Harper Regan

Harper Regan de Simon Stephens,traduction de Dominique Hollier, mise en scène de Lukas Hemleb.

      harper.jpgSimon Stephens, quarante ans cette année, est un dramaturge anglais qui a déjà écrit une quinzaine de pièces parmi lesquelles One Minute qui  est sans doute la plus connue. Mais l’an passé, Laurent Gutman avait monté au Théâtre de la Colline Pornographie dont avait rendu compte Barbara Petit ( voir Le Théâtre du Blog 24 novembre 2010) qui était une sorte de plongée dans les actes terroristes qui avaient endeuillé Londres.
Ici, le propos est différent, puisqu’il s’agit  d’un moment de la vie d’Harper Regan.
C’est une femme de quarante ans, mariée, qui a une fille de seize ans en plein crise d’adolescence, et dont le quotidien va soudain basculer dans l’étrange réalité  d’un mone qui n’est pas du tout le sien. D’abord , son mari a été accusé de pédophilie- à tort ou a raison, on ne le saura jamais -parce qu’il a fait des photos  d’enfants dans un square , ce qui entraînera son licenciement. Elle  a donc la responsabilité d’entretenir seule sa famille Et son patron à elle, dans la première scène de la pièce, lui fait comprendre que ce ne serait pas du tout, mais pas du  tout dans l’axe , de prendre quelques jours de congé, vu la somme de travail à abattre. Même si son père est très gravement malade et,  semble-t-il, risque de mourir d’un jour à l’autre.
Harper va quand même partir mais ne reverra  jamais son père vivant. Son père qu’elle adorait mais que sa mère divorcée de lui depuis longtemps,  mais dont on comprend qu’il a été pour quelque chose dans le licenciement du  mari de  Harper,  quand elle reverra sa mère qu’elle n’avait pas rencontrée depuis deux ans. Harper est depuis le début dans une sorte d’errance, comme si elle avait absolument besoin de larguer les amarres et de quitter un temps, un patron dont les sentiments semblent assez ambigüs à son égard,  un mari qui ne fait rien,  et sa fille qu’elle ne comprend plus.
Elle rencontre ainsi un jeune collégien dans la rue pour lequel elle semble éprouver une sympathie réelle, puis un soi-disant journaliste, assez glauque  qui la drague dans  un bar minable; il lui offre sa veste de cuir noir mais, pour tout remerciement, elle lui casse un verre rempli d’alcool sur le crâne, dans une sorte de pulsion libératrice qui la pousse à affronter l’inconnu, elle, la brave employée et mère de famille. Puis ,elle rencontre à l’hôpital, la cadre de santé, comme on dit maintenant, qui lui parle des derniers moments de son père dans une salle d’attente un peu glauque comme seuls les hôpitaux en possèdent avec des rangées de sièges et un éclairage blafard. Et, pour ce faire, Simon Stephens ne s’attaque nullement à une peinture de la quotidienneté mais installe avec beaucoup d’intelligence scénique un univers où les mot sont d’une rare banalité mais où les silences, un peu comme chez Pinter , disent à peu près tout des personnages qu’il met en scène avec des dialogues parfois assez brefs mais chargé sd’une force émotionnelle incontestable. Et il y a une scène magnifique où Harper se retrouve dans la chambre d’un hôtel luxueux avec un homme beaucoup plus âgé qu’elle, qu’elle a trouvé par le bais d’Internet. Ils se parlent longuement, avec une tendresse évidente, se  découvrent avec beaucoup de pudeur, avant  de  se déshabiller pour faire l’amour.
Puis Harper regagnera la maison familiale où elle retrouve sa fille et son mari à qui elle racontera sa brève rencontre avec cet homme, comme s’il s’agissait de quelque chose de tout à fait anodin. Le petit déjeuner est servi sur la terrasse de la maison; l’adolescente arrive à moitié endormie, et se prépare son bol de  céréales sans dire un mot à ses parents. Ce n’est pas franchement drôle , même si la situation peut paraître comique; ce n’est pas non plus sordide ou glauque.
Harper  a simplement besoin de raconter ce voyage  de quelques jours au bout d’elle-même qui a sûrement duré  beaucoup plus longtemps dans sa conscience de femme déchirée par la mort  de son père, et ce concentré de vie . Le temps chez Stephens n’est pas le temps normal mais celui de séquences exceptionnelles qui marquent une vie à jamais.  Csaba Antal a conçu une tournette avec, à chaque nouvelle séquence, un élément de décor différent; c’est assez bien vu mais , comme les ses séquences sont quand même  nombreuses, et qu’à chaque fois, on installe un noir pour préparer le nouveau décor, il y a comme une rupture de rythme, ce qui est  dommageable. Malgré cela, Lucas Hemleb a su réunir et diriger de main de maître  une très solide  distribution : Caroline Chaniolleau, Alice et Louis-Do de Lencquesaing, Pierre Moure mais surtout Gérard Desarthe, absolument exceptionnel dans des petits rôles et surtout Marina Foïs qui reste sur le plateau pendant deux heures,  et qui possède une présence de tout premier ordre. Elle parait beaucoup plus jeune que son personnage mais pourtant elle elle en fait aujourd’hui l’âge exact de son personnage.. . Oui, vraiment exceptionnelle de charme et d’intelligence; elle irradie quelque chose à peine entrée en scène. Seul petit bémol: les comédiens ont un peu de mal à se faire entendre dans la grande salle du Rond-Point mais cela devrait s’améliorer.Alors à voir? Oui, absolument.
Philippe du Vignal

Spectacle créé à la Maison de la Culture d’Amiens et au Théâtre du Rond-Point jusqu’au 19 février.


Archive pour 20 janvier, 2011

Le Jeu de l’amour et du hasard

Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux , mise en scène Michel Raskine.

 amour.jpgLe hall d’attente des Ateliers Berthier ressemble à celui de la Comédie-Française: ce soir, les spectateurs se saluent avec courtoisie et se souhaitent la bonne année…. L’écrivain Patrick Besson prédit: « Un Marivaux de 2H20 , c’est long ».
La scénographie de Stéphanie Mathieu est un plateau ouvert, faussement classique.Tous les éléments symboliques de Marivaux sont présents, mais pas à leurs places habituelles, ni aux bons moments.
Il y a des toiles de Watteau et Fragonard mais posées dans le fond,  et les rutilants costumes 18ème siècle accrochés sur les cintres ne serviront pas. Un rideau de scène rose -et non rouge -de trois mètres de large se lève après les trois coups de brigadier, comme il y a cinquante ans à la Comédie-Française, et cache une estrade éclairée par un double jeu de rampes lumineuses. Enfin, une dizaine de canapés de style 18 ème, recouverts de housses en plastique, délimitent l’espace de jeu.
Tous ces décalages font toujours (même inconsciemment) plaisir au public…tout heureux de pouvoir les repérer. Chacun des personnages, les serviteurs:  Lisette et Arlequin ou maîtres : Silvia et Dorante cherchent à se leurrer grâce à des déguisements. Michel Raskine qui joue, lui,  le frère de Silvia, met en scène ses comédiens du Théâtre du Point du jour à Lyon,  cinquantenaires, voire plus…. Ce qui donne d’emblée une tonalité différente à la représentation.
Mais rien à dire:la direction d’acteurs est rigoureuse, le jeu toujours juste, et la langue de Marivaux bien dite. Mais… il est bien difficile de croire en la flamme amoureuse de ces personnages, même s’ils vivent peut-être leurs derniers instants de passion. L’âge des comédiens et leurs propos peuvent rappeler la très belle joute oratoire à laquelle se livraient Jeanne Moreau et Sami Frey dans Quartett d’Heiner Muller; mais la cruauté du monde de Marivaux a disparu , et c’est ce qui manque le plus à cette mise en scène.
La représentation du Jeu de l’amour et du hasard dans les tonalités sombres de certaines mises en scène de Marivaux depuis La Dispute montée par Patrice Chéreau est sans doute honnête mais les intermèdes musicaux et un final muet ralentissent inutilement le rythme du spectacle. Les applaudissement furent polis comme c’est l’usage, quand la passion n’est pas vraiment au rendez-vous… Dommage!

Jean Couturier

Aux Ateliers Berthier/ Odéon jusqu’au 6 février

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