L’homme qui donnait à boire aux papillons
L’homme qui donnait à boire aux papillons par la Compagnie Tetrocinema Jaun Carlos Zagal / Laura Pizzaro.
Cette compagnie chilienne avait présenté l’an passé dans ce même théâtre Sin Sangre, adaptation du roman d’Allesandro Baricco qui évoquait les horreurs de la dictature, et les enlèvements d’enfants qui s’ensuivirent. (Voir le Théâtre du Blog *). mais cette fois, les deux créateurs reprennent à leur compte une ancienne légende: au tout dernier instant de sa vie, Filippo ressent le besoin d’accomplir un rite ancestral qui lui a été transmis par le dernier survivant d’un peuple ancien et oublié: donner à boire aux papillons qui sortent de leurs chrysalides pour les aider dans leur migration. Ainsi le vieil homme va disparaître et le papillon est en train de naître; Filippo va aussi faire quelques rencontres comme ce réalisateur de cinéma amoureux d’une femme qui est dans un profond coma , puis Franco et Elisa, comédiens, mais aussi la statue d’un Chevalier et de sa Dame.
Mais c’est plus, si on a bien compris le scénario volontairement un peu obscur, une sorte de voyage aussi bien physique que mental à travers des fragments d’existences à la fois réelles et virtuelles des personnages, dont l’un parcourt plusieurs fois un long couloir, métaphore évidente du passage de la vie à la mort. « Et les histoires surgies de son imagination, disent les metteurs en scène, sont la représentation des infinies possibilités de vie qui existent en chacun d’entre nous et que nous sommes capables ou non de pressentir ». Tours de château qui s’écroulent, milliers de guerriers qui envahissent le très grand écran, immeubles et rues modernes comme dans un jeu vidéo: Jauna Carlos Zigal et Laura Pizzaro sont virtuoses en la matière: flash-back, gros plan, plongée, contre-plongée, incrustations de personnages réels sur scène dans des paysages fantastiques d’images de synthèse. » Nous évoluons ainsi , précisent-ils, sur un mode vertigineux, instantané, dans le temps et dans l’espace, pas à la façon du cinéma mais comme le font les magiciens. La magie de l’action en direct, avec les outils du cinéma ».
C’est vrai , au début du moins: nous sommes éblouis par cette espèce d’aller et retour permanent et cette mise en abyme vertigineuse de mondes et de réalités qui s’emboîtent presque à l’infini: mais, très vite, cette virtuosité et ces effets remarquablement imaginés par Mirko Petrovitch finissent par lasser. Ce style narratif, qui était quand même mieux maîtrisé dans Sin Sangre, n’ouvre pas la porte à notre subconscient, comme semble-t-il, c’était le but de cette entreprise dramaturgique .
Même si la mise en scène de Zagal est excellente comme les comédiens qui portent un demi-masque sur scène comme à l’écran, et qui font un travail d’une étonnante précision, nous n’avons pas été conquis, et ce PACS théâtre/cinéma ne fonctionne pas vraiment. Il aurait fallu un scénario qui s’éparpille un peu moins.
Alors à voir? Pas si sûr, sinon pour les images, mais autant vous prévenir, on est peut-être surpris quelques minutes , mais jamais vraiment émus par une aventure qui, finalement, c’est peut-être le défaut de la cuirasse, appartient davantage au monde du cinéma qu’à celui du théâtre. Qui trop embrasse, mal étreint…
Philippe du Vignal
* http://theatredublog.unblog.fr/2009/12/16/sin-sangre/
Théâtre des Abbesses jusqu’au 30 décembre