Oreste

Oreste d’Euripide, mise en scène de Christian Esnay.

Il y  dans la trilogie d’Eschyle, après l‘Agammenon où Egisthe tue Agamemnon ,  Les Choéphores et les Euménides qui correspondent à  la vengeance d’Oreste qui tue sa mère et son amant Egisthe, avant de s’enfuir,  puis son jugement par un tribunal démocratique quand il revient à Athènes. C’est  de ce moment où Oreste se retrouve seul, dont nous parle Euripide,  où le meurtrier abandonné par les Dieux , n’en finit pas de subir psychologiquement les effets de ce meurtre sur sa conscience. Et au tout début de la pièce , l’on voit Oreste en plein désarroi mental, qui se sait passible de la peine de mort, prostré sur une couverture, et  veillé par  sa sœur Electre. Mais arrive le frère d’Agamemnon, son oncle, le fameux Ménélas et Tyndare son grand-père qui lui condamne son acte criminel. Ménélas lui aurait  plutôt tendance à le défendre mais ne fait pas grand chose de concret pour le sauver. Seul, son ami Pylade l’accompagnera devant l’assemblée du peuple d’Argos, réuni en tribunal. Après discussions, le tribunal  accordera seulement pour sa sœur et lui d’échapper à la lapidation en se suicidant . Et Pylade décidera, par tendresse, décidera lors aussi de se tuer avec eux…
Mais revirement soudain: Pylade, pour se venger de la lâcheté de Ménélas décide de tuer son épouse, la très fameuse Hélène, et Electre propose alors de prendre en otage Hermione , la fille d’Hélène… Comme dans un bon polar, il y a un grain de sable non prévu qui va enrayer la machine et c’est Hermione qui risque donc d’être égorgée.Tandis qu’Oreste et Pylade veulent incendier le palais.
Deuxième coup de théâtre,  ou plutôt arrivée réelle du deus ex machina en la personne du grand Apollon et décide d’arrêter cette série de violences, un peu comme Athéna chez Eschyle à la fin de la trilogie: Oreste va devoir épouser Hermione, Pylade se mariera avec Electre et quand à Hélène, elle, partira, sur ordre d’Apollon pour le domaine des cieux. Ainsi, finira la fuite d’Oreste qui pourra échapper au verdict qui le menaçait et l’ordre sera enfin rétabli.  La pièce qui commence par une véritable tragédie, visiblement influencée par Eschyle , puisque ce double meurtre pas encore jugé , risque fort de déboucher sur une double exécution capitale finit plutôt comme une comédie. Et le dénouement , comme Aristophane, fin scénariste comme Euripide, avait déjà trouvé à l’époque  que ce revirement de l’action avec cette différence de ton entre le début et la fin de la pièce avait quelque chose de comique. L’Oreste d’Euripide est une pièce où si le drame de la mort et de la vengeance sont constamment en filigrane,a aussi quelque chose à voir avec le débat d’idées cher aux Grecs, comme celui sur l’opposition entre la vie des Grecs pieux, intelligents et courageux et celui des non-Grecs dits « barbares » plus enclins au luxe et à la peur d’agir mais non au sens où nous l’entendons aujourd’hui, , ou bien encore l’idée de démocratie opposée à celle de pouvoir absolu.
Christian Esnay, après un premier compagnonnage avec Euritpide ( Hélène puis Le Cyclope a décidé de s’attaquer à cette pièce rarement montée qu’il a eu l’opportunité de réaliser sur la magnifique scène de La Faïencerie de Creil dont les dimensions doivent être proches de celles de Chaillot. Il n’a pas voulu tomber dans le piège de l’illusionnisme et du vérisme psychologique. La scène est nue, les changement de costumes se font à vue, et les comédiens ne sont pas toujours du sexe de leur personnage.
Dans une intention , on l’aura compris, de mettre en exergue le texte, grâce à l’immensité du plateau et à des éclairages de toute beauté, avec juste quelques accessoires et une direction d’acteurs exemplaire. Le spectacle a été monté en quinze jours, ce qui relève de l’exploit, d’autant plus qu’ à cause de la défaillance d’un comédien, Esnay a dû reprendre le rôle d’Oreste. Ce qui explique en partie, un côté brut de décoffrage, avec un chœur qui ne chante pas juste, soutenu par une accordéoniste,  un texte maladroit qui sent trop la traduction et a parfois un ton inutilement racoleur, ce qui est toujours, et déplacé, et énervant. Mais reste ce sens exceptionnel de l’espace où évoluent les comédiens et cette beauté plastique faite avec quelques projecteurs et quelques mètres de tissu noir. On sait bien que les tombeaux  ne sont que des praticables à roulettes enrobés de tissu, mais quelle force, quelle vison tragique! Les comédiens s’en sortent magnifiquement,: tout est à côté d’une interprétation plus traditionnelle , juste avec une petite cuiller  de brechtisme, et l’ on sent que c’est bourré d’intelligence.La mise en scène d’Esnay ne triche jamais et ils parviennent à capter l’attention d’un public très jeune, qui est resté attentif pendant les quelque deux heures de la pièce, ce qui n’était pas évident au début où le spectacle a un peu de mal démarrer. C’est en fait à une sorte de travail en cours auquel nous assistons, puisque le spectacle ne s’est joué que deux fois… Si jamais Esnay trouve les moyens de continuer ce travail, n’hésitez pas, vous découvrirez à la fois une pièce méconnue mais assez passionnante et  aussi une une grande mise en scène. Reste aux directeurs de grands théâtres à l’inviter: jouer ce beau spectacle deux fois seulement serait absurde.

Philippe du Vignal

Le spectacle a été joué à La Faïencerie de Creil les 12 et 13 janvier.

Oreste: voir la vidéo


Archive pour 15 janvier, 2011

LA CONFERENCE

LA CONFERENCE de Christophe Pellet, spectacle conçu et interprété par Stanislas Nordey.

conference.jpgUn écrivain, un dramaturge plus précisément, Thomas Blanguernon, qui a fui la France, l’esprit français symbolisé par l’attachement de ce pays à ses plats en sauce, les institutions théâtrales françaises et ses représentants étrangers à la beauté, est sollicité par Marijo, qu’on imagine bien secrétaire générale d’une de ces institutions, pour faire une conférence dans le lieu où elle officie.

Nous ne saurons pas grand chose de cette conférence, sauf qu’elle a beaucoup impressionné Leo Fraticelli, jeune dramaturge, fils d’un fabricant de bouchons de bouteille, dont les textes sont publiés chez un éditeur « qui a pignon sur rue », son double naïf.
Ce que nous entendrons, c’est la colère de ce Thomas Blanguernon contre l’esprit français, l’Etat français, la société théâtrale française symbolisée par ces « figures » de la société théâtrale française en qui il avait placé beaucoup d’espoir avant de constater leur faillite. Dans le hall bétonné de ce centre dramatique où il attend Marijo qui n’assistera même pas à la conférence, il croise Didier Pallanquet le directeur du lieu, qui lui lance: « Encore là, Blanguernon? Toujours dans le circuit! »
Il est dans le circuit en effet, il s’est précipité dans le piège la tête la première, il est à nouveau prisonnier de cet état français qui n’a jamais pu renouveler » le coup de génie du 4 Août 1789″, de cet esprit français dont les quatre principes- vexation, dénonciation, collaboration, dissimulation- sont toujours actifs, et d’une « figure » représentative de la société théâtrale française, au sein de laquelle le théâtre est un « enfant de pierre », un foetus minéralisé.
Il a en tête le souvenir de son amie belge, Esther Cohen, qui fut nommée à la direction d’une de ces institutions françaises et qui s’est suicidée après seulement quelques mois de « vexations ».Heureusement, il sait que l’attend à Berlin son ami, le professeur de philosophie, Moritz Guttenberg dont les conversations l’ont souvent retenu au bord du vide.Il lui faut fuir à nouveau, disparaître, retrouver Berlin pour ne pas être surinfecté, mais en a t’il les moyens lui qui vient de dépenser une partie de son cachet au bistrot?
Christophe Pellet a eu le Grand Prix de Littérature Dramatique en 2009 pour ce texte, cri de colère très « Bernhardien » contre l’esprit français fossoyeur de la beauté et ces institutions théâtrales qui n’ont pas voulu de ses textes , par ailleurs reconnus, publiés, soutenus par des aides à la création dont personne ne profitait. Il se veut un héritier d’Ibsen, l’explorateur des âmes, et est à l’affût dans les souterrains de l’esprit, et il a donc  a ramassé sa colère d’auteur mal aimé dans ce texte virtuose, drôle et dénonciateur. Le texte est joué dans une de ces institutions théâtrales françaises par un de ses enfants gâtés. Et c’est magnifique et dérangeant.
Dans un espace qui traduit la démesure inhumaine et la froideur de ces bâtiments pourtant prévus pour séduire le public, Stanislas Nordey nous fait parvenir ce texte, sans doute redoutable à mémoriser, tant il revient toujours au même endroit de la colère, avec une précision et une densité étonnantes. Nous ne perdons pas un mot de ce cri de colère à la saveur amère mais tonique.

 Françoise du Chaxel, 14 janvier 2011

 Au Théâtre du Rond Point, jusqu’au 30 Janvier, 01 44 95 98 21.

 

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...