Cachafaz

Cachafaz, livret de Copi, musique d’Oscar Strasnoy, direction musicale de Geoffroy Jourdain, mise en scène Benjamin Lazar.

Ce projet est le fruit d’une véritable création collective qui implique toute une équipe  dans l’écriture de cet opéra contemporain… Comme le dit  Oscar Strasnoy : « C’est l’œuvre d’un dramaturge disparu trop jeune et d’un animal musical à cent ongles, cinq têtes, cinquante doigts et dix testicules : un chef, un metteur en scène, deux chanteurs et un compositeur ». Une « tragédie barbare », sous-titre d’une pièce qui devient , avec la musique d’Oscar Strasnoy, une « opérette décadente », imprégnée de rythmes  argentins : tango ou  payada (joute verbale poétique et rimée),  et truffée de références à l’opéra vériste, notamment La Tosca de Puccini. A travers les liens qu’elle tisse avec différents genres musicaux, cette pièce est  presque naturellement devenue un livret de cet opéra, qui a été créé  en novembre au Théâtre de Cornouailles, à Quimper.
Cachafaz se déroule dans un « conventillo » de Montevideo, un taudis où les immigrants des années 1920 s’entassaient et où  vit un couple, Cachafaz le pardo (métis) et la Raulito, travesti du quartier. Le couple se dispute , quand surgit un policier qui veut arrêter Cachafaz pour un vol de saucisse (bustifarra) qu’il cachait dans son caleçon. Le policier frappe à la porte et  les femmes du quartier crient alors leur haine envers Cachafaz, qui chante son couteau à la main : cachafazm.jpg« Avant qu’on ne me tue,  je veux/  savoir quelle est ton essence, / pour toi j’ai perdu l’innocence, / l’honneur et la vertu ! (…) Etaient-ce tes pas de tango ?/ Etait-ce ton air affectueux ? / Mais tu es entrée dans mon âme / habillée en pédé. »
L’action se précipite et Cachafaz finit par tuer le policier. Mais au lieu de l’enterrer, Raulito a l’idée d’en faire de la charcuterie et de nourrir ainsi les habitants affamés du conventillo. Commence alors un véritable commerce de viande humaine, accepté par les hommes du voisinage,  tandis que leurs femmes crient au scandale. Cachafaz semble être devenu insensible aux balles des policiers et les fantômes qui rôdent ne l’effrayent pas,  mais une fusillade lui sera fatale. Raulito l’accompagne dans la mort, après un dernier tango.
Dès les premiers mots , la patte de Copi se fait sentir, dans une écriture alliant crudité et humour. Pièce intime écrite dans un espagnol argotique d’Uruguay et d’Argentine, les pays d’enfance de Copi, où son lyrisme se déploie déjà de façon très musicale dans  la versification. Benjamin Lazar met en scène  le spectacle dans un décor fonctionnel d’Adeline Caron, avec  des estrades en fer et un premier étage suggéré par les torchons des taudis.
Dans la fosse, les huit musiciens de l’ensemble 2E2M dirigés par Geoffroy Jourdain et, à l’avant-scène, le logis où vivent  Raulito (Marc Mauillon) et Cachafaz (Lisandro Abadie), avec une porte pour toute séparation et des tas de torchons et de draps sur le sol. C’est le chœur de chambre Les Cris de Paris qui interprète les voisins et voisines. Adeline Caron a su  créé une une atmosphère  urbaine et misérable: la scène est à vue dès l’entrée du public, et l’on peut confondre les membres du chœur avec des spectateurs dont on se demande ce qu’ils font sur scène.
Quand  la musique commence, le chœur s’habille  et apparaissent  Raulito et Cachafaz, jusqu’alors dissimulés sous des draps. Les solistes, tous deux barytons, (basse pour Cachafaz et baryton léger presque ténor pour Raulito), nous offrent une partition remarquable. Marc Mauillon est crédible dans le transsexuel Raulito,  et  Lisandro Abadie avec ses beaux graves et son look mal rasé correspond au macho sud-américain, tel que l’on peut l’imaginer.
Cette création est un authentique opéra dans une forme contemporaine… Cachafaz va dépècer le corps du policier (une marionnette) et en retire des reins sanglants, et, au deuxième acte, quand le commerce de viande humaine s’est développé, une véritable odeur de porc grillé envahit la salle Favart ! La musique d’Oscar Strasnoy est toujours très expressive, avec des passages croustillants comme la référence à L’Air du Catalogue de Leporello dans  Don Giovanni, interprété par un(e) Raulito aux anges qui compte les morceaux de viande des policiers assassinés ! Benjamin Lazar et Geoffroy Jourdain, qui avaient déjà co-écrit La, la, la – opéra en chansons, s’associent à Oscar Strasnoy pour créer un opéra à la fois déjanté et savoureux. On en redemande.

Davi Juca

A l’Opéra-Comique, les 13 et 14 décembre à 20h.
Puis à la Maison de la Culture de Bourges-Scène Nationale le 11 janvier 2011 et à l’Opéra-Théâtre de Saint-Etienne le 20 janvier 2011.
Spectacle également retransmis sur France Musique le 24 janvier à 20h.

 

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