Une soirée de nouvel an au palais Garnier
Une soirée de nouvel an au palais Garnier
Comme chaque année l’Opéra Garnier offre à son public une belle soirée d’apparat, pour la dernière nuit de l’année. Nous y avons rencontrés des spectateurs fidèles qui ne manquent pour rien au monde ce rendez-vous, quel que soit le programme proposé.
Pour l’occasion le grand escalier menant à la salle de spectacle, aux salons et aux foyers est fleuri de lys rouge et blanc et de roses blanches et un verre de champagne avec des canapés sont offerts aux spectateurs.
Ce soir là, il y règne une atmosphère décalée d’un autre temps, cet édifice, commande de Napoléon III fut inauguré le 5 janvier 1875 par le président Mac Mahon. Chose rare à l’Opéra aujourd’hui, une partie du public ,en majorité étranger, s’habille en tenue de soirée. Peut- être une façon de rendre hommage à Charles Garnier (1825-1898), architecte du lieu, à qui une exposition est consacrée à l’école nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris.
Au programme, trois chorégraphies, témoignant des révolutions qui ont marqué l’histoire de la danse, sont proposées, par les danseurs de l’Opéra de Paris. Apollon créé en 1928 par les Ballets Russes de Serge Diaghilev et entré au répertoire de l’Opéra de Paris en 1947, qui est pour George Balanchine sa première collaboration avec Igor Stravinsky. Le deuxième programme nous plonge dans la « Post modern Dance » américaine de Trisha Brown qui a travaillé avec l’Opéra de Paris entre 2003 et 2006 et permis l’entrée au répertoire de O zlozony/ O composite sur une musique de Laurie Anderson. Ces deux présentations d’un rythme très lent n’ont pas suscité outre-mesure l’attention du public.
Cadeau final: Le Sacre du printemps , musique d’Igor Stravinsky et chorégraphie de Pina Bausch. En 1997, la chorégraphe allemande se laisse convaincre de reprendre Le Sacre du printemps créé par sa compagnie en 1975, pour les danseurs de l’Opéra de Paris. Avec Orphée et Eurydice , c’est la deuxième chorégraphie offerte par Pina Bausch à l’Opéra de Paris; une troisième pièce Café Muller était en projet pour 2011 , projet interrompu par son décès brutal.
A l’époque , comme Marie Agnès Gillot le rappelle, la chorégraphe eut quelques difficultés avec les danseurs. Elle exigea l’absence de maquillage et de bijoux aux répétitions, imposa son propre choix de danseurs, sans prendre aucune étoile. Avec la volonté de mettre en scène « des humains qui dansent » et ces représentations furent un énorme succès.
Pour cette reprise Dominique Mercy qui assume la codirection actuelle de la compagnie avec Robert Sturm, dirigea les répétitonsà Mariko Aoyama et Josephine-Ann Endicott. C’est une des rarespièces de Pina Bausch ou la parole n’est pas présente. Les danseurs dansent pied nu sur le sol de tourbe imaginé par Rolf Borzik scénographe et compagnon de Pina décédé en 1980. Cette tourbe demande une énergie intense du danseur, et va peu à peu maculer les corps et costumes Les hommes du groupe avec en tête wilfried Romoli assument pleinement cette chorégraphie exigeante où Pina Bausch met en scène des hommes et des femmes dans leurs oppositions et leurs attirances. Comme souvent chez Pina Bausch, l’individu se confronte au groupe jusque dans la scène finale ou dans un dernier élan de vie une femme seule en robe rouge exprime son irréparable douleur. La musique du Sacre du printemps qui fit scandale à sa création au théâtre des Champs-Elysées en 1913, envahit avec force la scène pour donner à ce spectacle une dimension mythique.
A signaler parmi ce public qui a payé de 35 à 180 euros par la place, certains spectateurs pillèrent sans aucune gène tout le décor floral du grand escalier à la sortie du spectacle. La crise est partout !
Jean Couturier
Exposition : Charles Garnier Un architecte pour un Empire, jusqu’au 9 janvier 2011 à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris