Didon et Enée
Didon et Enée , livret de Nahum Tate, musique d’Henry Purcell, direction musicale de Jean-Marie Puisant, adapté pour la scène par le Théâtre de la Mezzanine, mise en scène de Denis Chabroullet.
Denis Chabroullet est, comme il se qualifie lui-même, un « auteur scénique » avec une propension à fabriquer des images souvent influencées par celles de la B. D. , où les effets lumineux et, le son et la lumière jouent un rôle important sans que l’on sache toujours trop bien quelles sont ses intentions. Pas ou très peu de texte mais un univers personnel authentique. D’un spectacle à l’autre, (et nous avons dû en voir au moins six ), on retrouve ces bâtiments industriels hors d’usage,avec des fûts métalliques, des tuyauteries compliquées, des plans d’eau où les comédiens pataugent et/ou tombent, de belles jeunes femmes en sous-vêtements,des vélos ou des motos que conduisent deux danseuses à la perruque rousse de la brume, beaucoup de brume, des palissades en bois, de vieux faux tableaux électriques, des robinets que l’on ouvre et de petites cheminées de zinc qui laissent alors échapper des jets de fumée blanche..: Tout est parfaitement agencé et pas de surprise: dès les premières secondes, on sait que c’est du Chabroullet pur jus.
Ce Didon et Enée n’échappe pas à la règle mais, opéra faisant loi, il y a quand même une certaine rigueur imposée par la dramaturgie du livret et qui est -enfin!- la bienvenue; dès le le lever du rideau, on peut voir un grand plan d’eau où flottent des centaines de petites bougies de paraffine qu’un homme va ramasser avec une grande épuisette: aucun doute l’image est très belle et les enfants qui étaient là regardaient fascinés. Coté cour, un sorte d’installation en tubes métalliques,avec une estrade de bois où s’installeront les jeunes musiciens: et un petite cabane d’où part un monte-charge qui fait descendre l’enchanteresse à la chevelure incroyable jusqu’au plateau..
Au dessus du plan d’eau, un gros tuyau horizontal qui sert aussi de passerelle aux personnages, comme on en voit dans les raffineries de pétrole. Et très vite, des personnages apparaissent dans la brume, avec des habits qui ont dû être autrefois de de bonne qualité mais un peu usés et vieillis. Un homme porte un hélicon accroché sur son dos; brume épaisse , pluie et, à la fin , violent orage sont au rendez-vous. Les images, pour n’avoir rien de très original, se laissent pourtant voir comme celles d’un vieux livre que l’on avait enfant et que l’on retrouve trente ans plus tard mais mieux vaut ne pas être trop exigeant quant à la gestuelle. Qu’importe le livret, pourvu que l’on ait la brume et l’ivresse provoquée par une certaine nostalgie des vieilles choses hors d’usage et des être abimés; cela tombe bien, puisque Didon comme Enée ont eu tous les deux bien des malheurs avant de se rencontrer.
On ne va pas vous raconter la triste histoire de Didon et Enée un peu trop compliquée pour être vite résumée; mais on se laisse vite envelopper par la musique magnifique de Purcell, en particulier par le chœur, chantée en anglais; côté solistes, sans être spécialiste, il nous a semblé que les voix étaient un peu inégales. mais aucun doute, on se laisse prendre par un certain charme, et il y a une très belle scène quand Didon et Enée se séparent.
Alors à voir? Les spécialistes d’opéra semblaient rester sur leur faim, et c’est vrai que, depuis une bonne vingtaine d’années, on a trop souvent vu ce genre de mise en scène fondée sur une imagerie techniquement sans reproche mais sans grand intérêt non plus: ce genre de scénographie passe-partout et un peu racoleuse pourrait facilement resservir à beaucoup d’autres opéras… ou à un prochain spectacle de Denis Chabroullet. Mais il y a la musique de Purcell et, comme le spectacle ne dure qu’une heure quinze, encore une fois, on peut se laisser prendre… A vous de choisir.
Philippe du Vignal
Spectacle vu à l’Onde de Vélizy le 19 novembre; le 8 janvier à Meaux; en janvier le 14 à Fontenay; le 21 au Théâtre Romain Rolland de Villejuif; le 29 à Ermont; le 5 avril au Théâtre Alexandre Dumas de Rueil; le 17 et le 18 à La Coupole de Melun-Sénart et le 20 mai au Théâtre 95 de Cergy.
crédits photographiques: Christophe Raynaud de Lage