Les trois Sœurs

Les trois Sœurs d’Anton Tchekov, mise en scène de Volodia Serre.

 

On a beau finir par connaître le texte presque par cœur, à chaque fois, c’est le plus souvent un véritable régal de retrouver les dialogues, comme quand on était enfant avec ces contes  dont on soeurs.jpgne se lassait jamais. Il y a là les quatre enfants Prozorov: Andreï qui rêve d’être professeur d’université et sa fiancée Natacha qui,  quelques années plus tard, sera mère de deux enfants, et  ses trois sœurs : Olga 28 ans , prof de collège, Macha, mariée à un professeur qui l’ a déçu et qu’elle  n’aime plus , et la jeune Irina, Verchinine le lieutenant-colonel de la garnison qui est devenu l’amant de Macha, et lrina  qui fête ses seize ans, Irina dont le lieutenant Touzenbach et  le capitaine Soliony sont tous deux amoureux…
« Si l’on savait, si l’on savait » dira simplement Olga à l’extrême fin de la pièce ,après la grande douleur des séparations et de la mort en duel de Touzenbach… On retrouve, comme dans La  Cerisaie ces petits propriétaires terriens, leur amis parasites, leur campagne où il vivent depuis longtemps mais qu’ils veulent toujours quitter pour Moscou , leurs rêves  inassouvis et leurs domestiques parfois âgés comme ici Anfissa ou dans La Cerisaie , le très vieux Firs que jouait magnifiquement  l’an passé Jean-Paul Roussillon, mort quelques mois plus tard.
La  première scène s’ouvre sur une scénographie un peu chargée: des espèces de fantômes de bouleaux en tiges de fer, et un grand mur , couvert de photos de famille, avec deux roues qui tournent, gadget pour dire sans doute le temps qui passe! Avec, au centre, une porte avec une vitre sans tain. Au loin, la table de repas et au milieu, un fauteuil: celui du père disparu. Tout cela n’est guère convaincant
et parasite un peu les déplacements des comédiens.et mieux vaut l’oublier le temps de la représentation.
Mais, heureusement, la mise en scène de Volodia Serre comme sa direction d’acteurs sont  précises et attachantes: pas de grands effets, pas de trouvailles comme les jeunes metteurs en scène en ont parfois. On ne comprend pas très bien pourquoi Macha se retrouve au premier balcon, une fois côté jardin et une autre fois côté cour ,éclairée par un projecteur. Les petits films amateurs (de la famille Serre, on suppose), avec les enfants jouant au bord de la mer qui sont projetés pendant  les changements de décor n’apportent pas grand chose… Pas grave, et à part ces quelques  scories, il faut le souligner ,c’est un très beau travail,en aucun cas prétentieux mais radicalement efficace : Volodia Serre sait dire les choses  avec simplicité et une apparente nonchalance, alors qu’on sent que tout est réglé au millimètre …
Ah! Le dernier acte particulièrement réussi avec cette catastrophe en chaîne: d’abord,le départ des officiers de la ville ( qui étaient les intellectuels de cette compagnie  en garnison, admirés et choyés dans cette bourgade), la mort brutale dans un duel avec son rival du lieutenant  Touzenbach et la séparation définitive entre Macha et Verchinine son amant: on peut vous assurer que , dans le public,l’émotion passait …
Volodia Serre  joue lui-même Andreï, frère  de ses trois sœurs Alexandrine (Olga) Joséphine ( Macha) et Léopoldine ( Irina) qui le sont aussi à la ville , comme on  dit…C’est  la première fois à notre connaissance que ces fameuses  trois sœurs et leur frère  le sont aussi dans la vie… Il y  avait eu autrefois Marina Vlady et Odile Versois, mais pas la troisième des sœurs Poliakov. Puisque cela lui était possible, Volodia Serre a bien eu raison de  tenter le coup: il y a ainsi une unité de voix et de sensibilité remarquables, d’autant que la différence d’âge est tout à fait plausible.Et les officiers aussi  sont tous très bien; autant citer tout le monde, puisque chaque comédien est exactement à la place convenable; mention spéciale à Juliette Delfau ( l’insupportable Natacha) et à David Geselson, tout à fait juste dans le rôle de Touzenbach,  à Jacques Alric dans le rôle du vieux  Féraponte, avec la canne et la barbe blanche qu’il a maintenant dans la vie.   Mention tout aussi spéciale  à Jacques Tessier (Tcheboutykine, le médecin militaire alcoolique au dernier degré, à Anthony Palioti ( Saliony, le capitaine en second), à Olivier Balazuc dans Verchinine , à Marc Voisin( Koulyguine) et aux officiers:  Carol  Cadilhac et François de Bauer, et enfin à Mireille Franchino qui fut l’une des clowns du Théâtre du Soleil et qui joue la vieille servante rabrouée et injuriée par Natacha.   Sans doute y-a-t-il eu des distributions plus marquantes mais, ce qui fait la qualité de cette mise en scène, c’est à la fois, la direction d’acteurs, le soin apporté à constituer chaque personnage et la grande unité de jeu:  et cela n’a pas de prix.
Il y a aussi , bien mise en valeur, cette notion du temps qui passe, dont Tchekov qui va bientôt mourir quand il écrit Les trois Sœurs est obsédé. Celui du passé, quand maman et papa  vivaient encore, celui que ne connaîtra pas Touzenbach dans vingt-cinq ans comme le lui fait remarquer fielleusement Soliony, les prédictions de de Verchinine sur la vie dans deux ou trois cents ans, etc…
Côté temps qui passe: il y a encore  quelques jours pour aller voir ces Trois Sœurs à l’Athénée mais il y a une longue tournée, n’hésitez pas si le spectacle passe près de chez vous.

Philippe du Vignal

 

Théâtre de l’Athénée jusqu’au 20 novembre et ensuite en tournée.

 

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