Le Jeu de l’amour et du hasard
Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux , mise en scène Michel Raskine.
Le hall d’attente des Ateliers Berthier ressemble à celui de la Comédie-Française: ce soir, les spectateurs se saluent avec courtoisie et se souhaitent la bonne année…. L’écrivain Patrick Besson prédit: « Un Marivaux de 2H20 , c’est long ».
La scénographie de Stéphanie Mathieu est un plateau ouvert, faussement classique.Tous les éléments symboliques de Marivaux sont présents, mais pas à leurs places habituelles, ni aux bons moments.
Il y a des toiles de Watteau et Fragonard mais posées dans le fond, et les rutilants costumes 18ème siècle accrochés sur les cintres ne serviront pas. Un rideau de scène rose -et non rouge -de trois mètres de large se lève après les trois coups de brigadier, comme il y a cinquante ans à la Comédie-Française, et cache une estrade éclairée par un double jeu de rampes lumineuses. Enfin, une dizaine de canapés de style 18 ème, recouverts de housses en plastique, délimitent l’espace de jeu.
Tous ces décalages font toujours (même inconsciemment) plaisir au public…tout heureux de pouvoir les repérer. Chacun des personnages, les serviteurs: Lisette et Arlequin ou maîtres : Silvia et Dorante cherchent à se leurrer grâce à des déguisements. Michel Raskine qui joue, lui, le frère de Silvia, met en scène ses comédiens du Théâtre du Point du jour à Lyon, cinquantenaires, voire plus…. Ce qui donne d’emblée une tonalité différente à la représentation.
Mais rien à dire:la direction d’acteurs est rigoureuse, le jeu toujours juste, et la langue de Marivaux bien dite. Mais… il est bien difficile de croire en la flamme amoureuse de ces personnages, même s’ils vivent peut-être leurs derniers instants de passion. L’âge des comédiens et leurs propos peuvent rappeler la très belle joute oratoire à laquelle se livraient Jeanne Moreau et Sami Frey dans Quartett d’Heiner Muller; mais la cruauté du monde de Marivaux a disparu , et c’est ce qui manque le plus à cette mise en scène.
La représentation du Jeu de l’amour et du hasard dans les tonalités sombres de certaines mises en scène de Marivaux depuis La Dispute montée par Patrice Chéreau est sans doute honnête mais les intermèdes musicaux et un final muet ralentissent inutilement le rythme du spectacle. Les applaudissement furent polis comme c’est l’usage, quand la passion n’est pas vraiment au rendez-vous… Dommage!
Jean Couturier
Aux Ateliers Berthier/ Odéon jusqu’au 6 février