Baal

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Baal de Bertolt Brecht, mise en scène François Orsini

C’est une descente aux enfers, un chemin de croix auquel nous convie François Orsini et sa troupe NéNéKa avec cette mise en scène de Baal. Si le héros de Brecht commence en artiste de cabaret et poète, c’est en poète maudit qu’il finit, devenu assassin , avant d’expier une vie corrompue. Nous suivons l’histoire de cette déchéance grâce à de petites scènes juxtaposées qui sont autant de moments de la courte existence de Baal : rencontres et séductions de femmes qu’il engrosse, beuveries à la taverne, disputes avec sa mère, fugues avec l’ami Eckart, chansons au cabaret où il semble avoir signé un pacte avec le diable…
La mise en scène, riche en propositions et inventive (notamment musicales et chantées), fait la part belle à la provocation, inhérente au texte ou liée à une gestuelle très poussée ,voire  insistante. On l’aura compris : nous sommes dans le temple du sordide, dans l’enfer de la débauche. Un univers fait de violence et d’hystérie, comme dans ces tavernes que fréquente Baal et où les misérables viennent se saouler et crier. Baal (Clotilde Hesme) apparaît comme une brute dépravée et abjecte.
On ne peut dénier la qualité de la distribution et une interprétation plutôt remarquable, puisque les sept comédiens sur scène incarnent chacun plusieurs rôles . Mais  subsistent des zones d’ombre: le débit ou la diction ne rendent pas toujours le texte audible, et les scènes ne sont toujours pas assez claires  pour être immédiatement compréhensibles. Bref, un peu de liant fait défaut pour donner au spectacle plus de saveur et d’harmonie et décoller d’un sens qui serait d’emblée offert dès la scène inaugurale. La troupe  possède énergie, talent et plaisir à jouer, et il ne lui manque pas grand-chose pour être  tout à fait convaincante…

Barbara Petit

Théâtre de la Bastille jusqu’au 22 décembre.


Archive pour 5 décembre, 2010

VILLÉGIATURE

VILLÉGIATURE d’après La Trilogie de la villégiature de Goldoni, mise en scène de Thomas Quillardet et Jeanne Candel. 

 

Jeanne Candel et Thomas Quillardet avaient déjà collaboré pour leurs premières mises en scène, notamment pour Le baiser sur l’asphalte de Nelson Rodrigues en 2005 au Théâtre Mouffetard dont nous gardons un bon  souvenir. Cette Villégiature rassemble les pièces de La Trilogie de la villégiature écrite  par Goldoni en 1761. et qui est ici  interprétée par une équipe de huit comédiens pleins d’humour, et plusieurs rôles sont doublés avec efficacité, notamment les domestiques par Marion Vestraeten et les veuves par Elizabeth Mazev, toutes deux sémillante. Cette Villégiature brosse le tableau féroce d’une bourgeoisie vénitienne frivole et endettée, qui maltraite ses domestiques.
Les deux jeunes premières, Maloue Fourdrinier (Vittoria) et Claire Lapeyre-Mazerat (Giacinta) qui rivalisent sur le front de la mode et de l’amour , se sacrifieront sur l’autel des convenances, l’une épousant l’amant de l’autre qui a signé trop tôt une promesse de mariage avec un autre prétendant, sous la pression d’une irrésistible veuve.
Une seule ombre à cette  belle soirée : le décor en contre-plaqué du premier acte qui bascule sur le plateau pour laisser la place aux lieux de la villégiature du deuxième acte, manque singulièrement de poésie.

Edith Rappoport

Bien vu; il faudrait seulement ajouter que Thomas Quillardet aurait intérêt à s’entourer d’un dramaturge: à force de cisailler dans le texte, le début n’est pas d’une clarté limpide. et  du coup semble un peu poussif.. Il lui faudrait aussi recruter d’urgence un(e) scénographe: ce qui est sur scène est trop laid et trop médiocre, y compris les accessoires, et nuit au jeu des acteurs quand le plateau dans la seconde partie est encombré des béquilles qui maintiennent le mur de la première partie.
Le travail de Tomas Guillardet  mérite mieux. Sa mise en scène et sa direction d’acteurs sont vraiment de très grande qualité: tous les acteurs sont justes et tout à fait crédibles en particulier Elizabeth Mazev dans un double rôle de veuve, Marion Verstraeten qui  joue les  domestiques , Oliver Achard (le père): il faut une sacrée dose d’intelligence théâtrale pour jouer ce personnage de père à la fois finaud, et pas très clairvoyant, et qui peine à s’imposer sans sa maison .
Il y a aussi Claire Lapeyre Mazerat ( Giacinta): il faut la voir d’abord joyeuse, espiègle mais à la fin résignée et consciente de s’être fait flouer dans ce jeu d’amour qui tourne mal, en partie à cause d’elle, trop jeune et trop naïve pour affronter les coups tordus…
Le conte cruel de Goldoni  aurait  pu  être  signé par  ce formidable explorateur de la société que fut aussi  Eric Rohmer. Et le public , où il avait des gens de tout âge  qui a fait une ovation au travail de Thomas Quillardet.

Philippe du Vignal

Théâtre de Vanves Jusqu’au 13 décembre.

  Et à la Maison de la Poésie à Paris, reprise du Repas de Valère Novarina qu’avait mis en scène l’an passé Thomas Quillardet avec beaucoup de bonheur  et où jouent aussi plusieurs des comédiens de La Villégiature ( voir le Théâtre du Blog) du 19 janvier au 16 février.

Dämonen

Dämonen Démons de Lars Norén, traduction en allemand d’Angelika Gundlach,  mise en scène de Thomas Ostermeier.

Lars Norén, 66 ans est sans aucun doute le dramaturge suédois le plus connu en France, avec des  pièces comme Guerre, La Force de tuer, Kliniken, La Veillée, Munich-Athènes. Sur les quelque file587hddaemonenlarseidingerbrigittehobmeier.jpgdizaines qu’il a écrites. Dämonen  ( 1983)  est une sorte de tranche de vie: un couple, Frank 38 ans- l’âge qu’avait Norén quand il écrivit sa pièce- et Katarina vivent ensemble depuis longtemps mais le couple a quelques difficultés relationnelles dans leur vie quotidienne. Les reproches et les injures se mettent à pleuvoir. Et cela passe, on le sait bien, par des détails qui, accumulés au fil des années, deviennent une bulle prête à exploser avec violence. Un soir, Quand Frank rentre, Katarina est en train de prendre une douche et elle casse un verre, et le verre cassé s’éparpille partout sur le carrelage. Ce qui excède Frank qui  lui rappelle qu’elle avait déjà cassé la plaque de verre du bac à légumes du réfrigérateur il y a quelques années, de celles que l’on ne trouve jamais à acheter. Elle, de son côté, a un peu de mal à accepter que l’urne contenant les cendres de la mère de Frank soit toujours dans le couloir…

L’escalade verbale va commencer du genre: « Ne me regarde pas avec tes petits yeux ridés de cochon ». ou « Ta pute italienne que tu as baisée à Orly »  Qui peur de Virginia Woolf ?  que nous avions vu jeudi a, vingt ans plus tard, évidement inspiré Lars  Norén. … D’autant plus que Frank propose à ses voisins du dessous Jenna et Tomas un jeune couple comme eux mais qui ont deux enfants, dont un bébé Wolfgang qui est malade, de venir prendre un verre. Jenna, un peu enveloppée, mère de famille,  est un peu l’antithèse de Katarina qui a quelque chose de la Vénus de Boticelli. Ils se mettent à boire tous les quatre et dans ce huis-clos, la machine à produire de la cruauté mais aussi à révéler  la vérité de chacun des personnages est programmée de façon irréversible.

Complices et victimes à la fois, Katarina, très séduisante, et Frank mènent le bal, visiblement assoiffés d’échapper à un quotidien qu’ils ne supportent plus, incapables aussi sans doute de ne plus s’aimer.  Jamais sans toi, plus jamais avec toi…: « Ou je te tue ou tu me tues, ou on se sépare ou continue comme çà. Choisis, dit Frank, tout en sachant qu’il n’y a pas de vraie réponse. Et on pouvait s’y attendre: elle se met à draguer Tomas qui ne résiste gère à ses avances. Et comme dans la pièce d’Edward Albee, l’autre couple va vite être contaminé par ce déluge de violence verbale, où l’attirance sexuelle n’est jamais vraiment avouée mais sans arrêt présente. Et Frank a visiblement des penchants homosexuels et se met à draguer Tomas de façon très physique. Dans un moment de grande violence et déjà très imbibé, il versera les cendres de sa mère sur Katerina, pour ensuite  passer l’aspirateur et les remettre dans l’urne…

Ce qui n’empêchera pas Frank, à la fin de partir avec Jenna qui un besoin irrépressible d’amour: « Tomas ne m’a jamais aimé; c’est pour cela que je tombe enceinte tout le temps « . Thomas Ostermeier a repris un dispositif scénographique comparable à celui de Maison de Poupée soit une vaste tournette avec, d’un côté,  un appartement contemporain avec table basse, fauteuils et de l’autre côté, séparé par un box en verre où est placé un vélo d’entraînement, une petite cuisine, le lit d’une chambre et une douche avec lavabo.

Le directeur de la Schaubühne a placé deux projecteurs vidéo qui retransmettent certaines scènes sur les murs de l’appartement, surtout quand elles se passent de l’autre côté. C’est techniquement de grande qualité mais comme d’habitude, cette vidéo- véritable manie du siècle que nous avons souvent dénoncée- ne fonctionne pas très bien; et voir de gros plans de visages ou Frank pisser dans le lavabo quand les trois autres personnages continuent à discuter dans le salon tient de la provocation  de potache et n’apportent strictement rien au spectacle.

Mais avec une pièce mineure, Thomas Ostermeier a réalisé une mise en scène exemplaire, notamment dans sa direction d’acteurs; on connaissait déjà Lars Eidinger  (Frank) qui avait déjà joué  dans son Hamlet mais Brigitte Hobmeier, Eva Meckbach et Timan Straub sont d’une vérité et ont une qualité de jeu tout à fait exceptionnelle. Ce qui frappe le plus, c’est la simplicité apparente de leur interprétation et l’unité de jeu du quatuor.

Alors à voir?  Même si la pièce beaucoup trop longue, (deux heure vingt cinq sans entracte) sur un thème très proche, n’a pas la force d’écriture de Qui a peur de Virginia Woolf?  et si elle n’offre guère d’émotion, on est quand même séduit par la mise  en scène de Thomas Ostermeier. A vous de choisir. Apprentis comédiens, courez y, vous verrez une direction d’acteurs d’une rare qualité.

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Odéon, Paris (VIème)  jusqu’au 11 décembre.

 

 

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