Une banale histoire
Une banale histoire d’après la nouvelle de Tchekhov, libre adaptation et mise en scène de Marc Dugain.
Cette nouvelle fait partie des quelques centaines que le jeune Tchekhov écrira après ses études de médecine à partir de 1884… Cette » banale histoire » est celle de Nikolaï Stepanovitch, un vieux professeur à l’Université de médecine qui a perdu toutes ses illusions. Malade, pas bien riche, il a juste de quoi vivre et il ne supporte plus sa femme qu’il a autrefois tant aimée, ni sa fille et son amoureux qui a tendance à s’incruster chez lui.
Seuls comptent encore , à peu près intacts, sa passion d’enseigner et ses étudiants, même s’il se se sent las et s’il voit bien que l’usure du temps finit par tout emporter, les croyances profondes et la foi dans les êtres. Il y a aussi Katia , une jeune femme qu’il a recueillie à la mort de son père qui était un vieil ami à lui ; il l’a vu grandir heureuse et elle voudrait qu’il se soigne et lui propose de l’aider financièrement. Elle a la franchise d’une véritable amie qui l’aime, jusqu’à lui faire sentir qu’il n’y a de solution à son malheur que venant de lui, et de lui seul.
Elle a même aménagé une chambre chez elle pour qu’il puisse y travailler en paix, puisqu’il se sent exclu de sa maison. Mais il reste désespérément seul, en proie à la nostalgie, à la tristesse et à l’absence de tout projet, persuadé qu’il va bientôt mourir… Ils forment, malgré la différence d’âge, comme une sorte de couple très uni, qui peut tout se dire et tout s’avouer.
Nikolaï va accepter, à la demande son épouse, de faire un long voyage jusqu’en Ukraine,à Kharkov, prendre des renseignements sur leur futur gendre mais le valet de l’ hôtel qu’il a chargé d’enquêter, lui annonce que le jeune homme ne possède aucune famille dans la la ville… Peu après, nouveau coup dur: un télégramme de sa femme lui apprend que les deux jeunes gens se sont mariés. Résigné, seul, prêt à mourir, il s’allonge sur le petit lit de sa chambre d’hôtel, quand Katia surgit brusquement…
La nouvelle de Tchekhov est écrite comme en écho à celle de Tolstoï: La mort d’Ivanovitch qui, on le sait, l’ a beaucoup influencé, et qui traite d’un thème similaire. Marc Dugain, l’auteur du roman La Chambre des Officiers et le cinéaste du film très moyen sur Staline qu’est Une exécution ordinaire sorti l’an passé, a entrepris d’adapter cette nouvelle mais aussi de la mettre en scène.
Avec dans le rôle du vieux médecin , ce formidable acteur de théâtre qu’est Jean-Pierre Darroussin qu’on a souvent vu dans la Compagnie du Chapeau rouge de Pierre Pradinas mais aussi dans de très nombreux films dont Un air de famille de Cédric Klapisch. Il est là discret, sobre, efficace, très à l’aise dans ce rôle de vieux prof qui a dû tout de suite le séduire; il est presque tout le temps en scène, monologuant sur l’art, la vie, l’amour et la science, impeccable de vérité ,et c’est lui en fait qui porte sur ses épaules tout le spectacle avec une belle humilité …
Et pour le reste? Pas grand chose à dire! L’adaptation fait la part belle, semble-t-il ,aux facilités d’écriture et aux mots d’auteur comme dans n’importe quelle pièce de boulevard. Quant à la mise en scène ,la scénographie et la direction d’acteurs, elles flirtent avec le degré zéro de l’écriture théâtrale ; ni Alice Carel ni Gabrielle Forest ne semblent vraiment à l’aise dans cette Russie de pacotille et on ne croit pas un instant à leurs personnages bien conventionnels…
Reste le texte écrit avec cette merveilleuse sobriété, cette concision et cette simplicité qui font tout le charme de la langue de Tchekov-même librement adapté! – et la magnifique présence de Jean-Pierre Darroussin. Mais cela ne suffit évidemment pas et le spectacle se traîne.
Alors à voir? Pas vraiment… Mieux vaut relire Tchekhov chez soi et attendre une meilleure occasion d’ aller voir Darroussin au théâtre!
Philippe du Vignal
Théâtre de l’Atelier.