Amphitryon

Amphitryon d’Henrich von Kleist, texte français de Ruth Orthmann et d’Eloi Recoing , mise en scène de Bernard Sobel.

 sanstitre1.jpg Kleist, né en 1805,  a 28 ans  quand il écrit Amphitryon et  se suicide avec son amie cinq ans plus tard . C’est comment dire, d’après le génial scénario écrit par Plaute, une sorte de relecture plus tragique, plus existentielle de la pièce  de Molière . Le Roi de Thèbes est parti pour la guerre, et Jupiter est tombé fol amoureux de son épouse Alcmène ; il descendra donc sur terre pour passer, sans aucun scrupule, une nuit avec Alcmène sous l’apparence d’Amphitryon.
Mais la pièce de Kleist  est davantage centrée sur la destinée d’Alcmène, infidèle à son insu et donc innocente mais qui ne peut évidemment remonter le cours du temps. Et ce qu’elle a vécu a bien eu lieu comme Jupiter  le lui révélera à la fin. Elle aura eu, avec un autre que son mari, l’expérience de la jouissance érotique, et le plaisir d’avoir passé une nuit délicieuse en compagnie d’un homme qu’elle croyait être son mari.
Cela aura été pour eux une expérience douloureuse mais qui aura finalement donné plus de solidité à leur relation de couple . Puisqu’ils continueront à s’aimer mais moins bercés par l’illusion de la possession de l’autre. Dans un choix plus lucide, et réellement consenti, donc plus fort.. Kleist aborde aussi et surtout par le biais de cette fable la question métaphysique du « qu’est- ce que veut dire être moi » dans une mise en abyme  fascinante et vertigineuse du double à la fois pour Amphitryon/ Jupiter, et pour  Sosie/ Mercure. » Nous ne pouvons pas trancher, disait Kleist, « entre ce que nous appelons la vérité et ce qui nous apparaît ainsi ».
Thomas Mann admirait profondément cette pièce  assez peu jouée en France, trop longue mais  dont le thème reste tout à fait passionnant. Bernard Sobel qui a monté de façon remarquable, entre auteurs allemands, Lenz, Lessing ou Grabbe ne pouvait que s’intéresser à cette pièce. Disons tout de suite que rien n’est vraiment dans l’axe dans sa mise en scène. Lucio Fanti, qui a pourtant réalisé d’excellentes et belles scénographies, a conçu une toile où passent des nuages noirs, et où apparaissent deux ombres  d’arbres immenses et noires. La scène est ainsi réduite à une longue bande et,dans la dernière partie seulement, la toile se lèvera pour laisser apparaître la petite maison carrée d’Amphitryon et d’Alcmène, noire aussi évidemment!  Le tout dans une lumière sépulcrale imaginée par  Alain Poisson qu’on a connu mieux inspiré. Et la plupart des costumes sont aussi noirs ou gris sauf Alcmène vêtue d’une robe tunique blanche.
Quant à l’interprétation, on peut se demander pourquoi  Pascal Bongard (Jupiter) ne sait pas bien son texte, à tel point que l’on est obligé par moments de lui souffler ses répliques! Aurore Paris/ Alcmène-et ceci explique peut-être cela-ne semble pas très à l’aise. Il y a quand même une très belle scène entre les deux amants mais pour le reste quel ennui, quelle déception, et le spectacle n’en finit pas de finir ( deux heures vingt sans entracte ! et  le texte aurait pu être élagué sauf le respect que l’on doit à Kleist!). Sobel ne craint même pas d’utiliser des stéréotypes du théâtre contemporain: des courses dans la salle qu’on  éclaire- déjà raccourcie et dont les deux côtés sont vides de public  et le public prié de figurer le peuple de Thèbes…
On veut bien mais quand même… Réveillez vous Bernard Sobel! Alors à voir? Oui si vous avez envie de connaître le texte dont cette représentation ne vous apportera pas grand chose (et on peut le lire sans aller jusqu’à Bobigny… Sinon, ce n’est vraiment pas la peine, la vie est trop courte.

Philippe du Vignal


MC 93 de Bobigny jusqu’au 11 décembr
e

 


Un commentaire

  1. Zita dit :

    ENTIERMENT D ACCORD!!!
    Si seulement j’avais pu vous lire avant…

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...