Didon et Énée

Didon et Énée, de Henry Purcell, livret de Nahum Tate, conception et mise en espace Olivier Dejours et Sylvie Pascal.

  À représentation exclusive, séance sans pareil. Ce mardi 26 octobre , le Nouveau Théâtre de Montreuil proposait en effet un spectacle joué une seule soirée : Didon et Énée, l’unique opéra réalisé par le grand compositeur baroque Henry Purcell. En trois actes et quatre tableaux, le poème relate les amours contrariées et tragiques de Didon (qui a promis de rester fidèle à son défunt mari) et Énée (dont le destin est de créer Rome), à Carthage. Et le chœur de chanter au public les triomphes de la passion jusqu’à ce que les sorcières la ruinent par la mort.
Chanté en anglais, cet opéra était toutefois heureusement raconté en français.  Olivier Dejours et Sylvie Pascal ont proposé là un superbe moment pour se ressourcer. L’ambiance feutrée d’un éclairage à la bougie dessinait de somptueux clairs-obscurs et conférait une atmosphère intime et propice au recueillement.
Le jeu des musiciens (violoncelle, violon, clavecin, orgue, flûte à bac…) délicieux, procurait bien du plaisir. Quant aux chanteurs, plein de justesse et de sensibilité, armés de fougue et de conviction, ils entonnaient avec cœur. Résultat : le public (les adultes comme les enfants) était véritablement transporté.
Un divertissement charmant et délectable d’où se dégageaient sérénité et solennité. Une heure de récréation exceptionnelle et mémorable. Une expérience à renouveler, bien sûr !

Barbara Petit

Spectacle vu au nouveau théâtre de Montreuil.


Archive pour 29 octobre, 2010

ÉCUME

Théâtre franco-ontarien à Ottawa.

Écume, texte et mise en scène d’Anne–Marie White

67396452003842172338530371725167258633564n.jpgLes cultures des peuples qui vivent près de la mer recèlent des figures  mythiques  issues des grands récits marins. Et dire qu’Homère, Antonine Maillet (La Sagouine) et Anne-Marie White se côtoient,  n’est pas tout à fait farfelu.
L’auteure de ce texte qu’elle a aussi mis en scène, est  originaire d’Acadie, une région  où les chanteurs de la mer transforment  les récits folkloriques en poésie visuelle et orale.  Écume  se situe à la confluence de plusieurs instabilités : celle du monde liquide qui noie ses secrets, celle des identités  changeantes qui occultent des vérités indicibles.
L’œuvre devient une sorte de quête locale se transformant en interrogation poétique de toutes nos certitudes, quant à la nature du corps et aux  rapports humains, minés sans arrêt par l’inattendu, l’incertain ou l’inconnu. 

 
Au départ, Écume  est  une histoire d’amour entre Morgane, une fille jeune et belle,  et Émile, un beau garçon  raisonnable et sérieux. Les liens entre les amoureux sont sensuels,  physiques, voire magiques. Dès la première rencontre, un coup de foudre.
 Toutefois,  un mystère entoure cette petite femme qui se dit « poisson », puisqu’elle est  attirée par l’eau. Elle communique sans arrêt avec sa mère Simone, morte depuis longtemps mais toujours présente dans les temporalités qui englobent l’espace scénique et nous fait renouer avec le monde du conteur.
Simone observe sa fille, elle communique avec elle et la petite ne peut se libérer de l’appel de la mère car il y a tant de choses que sa mort n’a pas résolues. 

L’œuvre  est structurée par  plusieurs dialogues parallèles dans le temps : Émile parle avec son psychologue  pour s’assurer un ancrage dans la vie « matérielle et réelle »  et Morgane fait la navette entre le présent et le passé  à la recherche des explications sur  la mort de sa mère, l’identité de son père, sur les  disparitions  multiples et les secrets de famille.  Et tout se passe dans cette temporalité brouillée entre un présent trouble et un passé qui n’en finit pas. 
 
Alors que les allusions s’accumulent sur l’élément liquide, sur les poissons, sur la vie aux profondeurs de la mer, sur les disparitions, les morts inexpliquées, le dialogue avec la mère  révèle une famille libérée de tous les contraintes habituelles, limites qui gèrent le monde quotidien, puisque justement l’élément instable ouvre toutes les possibilités. En tant que petite fille, Morgane se souvient des voyages imaginaires au Maroc,  voyages évoqués aussi par un ami qui était toujours présent pour la mère. Par  les carafes, les bols   les morceaux de tissus et même la présence d’un narghilé, des objets d’origine marocaine  que la scénographe distribue autour du plan d’eau au  centre de la scène, Josée Bergeron Proulx crée un monde poétique qui incarne le mystère absent d’un monde ailleurs que la mère n,a jamais pu visiter.
Dans ce tourbillon de conversations avec l’invisible,  Émile est de plus en plus perplexe mais nous, le public, nous  découvrons peu à peu, grâce à une mise en scène très fine, les complexités d’une vie touchée par le merveilleux, à laquelle la jeune femme ne peut plus se soustraire.
Le parterre de la scène est recouvert d’une  toile d’un bleu lumineux,  à la fois surface où  on se déplace,  piscine où on plonge,  bord de mer où on patauge  et se promène, s’amuse  se roule et s’exprime librement. Les images scéniques créent cette merveilleuse poésie de l’instable à tel point que nous attendions l’arrivée de Morgane en Sirène, prête à emporter son amant dans les flots. Mais ce ne fut pas le cas: la mise en scène est constituée de jeux visuels mettant en relief les  explications  sur la mort de la mère et le sort réel du père, les unes plus  poétiques que les autres.  Puis  émerge, un personnage étrange.
Long, mince, androgyne, un jeune homme  enlève son manteau comme un reptile, se débarrasse de sa peau et révèle une présence féminine : une voyante, une confidente, celle qui reçoit les êtres troublés, un forme difficile à cerner mais autour de laquelle la mort de  la mère se reconstitue et s’explique.
Un récit devenu quasi  allégorique où  ces  présences inattendues se transforment au gré des vagues et s’évaporent  comme l’écume à la surface de l’eau. L’image révèle une nostalgie très puissante  face à la possibilité d’une nouvelle forme de vie  sans contraintes, symbolisée par la fluidité de la mer et l’aisance avec laquelle les peaux s’envolent, par la manière dont les rapports secrets entre les êtres humains et les créatures de la mer semblent s’engager. L’écume serait  le principe d’une transformation qui ouvre la voie vers la possibilité d’une liberté  inouïe.

Cet  idéalisme quelque peu naïf assorti d’un utopisme  joyeux est un hymne à une nouvelle forme de transcendance. Et dans cette œuvre résolument poétique, l’autrice examine  le mystère de notre existence, l’absence de repères et le brouillage du temps qui alimente le secret des corps.
Anne-Marie White sait diriger Marc André Charette, Geneviève Couture, Pierre-Antoine Lafond-Simard et Marilyn Castonguay. Quant au public, il lui faut respirer profondément, et se laisser  emporter par la beauté de la scène.  Pour le reste,  libre d’en penser ce qu’on veut et l’auteure n’y ferait sans doute aucune objection.

Alvina Ruprecht

Production du Théâtre du Trillium, à la Nouvelle Scène, Ottawa, jusqu’au 30 octobre 2010.
 
 
 
 

LA OMISION DE LA FAMILIA COLEMAN

La Omision de la famile Coleman, texte et mise en scène Claudio Tolcachir – Timbre 4

Sur la petite scène du Rond-Point, une famille, une vraie. C’est-à-dire: un appartement où rien n’est à sa place, des mots qui n’arrivent pas à destination -à supposer qu’ils soient partis -, des temps et contre-temps différents pour chacun, des embrassades, des bagarres, et des bouderies, et au bout du compte une solidarité de fait qui peut bien se défaire.
Pas de père à l’horizon, mais il y en eut deux, un jour, pour procréer les quatre enfants. Une mère infantile, une sœur qui a échappé au sac de nœuds mais vient s’y embrouiller de temps en temps, un ga
tolcachir.jpgrçon « spécial » qui dort avec sa mère et ne se lave jamais, « les jumeaux » dont une fille qui cherche à gagner un peu d’argent en faisant de la couture… Rien ne marche, et ça fonctionne quand même. La mort de la grand-mère vient secouer tout ça d’une sorte de bradyséïsme (= tremblement de terre lent) qui aggrave juste un peu les choses, sans les changer réellement.

Claudio Tolcachir et sa troupe installent une vérité hallucinante, dans la mesure où ils prennent exactement le temps qu’il leur faut, parfois précipité, parfois mort, suspendu, avant que ça reparte, ou non. Les acteurs s’emparent de l’espace et des objets-tout bêtes, quotidiens-avec la même énergie totale et faussement brouillonne, attentive à cette histoire du temps qui passe, ou non.
L’auteur a voulu que soit gardé le mot « omision », en version originale, avec un accent aigu sur le que les claviers azerty sont incapables de reproduire) : façon de dire la guirlande de manques qui constitue la famille Coleman.
Absence des pères, on l’a vu, manque à gagner, manque d’à propos, et même peine à jouir, par une sorte de fatalité qui ne serait en aucun cas du fatalisme. Car cette famille-là, dans sa débine et sa déglingue, a sa fierté, quand même.

D’aucuns y ont vu une image de l’Argentine durant la crise. La crise est partout, et cette dramaturgie d’un quotidien à la fois fragile, pesant et joyeux est universelle. D’où vient que l’on sorte de là très admiratif mais pas emporté ? Le spectacle nous en donne à la fois trop et pas assez. On frôle la tragédie, on frôle le grotesque. Aurions-nous à ce point besoin de terreur et de pitié ? Il y a là une autre sorte de trouble.
À voir, à creuser.

Christine Friedel
Festival d’automne. Théâtre du Rond Point 01 44 95 98 21 jusqu’au 13 novembre. La Scène Watteau à Nogent-sur-Marne 01 48 72 94 94 les 10 et 11 décembre

Également de Claudio Tolcachir : El viento en un violin, Maison des Arts de Créteil 01 45 13 19 19 du 16 au 20 novembre.

 

LA OMISION DE LA FAMILIA COLEMAN de Claudio Tolcachir


La Compagnie Timbre 4 est une maison. Et la maison est une école. Et l’École est un théâtre. Et aussi une compagnie, au coeur de Boedo, un des quartiers typiques de Buenos Aires.  La compagnie a été créée en 1999 par un groupe d’acteurs d’origine et de formation diverse. On découvre cette étrange smala familiale au saut du lit, tout le monde se dispute pour savoir qui fera le petit déjeuner, c’est Néné qui déclare s’en charger, elle ne trouve pas les allumettes pour faire chauffer l’eau du maté et se dispute avec ses frères et sa sœur Gabi, la seule à mener un travail concret en lavant et en  réparant des vêtements.  Survient une dernière sœur Veronica élégante qui vit ailleurs avec des enfants et un mari, venue saluer la grand mère qui règne sur la tribu. Et l’on découvre que Néné n’est pas la sœur aînée, mais la mère de la tribu qui vit grâce aux allocations de la grand-mère.
Quant au frère aîné, il  est étrangement agressif, et semble obsédé par les enfants de sa soeur qu’il traite de nains…  Mais la grand-mère tombe malade, on doit la faire hospitaliser grâce aux bons soins de Veronica qui entretient une liaison avec le médecin de la clinique. Et toute la famille se retrouve autour du lit de la grand- mère, on leur a coupé le gaz, la facture n’a pas été payée, ils viennent s’installer sur son lit, prendre une douche…
Une étrange vérité se dégage de ce nid familial fait d’attachements incestueux, de violences, de jalousies mais d’amours tout de même, interprété par une troupe cohérente et soudée.

Edith Rappoport

Festival d’Automne.

Théâtre du Rond Point jusqu’au 13 novembre 01 44 95 98 21


www.theatredurondpoint.fr

 

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