Le Petit Chaperon rouge
Le Petit Chaperon rouge , d’après le conte populaire, texte et mise en scène de Jöel Pommerat.
C’est une » petite forme », comme aurait dit Antoine Vitez ce qui peut dire bien sûr que c’est une grande et merveilleuse forme théâtrale. Joël Pommerat a repris le célèbre conte populaire de tradition orale très ancienne dont s’était déjà emparé chez nous Perrault à la fin du 17 ème siècle, et les Frères Grimm en Allemagne au I9 ème siècle. La version de Perrault est plus dure puisque le méchant loup croque, et la grand mère et le petite fille. Dans la version proposée par Pommerat, elles se retrouvent toutes les deux dans le ventre du loup mais un chasseur les en délivre et elles en ressortent toutes les deux indemnes.
Sur le plateau un peu en pente absolument dépouillé de tout accessoire, il y a seulement deux chaises de bois pour raconter l’histoire. Et comme personnages, un conteur en complet noir , trois femmes: une petite fille qui s’ennuie à la maison, sa Maman qui, sans doute trop occupée, ne joue guère avec elle, sauf, de temps en temps, quand elle s’amuse à lui faire peur, comme si cela préfigurait déjà la suite des aventures du petit chaperon rouge, et enfin la Grand-Mère, malade, située loin du monde de la petite fille et de la maman, seule dans une maison éloignée. Et puis le Loup.
Mais , le plus curieux de la fable est cette absence de personnages secondaires qui ne sont même pas évoqués. La maman n’a pas de mari, la petite fille n’a pas de papa ni de frère ou sœur, et la grand mère n’a plus ou pas de mari. Il y a aussi l’Ombre qui accompagne la Petite fille quand elle part seule avec le flan qu’elle a réussi à confectionner pour l’offrir à sa grand- mère.
La mise en scène de Joël Pommerat est une vraie merveille d’intelligence et de sensibilité; et son travail est fondé sur la scénographie et les lumières absolument exemplaires d’Eric Soyer, avec un rare sens des formes et des couleurs, et un univers sonore de François et Grégoire Leymarie tout aussi efficaces. Il faudrait tout citer mais le moment où le loup mange la petite fille et la grandmère, uniquement sonore, est une pure merveille.Les costumes de Marguerite Bordat sont aussi d’une sobriété exemplaire, avec un clin d’œil que l’on ne remarque pas tout de suite: c’est la mère qui est habillée de rouge!
Alors que bien des spectacles actuels sont dans ce domaine d’une pauvreté affligeante. Et c’est cet accomplissement absolu dans la mise en scène, dans le texte, comme dans l’interprétation de tout premier ordre Ludovic Molière( le narrateur), Isabelle Rivoal ( la mère et le Loup) et Valérie Vinci ( le petit chaperon rouge et la grand mère) qui permet à Joël Pommerat de jouer subtilement entre le merveilleux et la peur, et cette fascination mélangée de crainte pour l’inconnu que nous avons tous connu enfants… et sans doute adultes, avec juste ce qu’il faut de distance et d’humour pour que le cruel et l’horrible soient supportables pour les enfants.
Et il y a des répliques d’anthologie entre la petite fille et le loup »: Le loup est humain , il a seulement faim.- mais je n’ai pas envie tellement- Ce ne sont pas les enfants qui décident ». Le spectacle a beaucoup été joué et sa tournée continue avec une distribution parfois différente .Mais s’il passe près de chez vous en 2011 ( Sablé sur Sarthe, Ajaccio ,Champigny-sur-Marne Perpignan, Saint-Nazaire et Saumur y compris chez nos amis romains et barcelonais, ne le ratez surtout pas., et les enfants étaient visiblement heureux Il y a peu d’exemples d’un spectacle à la fois pour enfants et pour adultes qui dise autant de choses sur notre pauvre condition d’être humains par le biais d’un conte porté à la scène.
Philippe du Vignal
Odéon-Ateliers Berthier 17 ème jusqu’au 26 décembre.