Debout ! de Carole Thibaut d’après une idée et mise en scène d’ Agnès Desfosses en collaboration avec DKbel
« Debout ! » nous dit Carole Thibaut (auteure engagée de théâtre contemporain travaillant aussi la mise en scène avec la Cie Sambre), traduisant l’intention initiale d’Agnès Desfosses qui porte ce projet artistique avec sa Compagnie Acta en collaboration avec DKbel, compagnie chorégraphique locale.
Le projet est ambitieux, à la hauteur de l’enjeu : pour Carole Thibaut recueillir la parole d’habitants de – la très médiatiquement stigmatisée – Villiers-le-Bel et la traduire de façon allégorique et non caricaturale en un grand poème théâtral pour comédiens amateurs et professionnels réunis autour de monologues, de dialogues et en chœur.
Pour Acta, il s’est agi d’animer des ateliers de théâtre par tranches d’âge (allant d’enfants à un groupe d’adultes) afin de s’assurer de la bonne représentativité de ce qui se jouerait sur le plateau, une microsociété tendant à représenter le plus fidèlement possible celle de la ville.
Ensuite, à partir du magnifique texte de Carole Thibaut, Acta et DKbel ont respectivement mis en scène et en chorégraphie les quarante artistes amateurs et professionnels qui ont fait vibrer le plateau de leur élan, de leur panache, accompagnés par un remarquable travail de réglages d’entrées et sorties, des plus complexes dans un tel dispositif. Le plateau est un cercle dessiné au sol, à la manière d’une piste de cirque, et le public est placé dans une configuration tri-frontale. D’habiles découpes lumières ajoutées à un travail de projections d’images de la ville et de ses habitants (non décoratives, résolument signifiantes) viennent servir une scénographie qui oscille entre épure et foisonnement.
« Debout ! », nous disent-ils, avec leurs corps habiles – il en est de même pour la présence de plusieurs comédiens handicapés qui, jouant sur des fauteuils roulants – tout en portant le verbe haut. Ils nous racontent que cette ville est un melting pot, que la vie n’y est pas toujours rose, mais pas toujours noire non plus, et appellent à ce qu’on pourrait qualifier d’un « sursaut citoyen » pour reprendre l’estime de soi et le faire vivre collectivement dans l’espace public. Ils nous disent aussi la violence de la stigmatisation, la honte parfois d’avoir été à ce point pris en otage par une représentation caricaturale de la situation locale par les medias, tout en fustigeant des formes de violence qui ne sont ps niée et qui existent dans la ville.
C’est bien un texte poético-politique exhortant à améliorer le cadre de vie – en l’illustrant aussi par de très jolis moments vécus par les habitants – qui nous est adressé. Trois destinataires en somme, les médias pour qu’ils arrêtent d’écrire n’importe quoi, les habitants, pour qu’ils soient pleinement acteurs d’une existence collective plus apaisée, et les publics étrangers à la ville, pour leur exposer une toute autre vision du vivre-ensemble dans cette cité, toute en nuance.
Ce projet artistique, dont la forme, très visuelle (on reconnaît les talents de plasticienne et de photographe d’Agnès Desfosses) est bien servi par un texte poétique qui fait varier sonnets (c’est à vérifier en lisant le texte, mais c’est l’impression dégagée), des formes plus incisives (presque des haïkus japonais) et des dialogues « plus théâtraux »; les comédiens amateurs et professionnels jouent des rôles, non leurs propres rôles dans cette société. Nous sommes dans la distanciation.
Le propos doit aussi être interprété comme une volonté d’artistes, inscrits depuis longtemps dans ce paysage local (tout en ayant une reconnaissance nationale et internationale, soulignons-le) d’utiliser leurs compétences propres pour agir comme acteurs du social (et pas comme travailleurs sociaux !). C’est aussi cela que parvient à nous dire cette association d’artistes, comme un hymne à un théâtre politique non dogmatique.
Vous l’aurez compris, c’est fou ce que cela fait comme bien !
Jérôme Robert
Au centre Marcel Pagnol de Villiers-le-Bel Spectacle vu le 28 novembre 2010