Le Mariage

 Le Mariage de Nicolas Gogol, traduction d’André Markowitz, mise en scène de Lilo Baur.

gprmariage1011.jpgCe Mariage , monté par Fokine en spetembre dernier au Théâtre de la Ville, est aujourd’hui monté par Lilo Bau,  ancienne assistante de Peter Brook avec les acteurs du Français.. La piécette n’a pas la dimension du Revizor, très bien monté par Jean-Louis Benoît il y a quelques années; même si Le Mariage a été créé juste après, en 1841 et  est un peu de la même veine, elle n’en pas les qualités dramatiques.
C’est un sorte de satire sociale aux accents de farce que  cette recherche d’un conjoint par une marieuse., femme expérimentée mais forcément roublarde et pas très nette en affaires, comme le sont les petites annonces matrimoniales actuelles dans les journaux ou sur Internet.
L’institution du  mariage qui repose toujours sur une base de petits malentendus et de négociations,  est  un bussiness lucratif pour cette marieuse, et, bien entendu,chez Gogol, les choses ne se passent pas comme prévu: la jeune file est un peu sosotte, les prétendants ont des allures de pieds nickelés, vantards et pas très malins, et bien entendu, tous plus ou moins alcooliques.
Et c’est une bonne occasion pour Gogol  de se livre à un je de massacre,  en  mettant en scène des personnages hauts en couleur comme un marchand, un  petits fonctionnaire , deux  officiers en retraite, ou encore Omelette un employé de collège,  tous plus âgés que la jeune fille à marier; il y a aussi , dans cette galerie de personnages, le meilleur ami du plus jeune des prétendants, aussi brave que maladroit et qui arrive presque à réaliser cette fameuse union de rêve qui échouera,  puisque son ami s’enfuira subitement.
Lilo Baur a imaginé un décor à deux facettes: l’une étant l’appartement du célibataire et l’autre face le salon de la jeune fille, avec sur le côté un antichambre où attendent ses prétendants qui veulent vérifier, comme des maquignons si le produit à vendre  correspond bien aux qualités annoncées par la marieuse. Et le langage est parfois cru et bien observé, puisque Gogol connaissait bien ce milieu, qui est aussi celui des Ames mortes et que l’on retrouve aussi dans ses Scènes de la vie mondaine. Il y déjà du Labiche chez Gogol mais aussi, comme le dit Lilo Baur, du Chaplin ou du Keaton avec ces portes qui claquent, ces personnages pris dans un engrenage auxquels ils ont bien du mal à s’échapper.
Reste à savoir comment l’on peut représenter aujourd’hui cette pièce pas vraiment passionnante à vrai dire et qui  dure quand même une heure quarante; Lilo Baur s’y emploie avec sérieux et savoir-faire. mais le compte n’y est pas tout à fait.Il y a un côté propret, bcbg , à la fois dans ce décor un peu chicos, et  ces costumes trop raffinés. Quant aux  acteurs, ils font le travail, rien à dire mais semblent un peu coincés, sauf Nicolas Lormeau , le prétentieux et ridicule employé de collège, et Laurent Natrella qui s’est composé une silhouette incroyable pour jour les bons copains. Mais ce qui manque à cette mise en scène , c’est surtout un véritable ton burlesque, et un rythme qui donnerait une véritable couleur farcesque à cette comédie un peu mince où  chaque personnage n’est qu’esquissé.
On s’ennuie? Oui, un peu; et l’ on a bien du mal à s’attacher à ces personnages d’une affaire qui ne nous ne concerne guère. Il y aurait fallu plus d’audace et de folie dans la mise en scène, comme dans cette incroyable Mariage de Tchekov , inspiré de celui de Gogol et mis en scène par Pnakov avec des comédiens russes et ukrainiens au Théâtre des Abbesses.

Alors à voir? Pas nécessairement: cette recherche de l’âme sœur dans un milieu petit bourgeois aurait pu être plus réjouissante…Encore une fois, il manque ici une véritable dramaturgie comique et burlesque, ce qui, on le sait, n’est pas si facile à appréhender.

Philippe du Vignal

Théâtre du Vieux-Colombier jusqu’au 2 janvier 2011.


Archive pour 27 novembre, 2010

Pinocchio

Pinocchio d‘après Carlo Collodi, texte et mise en scène de Joël Pommerat.

pinocchio.jpgNous  vous avions dit en janvier 2009 dans le Théâtre du Blog(1) beaucoup de bien de ce merveilleux Pinocchio ; depuis le spectacle a beaucoup été joué et s’est encore bonifié. Il nous a semblé que le rythme s’était   resserré, qu’on entend mieux le beau texte de Joël Pommerat dont les répliques coulent dans la bouche des ses comédiens avec une aisance  hors du commun, qui ont une présence fabuleuse.Ils font tous un travail comme on aimerait en voir plus souvent sur les scènes françaises.Pierre-Yves Chapalain, le présentateur, glaçant de vérité, parfois même très inquiétant… Jean-Pierre Costanzziello, Daniel Dubois, Anne Rotger, Maya Vignando: tous sont absolument crédibles et justes. Et il y a une unité de jeu absolue qui donne une vérité aux personnages et au conte, avec comme le dit Daniel Loyaza, « un éclairage qui n’appartient qu’à Joël Pommerat. » Et l’on sent parfaitement que ce Pinocchio, librement réinventé où l’imagination enfantine se mesure à la dureté des grandes personnes, part donc de la question de la paternité et de la pauvreté. Comme dans cette admirable scène tout à fait poignante où l ‘enfant comprend que son père a vendu son seul  manteau pour acheter un livre, véritable sésame pour aller à l’école, et que Pinocchio vendra pour assister à une attraction de fête foraine. Mais s’il va à l’école , c’est aussi pour gagner beaucoup d’argent et délivrer son père de la misère. C’est un conte mais qui reste, à chaque minute absolument crédible. Que dire des images qui avec les lumières et la scénographie admirable d’Eric Soyer sont d’une telle qualité poétique qu’on entre dans ce conte comme un enfant: nous avons eu même un peu peur ( eh! oui) dans cet univers souvent assez noir où François , Grégoire Leymarie et Yann Priest ont créé un univers sonore à la fois précis et envoûtant . Il y a une belle citation de Kantor avec ses petits enfants/ mannequins assis en rang, et ces rangées d’êtres hybrides à têtes d’animaux absolument fabuleuses. Rine n’est jamais laissé au hasard et il n’y pas la moindre petite hésitation , que ce soit dans le jeu comme dans la mise en scène. Sans doute le meilleur spectacle depuis la rentrée 2010, et le meilleur aussi du théâtre pour enfants souvent  si approximatif. En fait, ce qui fait la beauté et l’unité de ce spectacle, servi par toute une équipe c’est sans doute l’engagement profond du metteur en scène qui ne triche jamais; on retrouve les figures les plus connues du conte que le petit garçon va rencontrer dans cette sorte de quête initiatique mais qu’il a su replacer à l’époque contemporaine avec une sensibilité et une intelligence exceptionnelle

Vraiment, on ne vous le dire pas trois fois, courez y et emmenez-y les enfants  comme les adultes qui vous sont proches) car c’est des grandes qualités de ce spectacle de pouvoir être lu par des spectateurs de tout âge ( mais pas avant huit ans précise le programme et c’est une bonne recommandation). Un dernier mot: il faut signaler que c’est Dominique Goudal, la directrice du centre culturel de Brétigny qui, la première , a tout fait, pour aider Joël Pommerat à ses débuts et on ne peut que la remercier pour sa lucidité et son engagement.

 

Philippe du Vignal

(1)http://theatredublog.unblog.fr/2009/01/23/pinocchio/

Théâtre de l’Odéon-Ateliers Berthier jusqu’au 19 décembre

 

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