Benito Cereno ou Blanc & Noir, la racine du mal
Benito Cereno ou Blanc & Noir, la racine du mal, d’après une nouvelle d’Herman Melville, mise en scène et adaptation de Jaime Lorca
Dans son cabinet, un dentiste triture avec ferveur une maquette de bateau avec ses instruments. Alors qu’il a expressément demandé à sa secrétaire de n’être dérangé sous aucun prétexte, un couple surgit en urgence : leur fils de 10 ans, Vincent (une marionnette), s’est cassé une dent. Il faut la réparer en hâte. Mais quand l’enfant ouvre la bouche en grand (un zoom est fait sur le dentier, dont l’image est projetée sur un paravent), c’est quelque chose d’extraordinaire qu’y voit le dentiste. Telle une bouche d’ombre, le gosier de la marionnette va nous révéler une incroyable fable.
Le passé vient alors pénétrer le présent : nous assistons au récit de la mutinerie d’esclaves sénégalais contre le capitaine Benito Cereno, qui les transportait avec une cargaison de thé de Buenos Aires à Lima. Mais au niveau du Cap Horn, les esclaves se sont révoltés et ont pris la direction du navire.
Une bonne partie de l’équipage est alors assassinée. Or l’eau vient à manquer. Par chance, ils croisent un baleinier, celui du capitaine américain Delano. Les révoltés forcent Cereno à raconter à Delano un mensonge afin qu’il leur viennent en secours. Ce stratagème réussira-t-il ou non ?
Nous vous laissons le soin de le découvrir par vous-même, en compagnie d’enfants car c’est à eux avant tout que ce spectacle est destiné. Si le résumé vous semble un peu macabre, sachez que la mise en scène ne l’est en rien. Certes les jeux de lumière qui composent de beaux clairs-obscurs, et la petite musique haletante créent une ambiance énigmatique et tiennent en haleine.
Mais rien d’effrayant toutefois. Les marionnettes de Jaime Lorca : celle de Vincent, du petit esclave noir et de Cereno, sont manipulées avec soin, et la grâce et la magie tournent à plein régime. Le merveilleux est un tour de passe-passe : le dentiste est alternativement le capitaine Delano selon qu’il revêt sa blouse ou son tricorne, et le paravent du cabinet se transforme en voile de navire, quand ce ne sont pas les tiroirs du bureau qui figurent les cales de l’embarcation… Conçu comme un divertissement baroque, ce spectacle joue la carte du renversement, et pas seulement en faisant se télescoper la fiction et la réalité. Ici, un enfant nègre sait lire, parle plusieurs langues et se prétend libre ; les esclaves prennent le dessus et manipulent les Blancs à leur fin.
Allons plus loin : quand les esclaves sont libérés, c’est le petit Vincent qui est délivré de son mal. Au final, un astucieux voyage dans le temps sur les concepts d’identité, de liberté et sur le destin.
Barbara Petit
À noter que Benito Cereno ou Blanc & Noir, la racine du mal, est le spectacle d’ouverture de la 8e édition d’Odyssées en Yvelines, une biennale de création théâtrale (soutenue par le conseil général des Yvelines) qui se déroulera du 25 janvier au 2 avril. L’objectif, outre celui d’encourager la création artistique, est d’offrir aux Yvelinois un accès à la culture quel que soit leur lieu de résidence, ainsi qu’une ouverture sur le monde. De ce fait, sept créations permettront de s’immerger dans les cultures de neuf pays différents, représentant au total les cinq continents.
Le festival a convoqué en effet acteurs, auteurs et metteurs en scène d’Algérie, du Burkina Faso, du Chili, de Cuba, du Japon, de Palestine, du Togo ou de Suède. D’où des spectacles dans des bibliothèques, gymnases, centre d’art, collèges, IUFM ou médiathèque… de Mantes-la-Jolie à Buc, de Montesson aux Mureaux… Pour les dates, les lieux et le calendrier complet d’Odyssées en Yvelines, voir www.theatre-sartrouville.com
Les lundi 24 et mardi 25 janvier à 10h00 et 14h30. Puis en tournée du 2 février au 22 avril dans les salles partenaires de la biennale Odyssées en Yvelines. Calendrier complet d’Odyssées en Yvelines : www.theatre-sartrouville.com