La folle épopée

La folle épopée de Stan Kokovitch, acteur, écrit et interprété par Renaud Danner, direction Rémi de Voos.

    lafolleepopeedestankokovitchacteur.jpgC’est quelques pages de la vie d’un acteur contemporain qui doit jouer une bactérie dans  Le passager du Théorème, une création de Marc Lucas, metteur en scène très branchouille et adepte du non-jeu. Stan comprend très vite que cela  va le mener droit dans le mur ( on l’aurait deviné!) et il accepte une nouvelle aventure en rejoignant Le Collectif, une petite compagnie de théâtre basée dans le Tarn, où il va donc faire connaissance de  Rémy Martino, le directeur fort en gueule, de Pierre, Paul et Djack, comédiens, et de Rachida, une belle jeune femme qui s’offre à lui dès le premier jour mais qui , en fait, comme il s’en apercevra plus tard , couche aussi avec les autres garçons.
Il comprend  qu’en fait, ici, on s’occupe davantage de cultiver la terre que de faire du théâtre révolutionnaire, comme on le lui avait signifié au départ… Il quittera donc le Tarn et ses illusions, et rencontrera  deux autres metteurs en scène  tout aussi foutracs mais  et satisfaits d’eux-même: Kurt fashioned et Théo Bronx de Van, créateur belge.Et , dégoûté, il repartira dans le Tarn.
Il y a aussi au bout de leurs portables sa mère russe et volubile et son frère qui lui sert de confident. Stan doute de tout, de la vie, des autres et surtout de lui; c’est en fait une victime qui alimente lui-même, par sa naïveté pour ne pas dire sa bêtise, les guet-apens où il va se fourrer. Renaud Danner, semble surtout avoir écrit ce texte qui tient parfois d’une logorrhée pour donner matière à un jeu où il se fait plaisir à interpréter chaque personnage avec son accent, son rythme et ses mimiques. Et, comme c’est un bon comédien, d’une grande précision verbale et gestuelle, on  sourit parfois…
Mais le texte est malheureusement trop facile et fait, sans aucun scrupule d’écriture, la part belle aux facilités et aux stéréotypes! Comment croire un instant , même au second degré, à cette histoire dans le Tarn qui semble dater des années 70, et encore! Reste un bon travail d’acteur qu’on aimerait beaucoup voir, mieux costumé que dans ce collant au graphisme qu’il dit surréaliste mais  vraiment très laid, et  dans un vrai monologue théâtral.  Renaud Danner en a la carrure.
Mais il faut qu’il comprenne que l’exigence, la véritable exigence quant au texte, qu’on le choisisse ou qu’on l’écrive, cela fait partie du travail théâtral, c’en est même un « fondamental », comme on dit maintenant, que l’on apprend dans toutes les bonnes écoles de théâtre. Remi de Voos, très bon dramaturge, qui l’a dirigé, ferait bien de le lui rappeler… Et ce n’est sûrement pas un hasard si Laurence Février, excellente comédienne ,  fait, elle, un tabac chaque soir dans ce même théâtre avec La Passion corsetée* d’après La Princesse de Clèves, un des livres de prédilection, comme chacun sait , de notre cher Président…
Alors à voir? Ces soixante minutes passent vite mais ne sont pas du tout indispensables.

 

Philippe du Vignal

Théâtre du Lucernaire jusqu’au 29 janvier du mardi au samedi à 18h 30.
* Voir Le Théâtre du Blog de novembre:


Archive pour 19 décembre, 2010

Phi-Phi

Phi-Phi, opérette d’Henri Christiné, livret d’Albert Willemetz et Fabien Solar, direction musicale Christophe Grapperon, mise en scène de Johanny Bert.

Les Dieux savent si grands-parents et parents nous avaient rebattu les oreilles avec ce très fameux Phi-Phi, créé le 12 novembre 1918- ce genre de date qui ne s’oublie pas, à un moment où la France entière entière sortait d’un cauchemar- mais que nous n’avions jamais vu.
p925449.jpg  L’opérette fut jouée trois années de suite aux Bouffes-Parisiens, ensuite un peu partout des dizaines de milliers de fois et traduite en 12 langues… Donc historiquement ce n’est pas rien.
Cela valait donc le coup d’aller voir comment cette dame presque centenaire se portait, surtout montée par la Compagnie Les Brigands venue jouer dans ce même théâtre Geneviève de Brabant de Jacques Offenbach, et experte en la matière.

  Phi-Phi, c’est une sorte de cocktail assez bien vu ( musique légère comme on dit, livret fondé sur la parodie et le fantasme d’un passé merveilleux en l’occurrence, la Grèce du 5 ème siècle et sur des dialogues truffés de plaisanteries du genre pas toujours légères:  » Comme il manque les bras (de la Vénus de Milo), on vous fait un rabais », et  de jeux de mots faciles du genre « Un homme inverti en vaut deux ». Sans compter ceux sur l’affaire Bettencourt. Bon…
  L’argument en vaut un autre! Le grand Phidias a reçu de l’Etat athénien la  commande d’un groupe « L’Amour et la Vertu fondent le bonheur domestique « et il choisit pour modèle Aspasie qu’il drague sans scrupules, et,pour se défendre , la « gamine charmante » se défend avec son ombrelle, si bien qu’elle casse les bras de la Vénus commandée par M. Milo et la tête de La Victoire commandée elle par un certain M. Samothrace.  D’accord, ce n’est pas dans le genre léger, léger!
Quand arrive madame Phidias , épouse fidèle qui vient d’éconduire un certain Ardimédon que son mari va engager pour modèle de l’Amour.
Périclès arrive et, vous ne le devinerez jamais, tombe amoureux fou d’Aspasie. Si, si! Madame Phidias renvoie alors Aspasie et la remplace comme modèle, après être quand même être allée faire un tour dans son lit avec le bel Ardimédon. Ce que Phidias, au retour d’une nuit avec la belle Aspasie, découvrira… sans grand étonnement quand même!
  Mais Aspasie révèle alors à son Phidias qu’elle vient, vite fait, d’épouser Périclès qui exigera cependant qu’Aspasie fasse partie du groupe sculpté . Elle y représentera l’ Economie,  et l’œuvre s’appellera « L’ Amour et la Vertu, aidés par l’Economie, fondent le bonheur conjugal ». Soit le bonheur à cinq: les deux maris et leurs épouses et, comme petit piment d’Espelette, Ardimédon l’amant qui fera partie du quintette amoureux.
  Johanny Bert a vite compris tout ce que l’on pouvait tirer , et de cet argument , et de la musique, pour peu que l’on veuille bien y mettre toute l’ironie et en même temps la sensualité du livret initial d’ Albert Willemetz. Et le résultat est furieusement intelligent dans la mesure où il fait appel à des techniques du fond des âges, et remis au goût du jour depuis quelque quarante ans, comme le théâtre d’ombres, les marionnettes, le récit, etc….
   Il y a bien,  en effet, cinq chanteurs/ acteurs qui disent le texte et, sur une scène au-dessus, les marionnettes des personnages principaux mais dont les bras, jambes et tête ne sont pas attachés, manipulées à vue chacune comme dans le théâtre bunraku japonais par trois jeunes femmes du chœur en tunique noire. Et parfois, ces cinq chanteurs/acteurs dialoguent entre eux ou s’adressent au public.
   Qu’est-ce qu’ on dit, Johanny Bert,  à Monsieur Bertold Brecht , à madame Mnouchkine, et à M. Recoing le grand marionnettiste? Merci beaucoup  pour ces idées dont nous avons héritées et dont nous avons, avec une grande intelligence scénique, fait un miel digne de celui que devait déguster Phidias après ses nuits avec Aspasie, cette jeune femme qui, selon Plutarque, était prostituée et avait même ouvert un bordel, avant d’être passionnément aimée par Périclès.
   Pourquoi cela marche-t-il si bien? D’abord, Johanny Bert n’a pas cherché à nous refourguer une antiquité de pacotille qui n’aurait jamais pu être crédible  mais , avec l’aide  de la très belle scénographie  d’Audrey Vuong et des marionnettes d’Einat Landais, il a redonné un souffle et une dynamique à quelque chose qui aurait pu assez vite tomber dans un insupportable néo-folklore.
   Au second degré d’ Albert Willemetz et d’Henri Christiné qui, comme Offenbach, avait bien compris tout le parti comique que l’on pouvait tirer des héros et célébrités de la Grèce ancienne*, il a su en rajouter un troisième en jouant à merveille des rapports entre les corps sculptés que l’on devine en ombres, celui des marionnettes et enfin celui des chanteurs/acteurs. Et Johanny Bert sait créer  de formidables images comme cette scène d’amour avec ces membres de corps mélangés sur un canapé ou cet orgasme figuré par un explosion de confettis. Ce sont de belles idées au sens étymologique grec: » eidon  » (voir)
   Il y a aussi  ce chœur de neuf jeunes femmes en collant bleu céruléen qui danse mais qui manipule aussi les marionnettes avec beaucoup, de savoir-faire. Comme l’orchestre dirigé par Christophe Grapperon est aussi excellent et qu’ il s’est emparé avec  drôlerie de ces refrains, même s’il couvre parfois les chants et le récit, on se laisse embarquer, comme des enfants, dans cette histoire farfelue, qui a parfois quelques longueurs.
  Enfin, c’est bizarre qu’il faille, en 2010, aller chercher une une opérette- genre le plus souvent honni par les metteurs en scène contemporains- centenaire ou presque, pour réjouir et faire rire un public mais en tout cas, le résultat est là: un petit cocktail raffiné et savoureux d’images, de chansons et de de dialogues… Que demande le peuple? Et surtout qu’en pense Carlita?

 

Philippe du Vignal

* Un très grand merci au passage , mais on vous en reparlera, plus longuement  à Jacqueline de Romilly qui, hier, a rejoint les enfers et qui nous a si bien conduit sur les chemins d’Homère et de Thucydide.

 

Théâtre de l’Athénée jusqu’au 9 janvier.
 

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