absence des pères, on l’a vu, manque à gagner, manque d’à propos, et même peine à jouir, par une sorte de fatalité qui ne serait en aucun cas du fatalisme. Car cette famille-là, dans sa débine et sa déglingue, a sa fierté, quand même.
D’aucuns y ont vu une image de l’Argentine durant la crise. La crise est partout, et cette dramaturgie d’un quotidien à la fois fragile, pesant et joyeux est universelle. D’où vient que l’on sorte de là très admiratif mais pas emporté ? Le spectacle nous en donne à la fois trop et pas assez. On frôle la tragédie, on frôle le grotesque. Aurions-nous à ce point besoin de terreur et de pitié ? Il y a là une autre sorte de trouble.
À voir, à creuser.
Christine Friedel
Festival d’automne. Théâtre du Rond Point 01 44 95 98 21 jusqu’au 13 novembre. La Scène Watteau à Nogent-sur-Marne 01 48 72 94 94 les 10 et 11 décembre
Également de Claudio Tolcachir : El viento en un violin, Maison des Arts de Créteil 01 45 13 19 19 du 16 au 20 novembre.
LA OMISION DE LA FAMILIA COLEMAN de Claudio Tolcachir
La Compagnie Timbre 4 est une maison. Et la maison est une école. Et l’École est un théâtre. Et aussi une compagnie, au coeur de Boedo, un des quartiers typiques de Buenos Aires. La compagnie a été créée en 1999 par un groupe d’acteurs d’origine et de formation diverse. On découvre cette étrange smala familiale au saut du lit, tout le monde se dispute pour savoir qui fera le petit déjeuner, c’est Néné qui déclare s’en charger, elle ne trouve pas les allumettes pour faire chauffer l’eau du maté et se dispute avec ses frères et sa sœur Gabi, la seule à mener un travail concret en lavant et en réparant des vêtements. Survient une dernière sœur Veronica élégante qui vit ailleurs avec des enfants et un mari, venue saluer la grand mère qui règne sur la tribu. Et l’on découvre que Néné n’est pas la sœur aînée, mais la mère de la tribu qui vit grâce aux allocations de la grand-mère.
Quant au frère aîné, il est étrangement agressif, et semble obsédé par les enfants de sa soeur qu’il traite de nains… Mais la grand-mère tombe malade, on doit la faire hospitaliser grâce aux bons soins de Veronica qui entretient une liaison avec le médecin de la clinique. Et toute la famille se retrouve autour du lit de la grand- mère, on leur a coupé le gaz, la facture n’a pas été payée, ils viennent s’installer sur son lit, prendre une douche…
Une étrange vérité se dégage de ce nid familial fait d’attachements incestueux, de violences, de jalousies mais d’amours tout de même, interprété par une troupe cohérente et soudée.
Edith Rappoport
Festival d’Automne.
Théâtre du Rond Point jusqu’au 13 novembre 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr