Pornographie

Pornographie de Simon Stephens, mise en scène Laurent Gutmann

0566085001289397766.jpgPornographie. D’après le Petit Robert, ce substantif désigne la « représentation de choses obscènes destinées à être communiquées au public. » Obscènes, parce que profondément intimes, relevant de la sphère privée.  Pourquoi cette exhibition? Sans aucun doute,  Simon Stephens cherche à provoquer le public.  Et il  choisit de dévoiler sur la scène une idée à la limite de l’insoutenable : c’est la part d’agressivité  contenue en chacun d’entre nous qui est à l’origine, entretient et fortifie la violence du monde.
Si le dramaturge britannique a au départ écrit
Pornographie juste après les attentats de Londres en juillet 2005, la pièce déborde largement ce fait divers. La cartographie qui nous est suggérée n’est pas seulement londonienne : constituée de paysages urbains laids et sans âme, de ghettos dangereux, de transports en commun étouffants et abrutissants, elle ébauche un espace public saturé de publicité et d’incitation à la consommation, à la débauche et aux plaisirs éphémères.
De la
junk food pour notre esprit comme pour notre corps. Et une société malade, où les habitants vivent tous ensemble mais où ils sont irrémédiablement seuls,  et ne savent pas vraiment s’y prendre les uns avec les autres, en n’arrivant finalement qu’à se faire du mal… mais peuvent-ils faire autrement ? Le parti pris de Simon Stephens, c’est de présenter sept tableaux en correspondance avec les fameux sept âges de la vie décrits par Shakespeare dans Comme il vous plaira.
Séduit par le propos incisif et politique, Laurent Gutmann s’est emparé du projet et sa proposition est des plus intéressantes et des plus riches.  A l’avant-scène, un praticable noir où viendront jouer les acteurs tour à tour, et à l’arrière, derrière une vitrine, un appartement fonctionnel avec un coin cuisine, un salon, une chambre, une salle de bain. Là, les personnages font leur vie, soutenant, accompagnant et observant ceux sur qui s’expriment sur le devant. Perméabilité de l’espace public et de l’espace privé, porosité perverse des frontières, voyeurisme.
Musicalement, la pièce est autant rythmée par de la pop anglaise ou du rap que par le compte à rebours de 7 à 0,  un inquiétant bruit de sonar, des annonces radio ou des mises en garde : « Veillez à ne jamais dépasser la ligne jaune ».
L’heure est au malaise et à la suspicion. Et, last but not least, la galerie de personnages sur lesquels, de près ou de loin,  les attentats ont retenti et  qui sont liés par cette tragédie.  Derrière la façade, l’apparence respectable, se dénudent une jeune mère de famille pratiquant l’espionnage industriel, un adolescent révolté, instable, qui agresse son professeur, un frère et une sœur incestueux, un père de famille en apparence simple et un peu bête, en fait raciste, et surtout véritable bombe vivante prête à exploser, un homme qui tente d’abuser de son ancienne collègue en détresse, une vieille femme amère et adepte de films pornos… Le jeu très expressif et l’interprétation convaincante montrent bien comment chacun possède sa petite dose de haine, de méchanceté, d’agressivité à l’égard de plus faible que soi, ou bien cherche à s’oublier dans l’alcool ou la drogue… Ça ne tourne pas rond sur le plateau. Seulement sur le plateau ?

 

Barbara Petit

 

Théâtre national de la Colline jusqu’au 18 décembre.


Archive pour 24 novembre, 2010

Pornographie

Pornographie de Simon Stephens, mise en scène Laurent Gutmann

0566085001289397766.jpgPornographie. D’après le Petit Robert, ce substantif désigne la « représentation de choses obscènes destinées à être communiquées au public. » Obscènes, parce que profondément intimes, relevant de la sphère privée.  Pourquoi cette exhibition? Sans aucun doute,  Simon Stephens cherche à provoquer le public.  Et il  choisit de dévoiler sur la scène une idée à la limite de l’insoutenable : c’est la part d’agressivité  contenue en chacun d’entre nous qui est à l’origine, entretient et fortifie la violence du monde.
Si le dramaturge britannique a au départ écrit
Pornographie juste après les attentats de Londres en juillet 2005, la pièce déborde largement ce fait divers. La cartographie qui nous est suggérée n’est pas seulement londonienne : constituée de paysages urbains laids et sans âme, de ghettos dangereux, de transports en commun étouffants et abrutissants, elle ébauche un espace public saturé de publicité et d’incitation à la consommation, à la débauche et aux plaisirs éphémères.
De la
junk food pour notre esprit comme pour notre corps. Et une société malade, où les habitants vivent tous ensemble mais où ils sont irrémédiablement seuls,  et ne savent pas vraiment s’y prendre les uns avec les autres, en n’arrivant finalement qu’à se faire du mal… mais peuvent-ils faire autrement ? Le parti pris de Simon Stephens, c’est de présenter sept tableaux en correspondance avec les fameux sept âges de la vie décrits par Shakespeare dans Comme il vous plaira.
Séduit par le propos incisif et politique, Laurent Gutmann s’est emparé du projet et sa proposition est des plus intéressantes et des plus riches.  A l’avant-scène, un praticable noir où viendront jouer les acteurs tour à tour, et à l’arrière, derrière une vitrine, un appartement fonctionnel avec un coin cuisine, un salon, une chambre, une salle de bain. Là, les personnages font leur vie, soutenant, accompagnant et observant ceux sur qui s’expriment sur le devant. Perméabilité de l’espace public et de l’espace privé, porosité perverse des frontières, voyeurisme.
Musicalement, la pièce est autant rythmée par de la pop anglaise ou du rap que par le compte à rebours de 7 à 0,  un inquiétant bruit de sonar, des annonces radio ou des mises en garde : « Veillez à ne jamais dépasser la ligne jaune ».
L’heure est au malaise et à la suspicion. Et, last but not least, la galerie de personnages sur lesquels, de près ou de loin,  les attentats ont retenti et  qui sont liés par cette tragédie.  Derrière la façade, l’apparence respectable, se dénudent une jeune mère de famille pratiquant l’espionnage industriel, un adolescent révolté, instable, qui agresse son professeur, un frère et une sœur incestueux, un père de famille en apparence simple et un peu bête, en fait raciste, et surtout véritable bombe vivante prête à exploser, un homme qui tente d’abuser de son ancienne collègue en détresse, une vieille femme amère et adepte de films pornos… Le jeu très expressif et l’interprétation convaincante montrent bien comment chacun possède sa petite dose de haine, de méchanceté, d’agressivité à l’égard de plus faible que soi, ou bien cherche à s’oublier dans l’alcool ou la drogue… Ça ne tourne pas rond sur le plateau. Seulement sur le plateau ?

 

Barbara Petit

 

Théâtre national de la Colline jusqu’au 18 décembre.

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