Jacqueline de Romilly.
En guise d’hommage à Jacqueline de Romilly.
C’est sans doute la dernière de nos profs de Sorbonne à nous avoir quittés. Nous la remercions simplement et du fond du cœur pour ce qu’elle nous aura apporté.
Sans elle, la pensée de la Grèce antique ne serait pas ce qu’elle est . Comme nous ne sommes pas très forts pour les hommages, nous préférons dédier ces quelques lignes d’elle où elle parle du théâtre grec à tous nos lecteurs.
Philippe du Vignal
» La liberté de s’exprimer est revendiquée par Athènes pour la vie courante. Euripide le dit: « Le faible peut répondre à l’insulte du fort ». Ceci relève, on l’a vu, de la fameuse liberté de parole, ou « parrhésia« , qui se manifeste avant tout à l’Assemblée; mais cette liberté s’étend aussi au-delà. C’est même la seule liberté particulière dont se targue la démocratie athénienne. Elle est, en fait, sentie comme le privilège du citoyen, et comme le premier bien que l’on perd en exil. dans les Phéniciennes du même Euripide, Jocaste demande à son fils ce qui lui semble être le plus pénible pour l’exilé; la réponse est alors donnée sans hésitation: » De tout, le pire est qu’il n’ a pas la liberté de parole »; et Jocaste: » C’est le fait d’un esclave, que de ne pas dire ce que l’on pense ». ( 391-392)
Dans le cas des œuvres en général et du théâtre en particulier, cette liberté de parole confine à ce qui serait pour nous la liberté de la presse. Or celle-ci existait, à un point rare, dans la comédie. car Aristophane attaque tout: la démocratie, les juges, la politique extérieure, les individus. Et le fait que l’on a là un premier incident relatif à la liberté. Aristophane, en effet, ne cessait d’attaquer le démagogue Célon, avec une extrême violence, il déclare bientôt que sa soumission n’était qu’apparente; et il recommence ses coups de griffe. Sans texte et sans règle, la liberté d’expression se marquait donc dans les faits.
La Grèce antique à la découverte de la liberté. Editions de Fallois