AU PIED DU MUR SANS PORTE

AU PIED DU MUR SANS PORTE  de Lazare 

C’est la « métaphysique d’un analphabète », brossée avec l’énergie désespérée d’une cité abandonnée, par une troupe de huit comédiens habités par une belle rage. On se perd un peu dans les personnages de cette bande de jeunes dealers, dont l’un d’eux ,Libellule ,se retrouve du début à la fin, au pied d’un mur sans porte, ne parvenant pas à rejoindre le reste de la bande. C’est d’abord un enfant qui a un frère jumeau défunt, son double maléfique,  il souffre de retard scolaire et sa mère finira  par  l’abandonner.  Quant à sa petite sœur , elle  ne parviendra pas à sauver la mère débordée par la misère qui a déjà  exclu son fils.
Malgré de belles fulgurances poétiques et l’actualité brûlante de l’évocation de cette cité du désespoir, on se perd dans les personnages à différents âges de leurs vies, puisqu’ils sont interprétés par les mêmes comédiens…
Et,  à la lecture, la pièce  garde des obscurités et la scénographie de Marguerite Bordat n’est pas vraiment maîtrisée, mais cette équipe d’acteurs porte la pièce avec dextérité (notamment le remarquable Claude Merlin).
Venu du Théâtre du Fil, Lazare formé par Stanislas Nordey affirme une écriture et un univers très personnels depuis 1999. Il a été accueilli au Théâtre des Bouffes du Nord, à la Fondation Royaumont, a sillonné l’Europe de l’Est avec Tumulus. Il a aussi joué sous la direction de Claude Merlin,  Stanislas Nordey, Pascal Kirsch, et Joseph Nadj. Donc à suivre.

Edith Rappoport
Théâtre de l’Echangeur jusqu’au 22 janvier T: 01 43 62 71 20


Archive pour 9 janvier, 2011

A mon âge, je me cache encore pour fumer

 A mon âge, je me cache encore pour fumer de Rayahna, mis en scène de Fabian Chapuis.

Le titre dit déjà bien les choses…Cela se passe dans un hammam dans l’Algérie d’aujourd’hui, que l’auteur, comédienne et metteuse en scène a fui pour émigrer à Paris. Le hammam, lieu protecteur et cocon où les femmes de tout âge peuvent s’occuper de leur corps et où l’homme est rigoureusement interdit quand ce n’est pas le jour des hommes.  C’est pour ces femmes , la, possibilité d’être en elles, et d’avoir l’occasion aussi de se livrer de violentes disputes à la fois sentimentales , politiques et religieuses sans tabou.
Malgré tout, la solidarité va jouer à fond quand une jeune fille  s’est réfugiée là; en cachette bien entendu ; pas mariée,  enceinte,  elle ne va pas tarder à accoucher. Alors qu’elle est poursuivie par son frère qui veut absolument entrer dans le hammam…
Il y a là Fatima, très bien jouée par la formidable Marie Augereau,  la patronne et masseuse du hammam, la cinquantaine, solide sur ses jambes et qui a eu huit enfants contre son gré évidemment et dont la vie n’est qu’un long esclavage. Mais elle su garder une belle lucidité et a  le verbe cru: « t’en fais pas, les hommes se branleraient pour une mouche/ je préférerais que mon mari se vide n’importe où/ Il me prend par où tu sais.  Et elle a du Dieu qui  a permis autant de crimes commis sur des femmes une bien piètre opinion… ( Rappelons que l’écrivaine a été l’an dernier en plein Paris la victime d’un attentat à l’essence,  c’est dire que sa pièce doit déranger certains de ses compatriotes même en France!)  En fait, c’est surtout par la voix de Fatima que Rayahna met subtilement en scène le rapport entre le sexe féminin et le pouvoir politique et social monopolisé par l’homme au  nom de l’Islam, ou du moins de l’Islam qu’il réinterprète à son unique avantage.Il y a aussi , d’une toute autre génération: Zaya une jeune intégriste de 30 ans que l’on sent intelligente mais absolument instrumentalisée par les frères qui font dire au Coran ce qu’il n’a jamais dit; elle raconte aux autres femmes le calvaire( viol et tortures) que son mari a subi quand, à dix ans, il a été pris dans une rafle et emmené au commissariat.   Latifa, une jeune institutrice , elle, a dû subir à douze ans un mariage avec un  ami de son père, chose courante à l’époque, avec, ce qui est pire,  la bénédiction des hommes et l’accord des femmes! Samia, elle, est la deuxième masseuse; encore jeune (29 ans), elle voudrait bien goûter aux plaisirs sexuels; (impeccablement jouée par Linda Chaïb) et rêve aussi de mariage , même  arrangé par une marieuse, du moment que son futur époux est un émigré qui pourra l’emmener en France. ..  Il y a aussi Madame Mouni qui elle a émigré en France depuis longtemps et recherche une femme pour son fils, et puis Nadia , une étudiante de 26 ans qui sent bien qu’elle a très peu d’espoirs de trouver un vrai travail. Aïcha, la femme de 65 ans, reste assez résignée comme Louisa, une femme au foyer comme on dit. Rayahana ne cache rien, à la fois de l’amour qu’elle continue à porter à son pays mais où elle ne se reconnaît plus: elle revendique haut et fort l’indépendance sexuelle et  des femmes comme celles qu’elle met en  scène, dans un pays où le corps des femmes reste aliéné et enjeu politique du pouvoir, et où le maître mot reste: obéir et subir , voire souffrir, quand on est une femme; ce , évidemment à quoi  elle se refuse absolument. Avec en filigrane dans toute la, pièce, cette fascination pour la France où elles voudraient toutes vivre, sans pour autant couper les ponts avec l’Algérie.   C’est dit avec un humour parfois glaçant  qui vire même parfois  au ton boulevardier et en même temps, avec un certaine truculence et un amour de la vie qui, malgré les circonstances,  fait penser à Goldoni. Au nom de toutes ses compagnes algériennes, Rayahana veut dire leur fait à ses compatriotes hommes et faire entendre leur parole L’avenir reste sombre mais la pièce finit sur un brin d’ espoir: un enfant est en train de naître, et c’est tout d’un coup la solidarité qui joue pleinement chez ces femmes qui, vingt minutes avant, réglaient encore leurs comptes… La toute fin parait un peu conventionnelle mais bon…    C’est quand même un homme : Fabian Chappuis qui a mis en scène cette galerie de personnages assez hauts en couleurs; c’est un travail à la fois subtil, rigoureux et discret avec une belle et simple scénographie qu’ il a aussi conçue. Soit une longue jetée couverte de mosaïque, quelques bassines de fer blanc et des  tabourets de bois.    Alors à voir?  Oui, absolument, mais réservez, la salle est bourrée mais… surtout de femmes; sur 5 rangs de 15, nous avons pu compter: 2, 5, 2, 7, 2  donc au total, 18 hommes et 57 femmes. Cherchez l’erreur…


Philippe du Vignal

La Maison des Métallos , jusqu’au samedi 29 janvier à 20 heures et le samedi à 19 heures. T: 01-47-00-25-20

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