Klaxon, trompette et pétarades
Klaxon, trompette et pétarades, texte de Dario Fô, traduction de Marie-France Sidet, adaptation et mise en scène de Marc Prin.
On connaît bien en France depuis quelque quarante ans Dario Fô (notamment son fameux Mistero Buffo, Couple ouvert à deux battants, Faut pas payer; cette dernière pièce avait obtenu un beau succès l’an passé dans ce même théâtre etc..) . Quant à cette pièce, elle fut mise en scène et jouée par Dariô Fô en 1981… » C’est une pièce ancrée dans une actualité spécifique: l’ Italie des » années de plomb » 1970 avec ses luttes sociales violentes, les séquestrations comme et l’assassinat d’Aldo Moro, nous dit Marc Prin. Quand, nous découvrions tous horrifiés les photos de son corps dans le coffre arrière d’une voiture, dans un pays très proche aux liens séculaires avec le nôtre…
Cette époque , se demande le metteur en scène, a-t-elle quelque chose à voir avec la nôtre. Oui, dit-il dans la mesure où elle annonce l’avènement d la prédominance et de l’omnipotence du pouvoir économico-financier sur la « chose politique ». Et il ne craint pas de parler de théâtralité joyeuse et irrévérencieuse, véritablement populaire, en quête ce rire acéré qui aiguise la lucidité du spectateur »…
Bon,bon mais que voit-on sur le plateau? En vérité pas grand chose! Une comédie à l’argument des plus minces, qu’il dit avoir adaptée et resserrée ( qu’en serait-il été si elle n’avait été resserrée!) mais où l’on s’ennuie ferme pendant une heure quarante. Le thème: Antonio, l’un des ouvriers d’ Agnelli le tout puissant patron de la FIAT ; il roule avec sa 132 dans les faubourgs de Turin quand il assiste à un horrible accident: une voiture, celle justement d’Agnelli percute un bas-côté de la route et a pris feu. N’écoutant que son courage, il cherche à sauver ses occupants bloqués à l’intérieur de la voiture; il en enveloppe un dans sa veste; l’homme- évidemment c’est Agnelli !- a le visage brûlé et est dirigé d’urgence à l’hôpital où les chirurgiens vont lu refaire un visage correspondant à la photo qui est dans la veste que l’on croit la sienne. Sa femme et sa petite amie viennent rendre visite à cet Antonio qui n’est pas le bon.
Sur cette improbable confusion d’identité,quiproquos en rafales, gags usés jusqu’à la corde, etc… Ce qui pourrait à l’extrême rigueur faire l’objet d’une petite farce vite expédiée, étirée sur une heure quarante devient très vite quelque chose d’à peine supportable. D’autant plus que la mise en scène, sans parler de ce qui fait office de scénographie et la direction d’acteurs sont misérables: cabotinage, criailleries permanentes, courses dans la salle. Dix minutes après le début, on a compris qu’il n’y avait plus rien à espérer, et la pièce se traîne lamentablement jusqu’à une fin qui n’en est pas une. Rien à sauver , tous aux abris. Pathétique… Aussi pathétique qu’un des petits textes du programme dont nous ne voudrions pas priver nos lecteurs: » La voix de la dissidence, une fois débondée, interdit-elle la dissension? (…) Entre le comédien et le personnage, entre la salle et la scène, entre la représentation et le réel, la farce remet du jeu, transforme en jeu la dénonciation elle-même. La destruction a ainsi son pendant positif de recomposition: ce que la dissidence farcesque défait du corps social qu’elle démembre en le représentant, elle le recompose dans l’ici et le maintenant de la représentation. Elle construit en direct l’utopie concrète d’une pratique lucide du spectacle qui vaut saisie lucide du réel ». ( sic)
Deux questions: Que pouvait être cette pièce de Dario Fô, à l’origine et non adaptée en 81? Comment et pourquoi Jean-Louis Martinelli , qui a d’habitude des choix plus rigoureux, a-t-il programmé ce texte indigent et qui n’aurait sans doute pas attiré grand monde, s’il n’avait été signé Dario Fô? On ne lui fera pas l’injure de croire qu’il ne l’avait pas lu? Le mystère reste entier.
Philippe du Vignal
Théâtre Nanterre-Amandiers jusqu’au 18 décembre.
http://www.dailymotion.com/video/xfkb75
Quand j’ai sorti de spectacle, j’étais assez stupéfaite du grandeur d’écart entre la réaction de la salle qui applaudissait vivement et la mienne.
Bon, elle m’a servi à quelque chose, quand même: grâce à ce critique de M. du Vignal qui a presque mot-à-mot traduit mes pensées sur cet horreur, j’ai enfin découvert un guide de théâtre à laquelle je peux faire confiance!