Sans la gaieté sans les amours tristement vous passez vos jours

Sans la gaieté sans les amours tristement vous passez vos jours,  d’après l’œuvre d’Henry Monnier, mise en scène de Patrice Bigel.

 

sanslagaite183.jpg C’est en tombant par hasard sur les morceaux choisis d’une édition de 1935 que nous avons découvert Henry Monnier ( 1799-1877), dit Patrice Bigel. Plus connu pour ce personnage de Monsieur Prudhomme le bourgeois parisien du milieu du 19ème siècle, à la fois bête et arrogant, (Monnier jouera plus de cent fois à l’Odéon) et par ses caricatures éditées en lithographies et et exposées dans la merveilleuse salle de cette ancienne tannerie/ maroquinerie, au beau plafond de briques, avec une foule de belles plantes vertes, et des bustes de plâtre installés sur une longue étagère, au dessus de la salle de spectacle.
Monnier, caricaturiste a écrit aussi des dizaines de petites pièces et qu’il a été acteur. Pas d’intrigues mais des dialogues ou monologues où il a capté, comme enregistré sur un magnétophone, ce qu’il entendait dans les cafés ou dans la rue. Ce sont des monuments de bêtise affligeante , d’opinions toutes faites , de banalités, de lieux communs qui n’ont sans doute rien à envier à ce que l’on peut entendre dans le métro quand les gens hurlent dans leur téléphone portable.
Bien entendu, au premier degré, cela n’a pas grand intérêt mais cette cascade de petites phrases à la limite de l’absurde, où le langage est parfois malmené, voire torturé, parce que ses personnages ne savent pas parler correctement, et qu’ils parlent pour parler, pour échapper à leur solitude et à leur mal-être, peut devenir savoureuse. Les textes sont d’une valeur très inégale. Mais, comme le remarquait Baudelaire que cite André Gide dans sa préface aux Morceaux choisis d’Henry Monnier: « C’est la froideur, la limpidité du miroir qui ne pense pas et qui se contente de réfléchir les passants ».
Mais Guitry avait  aussi beaucoup d’admiration pour Monnier et a même écrit une pièce sur lui.  Patrice Bigel a choisi  de faire travailler des petites scènes de Monnier  tirées de scène populaires comme l’esprit des campagnes, ou l’Eglise française tirées des Bas fonds de la société par quatre jeunes comédiens issus de son laboratoire de Choisy-le-Roi sur le mode ludique et pas vraiment réaliste. Il y a juste une scène nue avec des parois  et des praticables bleu foncé très intelligemment conçus par Jean-Charles Clair, que les acteurs font coulisser entre chaque scène, avec des musiques diverses ( Chopin, Phil Glass,etc…).     Les scènes n’ont pas toutes un intérêt immédiat et sont souvent connotées dans une époque qui n’est évidemment plus du tout la nôtre et quelques mots disparus de notre vocabulaire auraient gagnés à être traduits. Les quatres jeunes comédiens: Matthieu Beaudin, Mara Bjlejac, Sophie Chauvet et Karl-Ludweig Franciscu se tirent assez bien de cette mise en abyme que Patrice Bigel a, comme d’habitude, orchestré avec beaucoup d’intelligence et de  précision. Le spectacle est encore brut de décoffrage ( les acteurs surtout les filles parlent beaucoup trop fortpour cette petite salle, les interludes sont parfois inutilement longs, ce qui casse le rythme). Et le grand et bel espace de jeu toute en longueur  parait parfois un peu vide mais cela devrait se bonifier.
Alors à voir? Oui, si vous avez envie d’aller goûter ce que ces scènes nous révèlent plus d’un siècle après leur création: l’écoute d’une langue très différente selon les milieux sociaux ( par exemple truffée d’imparfaits du subjonctif pour les bourgeois, et d’une curieuse syntaxe pour les domestiques). Patrice Bigel nous convie à  une sorte de descente inédite dans un monde à jamais disparu mais finalement pas toujours aussi éloigné du nôtre où le langage sert de révélateur. Un monde pas vraiment couvert de bêtise crasse comme on aurait pu le soupçonner quand on entre dans la salle , mais simplement englué dans  un quotidien sordide où ce flux de paroles semble donner un semblant d’identité à tous ces êtres qui ont vécu avant nous et qui nous ressemblent si souvent…

 

Philippe du Vignal

 

 

 

Compagnie La Rumeur Usine Hollander 1 rue du Docteur Roux Choisy-Le Roi jusqu’au 19 décembre et 6 au 30 janvier les jeudi, vendredi samedi à 20 h 30 et le dimanche à 17 heures. T: 01-46-82-19-63

 

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