Cherry-Brandy
Cherry-Brandy, chorégraphie de Josef Nadj.
Il faut avoir un solide moral et une volonté de vivre une expérience esthétique à part, pour découvrir la dernière œuvre de Josef Nadj. Le chorégraphe et ses douze comédiens, nous invite à ce Cherry-Brandy, création produite dans le cadre de l’année France-Russie 2010, par le festival Tchekhov à Moscou, le CCN d’Orléans, et le Théâtre de la Ville; Josef Nadj nous plonge dans une réflexion sur la position de l’artiste face à son enfermement dans les goulags en s’appuyant sur trois auteurs et leurs écrits. Tchekhov qui a fait l’expérience volontaire d’un séjour dans le bagne de Sakhaline en 1890. Ossip Mandelstam, qui , suite à ses prises de position contre Staline en 1934 fut condamné aux travaux forcés. Et surtout Variam Chalamov qui admirait Mandelstam et qui lui consacra un récit « Cherry-Brandy », alors que lui-même était déporté en Sibérie. « Sur scène ou au goulag, dernier recours contre la mort : la poésie. Et le sourire.
Remèdes connus des Russes depuis toujours », dit Josef Nadj. Mais le sourire laisse place à l’anxiété. Ce théâtre d’ombres et de fantômes du bannissement, donne sur un plateau nu, des images très fortes, comme cette chorégraphie solo, presque pré mortem, d’une danseuse au masque de vieillard ou comme ce personnage en bois qui va être découpé en deux par une scie oscillante verticale dans un bruit assourdissant. La musique en direct souligne, elle aussi cette impression d’austérité et de dureté.
Josef Nadj et ses danseurs ont une précision du geste extrême, réalisant une calligraphie noire et blanche dans l’espace. L’ensemble laisse une impression globale d’étouffement: le goulag et l’impossibilité de fuite dominent. Mais le spectateur, qui a envie de « respirations » au milieu de ces images parfois cruelles, ne peut s’en échapper.
Jean Couturier
Théâtre de la Ville