Madame Tabard n’est pas une femme

Madame Tabard n’est pas une femme, roman d’Elsa Flaguel, lecture.

 186.jpg Avec sa compagnie L’Oreille à Plumes, Sonia Jacob multiplie les découvertes de nouveaux textes avec des lectures tenues la plupart du temps à La Terrasse de Gutemberg, une librairie à deux pas du marché d’Aligre. Cette fois, c’est à l’Atelier que nous la retrouvons pour la lecture du deuxième roman d’Elsa Flageul Madame Tabard n’est pas une femme qui est un clin d’œil à Baisers volés, le film de François Truffaut .
Le récit confronte trois points de vue: celui d’Alma, mère célibataire, pris en charge par Sonia Jacob ; Antoine, son amant, repris par Jean-Pierre Darroussin ; et enfin, Hannah, la fille d’Alma, que  l’auteur lit elle-même.   Le souvenir d’Hannah ouvre cette lecture d’extraits du roman d’Elsa Flageul : encore enfant, elle avait un jour ouvert la porte à un homme qui disait  être « Fabienne Tabard », ce qui provoqua des suppositions que,  l’imagination de la jeune fille avait,
plus tard, et de fil en aiguille,  enrichi. Elle se souvint de cet événement, lors de la projection du film Baisers volés de François Truffaut dans le cinéma où elle était devenue projectionniste.
L’ homme,  à qui elle avait ouvert la porte, n’était autre qu’Antoine, l’amant de sa mère, universitaire drôle et séduisant, qui papillonnait de relation en relation, cultivant le fait de ne pas avoir d’attaches.  Mais, Alma, la quarantaine passée, souffre de voir sa relation avec Antoine, qu’elle connaît pourtant depuis des années, n’être fondée  que sur de simples rencontres épisodiques.
Le dernier extrait de cette lecture est emblématique de cette relation : Alma est dans la voiture d’Antoine, avec un de ses collègues à qui Antoine a parlé d’elle, ce qui fait croire à Alma qu’il s’agit d’une preuve d’attachement. Mais elle déchante vite… quand elle entend Antoine lui préciser qu’il n’est pas question d’emménager ensemble: il est bien mieux pour leur relation, lui dit-il, de vivre chacun de son côté. Alma décide alors de ne  plus ressentir à nouveau la douleur de ce moment précis.
Les trois lecteurs  ne restent pas les yeux fixés sur le livre et s’adressent vraiment  au public. Avec des personnalités aussi différentes que complémentaires: entre Jean-Pierre Darroussin toujours sobre, à la voix pleine et variée, Elsa Flageul qui parvient à garder la fraîcheur de la première lecture, et Sonia Jacob, toujours enjouée et vive, le trio  a su faire preuve, pour cette lecture, de précision et de sensibilité.
Madame Tabard n’est pas une femme,
roman intimiste porté par une belle écriture, entre à l’intérieur des personnages. Pour le plaisir des connaisseurs, il est aussi truffé de références cinéphiles, domaine cher à l’auteur, qui, grâce à des chapitres courts et une écriture efficace, scrute les méandres de la nature humaine.

 

Davi Juca

Lecture au Théâtre de l’Atelier le dimanche 27 février.

 

Madame Tabard n’est pas une femme est paru chez Julliard.

 

 


Archive pour février, 2011

Nothing to do

Nothing to do, d’après un texte de  Pascalle Monnier, mise en scène Emma Morin.

 

 Dans le cadre du festival Hors-Série 3, le théâtre de la Bastille a choisi de révéler des troupes et des  formes artistiques, hybrides et transdisciplinaires, un peu occultées dans l’espace médiatique. Parmi elles, Nothing to do, une proposition atypique d’Emma Morin d’après un texte de Pascalle Monnier.
Sur le plateau: une jeune femme qui monologue, s’adressant à Tim, puis Ben, Paul, Lise, Louis, Bill…, autant de personnages qu’elle interroge mais qui n’apparaîtront jamais, sauf dans son discours. À ses côtés , et, en retrait, un guitariste (Ryan Kernoa) – nous nous apercevrons par la suite que le son ne provient pas de son instrument mais d’une bande-son, et un chanteur-bruiteur (Frédéric Jouanlong), également faussaire dans son art.
Le spectacle fait la part belle aux illusions et autres trompe-l’œil en tout genre. Bref, une belle mise en abyme de la manipulation intrinsèquement théâtrale.La mise en scène est remarquable : de beaux et doux fondus au noir alternent avec des rais de lumière blanche qui dessinent des formes géométriques sur le praticable (lumières Laurent Bénard). La jeune femme, qui n’est visible  que dans les clairs-obscurs, se déplace subrepticement dans le noir, réapparaissant comme par magie là où nous ne nous l’ attendons pas. L’espace scénique est en effet séparé du public par un voile noir qui  sert  aussi  d’écran où sont projetées à l’occasion des images.
L’interprétation d’Emma Morin est juste et convaincante mais on regrette la faiblesse du texte, qui aligne poncifs et  stéréotypes, et qui ne parvient pas à  nous captiver. On attend qu’il se passe enfin quelque chose et que l’intrigue se dénoue… En vain! De ce fait, les bonnes surprises scénographiques et les effets spéciaux ne forment pas un contre-point suffisant pour emporter l’adhésion des spectateurs et créer un spectacle abouti.   Dommage…

Barbara Petit

Théâtre de la Bastille du 21 au 25 février. www.theatre-bastille.com

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UN BOUTON DE ROSE

UN BOUTON DE ROSE  de et par Sophie Accaoui. mise en scène de  Laurent Lévy

C’est un nu vocal intégral imaginé et interprété par Sophie Accaoui…
Une conférencière un peu coincée en  tailleur rose, entre en scène avec une volumineuse documentation,  et  chausse ses lunettes pour lire des observations scientifiques sur le plaisir féminin, s’évapore peu à peu en se libérant de ses accessoires, jouant avec les mots, déclinant le rôle du clitoris, mot qu’elle ne parvient pas à prononcer au début.  Elle se déshabille  tout en restant très pudique et provoque une belle hilarité du public qui remplit le petit cabaret chaleureux.
Elle finit par distribuer à toutes les spectatrices, de petits papiers avec des phrases coquines qu’elle leur demande de lire. On s’exécute  avec « Je me fais ramoner l’abricot, je me fais chatouiller le bijou, je me fais grossir la cerise… ».
Une belle soirée inattendue.


Edith Rappoport

 

Théâtre Essaïon  ( seulement le  lundi) à 20 h,  jusqu’au 2 mai, www.essaion.com

TIMON D’ATHÈNES

TIMON D’ATHÈNES de Shakespeare, conception sonore et interprétation Doctor L, mise en scène de Razerka Ben Sadia-Lavant.

  Timon d’Athènes, pièce d’une actualité brûlante en ces temps de  grand gaspillage des riches, a connu des mises en scène qui ont marqué les mémoires : celle de Peter Broook pour l’ouverture des Bouffes du Nord avec François Marthouret dans le rôle-titre; en 2006 celle de Victor Gautier-Martin à l’Aquarium avec une insolite et efficace distribution féminine, hormis le rôle titre tenu par un homme. Celle enfin de  Habib Nagmouchin  qui avait monté la pièce avec Denis Lavant, dans son petit théâtre de la Boutonnière en 2007. Timon est riche, il est généreux et prodigue à tous ses amis venus faire ripaille chez lui de splendides cadeaux. Il fait fi des avertissements de son intendant et se laisse peu à peu ruiner par les flatteurs. «Chaque homme a ses défauts, le sien est d’être intègre».
Tel Job sur son tas de fumier, il se retrouve dépouillé de tout,  abandonné par ses faux amis qui lui refusent tout crédit. Il en conçoit une aversion totale pour l’humanité. Réduit à gratter la terre pour se nourrir, il trouvera de l’or qui lui servira à se  venger. Razerka Ben Sadia-Lavant a voulu réunir deux mondes, Shakespeare et le slam, avec son mari dans le rôle-titre ;  des mécènes comme Agnès B, Azeddine Alaïa et Yamamoto lui  donné  plusieurs dizaines de costumes suspendus au- dessus du plateau.
La voix de tous les acteurs est sonorisée, mais  on a beaucoup de mal à écouter le texte accompagné en permanence par la musique du Doctor L, dans un anglais incompréhensible pour les connaisseurs de Shakespeare! Les comédiens changent  très souvent de costumes qui viennent joncher le plateau, et l’on se perd à la recherche du sens du spectacle. Denis Lavant, qui reste un acteur prodigieux, prend tout de même du relief au moment de sa déchéance et Dr de Kabbal a une belle stature en poète et Alcibiade également avec une  voix de stentor..
Mais le succès auto-proclamé sur les 52 pages de la note d’intention n’est pas ressenti comme tel par tout le monde…

Edith Rappoport

Timon d’Athènes  de Shakespeare,  adaptation libre de Sophie Couronne et mise en scène de  Razerkia Ben Sadia-Lavant.

 Cette version courte (une grande heure) entre  rap et slam de Timon d’Athènes « déménage » de façon plutôt sympathique sur le plateau des Métallos. Avec Denis Lavant et sa présence délurée dans le rôle – titre, secondé par des artistes de la voix et du rythme comme Dr de Kabal, figure majeure du slam en France, Casey, rappeuse engagée , Marie Payen, comédienne à la blondeur efficace ou enfin le rappeur new-yorkais Mike Ladd. Ces personnalités un peu rudes et un rien provocatrices – juste ce qu’il faut -, invitées par extraordinaire sur une scène de théâtre, se prêtent au jeu galamment, et évoluent dans un univers sonore free jazz créé par Doctor L .qui joue sur scène.
Timon, noble d’Athènes, règne sur tous par ses dons et ses largesses : celui qui le sollicite devient aussitôt l’un de ses proches. Le généreux Timon semble orchestrer un bonheur général fondé sur le don, l’amour, le partage, mais à sens unique : on ne lui rend pas ce qu’il donne. Certes, cet « amour »-là semble bien superficiel, fait d’émotion facile et de complaisance  et tient d’une relation vide à l’autre, tournée vers un soi narcissique. Un jour, arrive ce qui doit arriver: la ruine financière! Timon n’a plus rien et ne fait qu’emprunter ce qu’il donne.
Tiré de sa béate extravagance, il demande de l’aide aux sénateurs et à ses « amis » pour satisfaire les créanciers qui l’agressent. Tous se défilent et n’honorent en rien leur dette morale. C’est l’écroulement pour Timon : il bascule dans une haine aussi totale… et pris de rage et de dégoût, il multiplie les imprécations aux traîtres qu’il a invités pour un dernier festin. Il se retire ensuite loin d’Athènes en maudissant la ville et en appelant sur elle fléaux et désordres, maudissant aussi le pouvoir de l’or, un or qu’il trouve encore à ses pieds dans la nature et continue de distribuer aux quémandeurs qui affluent …
Timon injurie et maudit ses « doubles », le philosophe et le poète. Haine et ressentiment sont des sentiments qui se déclinent à toutes les personnes et à tous les temps.  Sur  scène, la tension ne faiblit pas et l’attention agacée du spectateur est plutôt tenue en éveil ; ça balance pas mal entre joutes oratoires, déclamations échevelées,  et échanges de monologues subversifs jetés à la face de l’autre. Un acteur, une actrice, un slammeur et une rappeuse –  toisent le public et le bousculent « méchamment », droit dans les yeux, comme dans les rues âpres et dangereuses de la ville sombre et sans partage.
Pleuvent ainsi pêle-mêle au micro: condamnations, imprécations, humiliations, fautes et impiétés répertoriées, manquements et trahisons de l’ennemi qu’on croyait ami. On voit sur scène  des portants avec plein de  vêtements chics et tendance, paillettes, tenues de soirée et smokings: chaque comédien se dévêt précipitamment à vue en rejetant ses vêtements en l’air derrière soi.
Cris de haine contre une société de gâchis et de mensonge où chacun s’approprie son dû contre l’autre en le dépossédant : une jungle sociale et vaine où les règles ont disparu. Les corruptions sont de tous les temps…   Le spectacle est efficace, même si le verbe shakespearien, affaibli par sa traduction au goût du jour, a perdu de sa poésie et de sa force incantatoire.
Reste l’énergie, le souffle et la hargne, ce qui n’est déjà pas si mal pour condamner à jamais ce qui ne peut être accepté: les petits vols individuels à l’insu de la collectivité…

Véronique Hotte

 Maison des Métallos, 94 rue Jean-Pierre Timbaud 75011 Paris jusqu’au 12 mars du mardi au vendredi 20h, samedi 19h .Réservations : 01 48 05 88 27

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LE DISCOURS DU TRAÎNEUX

LE DISCOURS DU TRAÎNEUX de Gaston Couté, conception: Gérard Pierron, Bernard Meulie.

   Voilà plus de trente ans que Gérard Pierron a ranimé la flamme de Gaston Couté, sublime poète paysan disparu en 1911 à l’âge de 31 ans. «Il chante la terre, la vraie, celle qu’on laboure, celle qui crotte nos souliers de chemineau, pas celle des champs d’honneur ». Il avait suscité l’enthousiasme en chantant avec La chanson d’un gars qu’a mal tourné au Théâtre Paul Éluard en 1978 et connu une belle ascension avant l’époque du tout médiatique.
Puis Gérard Pierron a continué à porter les poèmes de Gaston Couté à travers la France profonde pendant toutes ces années. Pour le centenaire de la disparition de ce grand poète, il a retrouvé son vieux complice Bernard Meulien, Hélène Maurice,  une tonique chanteuse québecoise et trois musiciens/chanteurs qui  se relaient avec des textes savoureux sur la misère paysanne: le public  est fasciné par la simple beauté de cette force de vie dans l’errance.


Edith Rappoport

Le 26 et 27 février au Théâtre de l’Européen.

Les éditions Pique et Colégraph viennent de publier un livre-disque Gaston Couté: 131 ans, avec des textes choisis et chantés par Gérard Pierron et ses complices.

RAPACES

RAPACES  texte et mise en scène de Fabrice Macaux, composition et musique de Corentin Seznec.

 

   Le metteur en scène a réalisé depuis une vingtaine d’années un précieux travail documentaire sur les dérives du fonctionnement de nos sociétés. Après plusieurs expériences , entra autres  en Limousin et une résidence à Fos-sur-mer, il développe  un travail fondamental dans le Val-d’Oise. L’Abbaye de Maubuisson l’a accueilli régulièrement, avec,entre autres, Grève de fin et Visite fictive, forme insolite alliant arts plastiques et théâtre… Il aussi a réalisé plusieurs films documentaires à Garges-les-Gonesse, et  est maintenant en résidence au Centre Culturel de Jouy-le-Moutier, pour travailler sur un ébauche déjà troublante de Rapaces qu’il avait réalisée 2009.
Rapaces est une pièce  qui évoque l’indicible, l’impossible deuil, la perte d’un fils douloureusement clamée par sa mère. Aucune parole compréhensible n’est prononcée, sur le plateau nu: la mère( Laurence Mayor) entre en scène avec son sac à dos, on entend à  la radio  des nouvelles de  l’attentat qui a détruit le siège de l’ONU à Bagdad en 2003 et où avait été tué un proche de Fabrice Macaux.
La mère cherche fébrilement son portable dans son sac, reste prostrée, pousse le cri silencieux de Mère Courage, et se déchaîne, se roule, se tord, sans une parole, sans un gémissement. Un cadre blanc tombe autour du plateau, un acrobate (Michel Vesserau), figure du fils disparu, entre en scène, s’enroule dans les cordes, remonte, tombe, gît sur le plateau.   À la fin, la mère l’enveloppe dans des filins blancs, se suspend à lui, anéantie. L’accompagnement musical de Corentin Seznec rythme cette douleur lancinante, et fait monter une belle émotion.
Rapaces mériterait d’avoir une belle carrière, en particulier  au Moyen-Orient.


Edith Rappoport


Spectacle vu le 26 février au  centre culturel de Jouy-le-Moutier. www.jouylemoutier.fr

TERRES

 Terres  ! de Lise Martin, mise en scène de Nino d’Introna.

 

Aride et Kétal marchent, marchent depuis longtemps, à la recherche de l’endroit idéal, une terre jaune, un morceau de désert que Kétal a acheté. Kétal a l’assurance du futur propriétaire, Aride qui l’a suivi sans savoir pourquoi, porte ses bagages qui lui courbent le dos. Après quelques errements, ils arrivent devant cette terre jaune qui est bien semblable à l’échantillon que Kétal porte dans un petit sac. Une terre vide qui n’abrite qu’un arbre mort.
Mais le terrain est signalé comme » propriété privée », ce qui inquiète Aride. Pas Kétal qui décide de s’installer. Une femme passe qui dormait dans l’arbre, que nous allons revoir portant différents noms selon ses humeurs- d’abord Madame Mue puis Mademoiselle Zéphir, puis Neige-, une femme qui passe sa vie à passer, qui écoute ce que dit le vent, qui commente l’action, qui plaît bien à Aride. Kétal élargit sa propriété, Aride découvre les richesses qui les entourent, fruits, légumes, gibier.
Mais bientôt arrive l’Autre, un homme qui a dans sa poche la même carte que Kétal, celle qui mène à la terre jaune. Il dit que sa famille vivait là, que son père lui a légué la terre . Aride est prêt à partager, pas Kétal qui chasse l’homme et construit une forteresse. Un autre homme arrive, suivi de milliers d’autres, dit-il. Il est le frère de l’Autre tué sur la route, par Kétal sans doute.
Kétal sort des armes, lance des bombes, disparaît. Neige vient chercher Aride qui ne veut pas partir, qui attend Kétal, retenu prisonnier par un des hommes qui revendiquent cette terre. Elle le laisse. Neige chante:
« Que peut-il se passer maintenant ? A qui sont ces terres? A qui sont ces terres? Souffle le vent de la discorde. Personne n’écoute la parole de l’autre.
Personne n’écoute le vent.
A qui est la terre?
Aux vers de terre peut-être. »
Un très beau texte poétique et politique de Lise Martin. Aride le naïf, le doux et Kétal le brutal composent un duo mi-clownesque, mi-métaphysique, rappelant d’autres duos de théâtre. La pièce, comme une fable universelle, dit l’ambigüité de la propriété, les pièges que tendent la force et la bêtise. Et l’on ne saura jamais à qui appartient cette terre jaune…
Une scénographie superbe: un simple et grand carré de terre jaune, entouré de noir et un hors-champ empli de promesses et de mystères. Rien de réaliste, et pourtant tout est là, suggéré par la lumière, le son, quelques objets . Le spectacle se termine sur une magnifique image surprise à ne pas dévoiler. Une réserve cependant quant au choix du rajeunissement des personnages, de les avoir fait plus enfants que l’auteur ne l’indiquait, d’où un jeu délibérément » enfantin »- même si les comédiens ont de belles qualités poétiques- qui enlève de son universalité au texte, qui l’emmène du côté de la bande dessinée.   A voir pour le plaisir que procure ce texte et pour les questions qu’il pose.

 Françoise du Chaxel, 24 Février, 2011, spectacle vu à Clermont-Ferrand.

 

http://www.dailymotion.com/video/xezjyh

Théâtre de l’Est Parisien, du 1er au 13 Mars, 01 43 64 80 80. A Genève: Théâtre Am Stram Gram , du 2 au 5 Avril.

Le texte de la pièce est publié aux éditions Lansman.

L’Usine de films amateur

  L’Usine de films amateur, concept et réalisation de Michel Gondry

  C’est à une expérience hors du commun que nous invite Michel Gondry. Après le public de New York et  de  Sao-Paulo, les Parisiens peuvent participer, au centre Pompidou, à son usine de film amateur. Son métier, Michel Gondry le considère comme un « hobby rémunéré » et il regrette que le milieu du cinéma fermé « s’auto-emploie ».  Il a eu, avec cette initiative, la volonté de décloisonner cet univers et de  permettre à un public amateur de créer un film dans un temps limité de  trois heures, avec de bonnes conditions techniques et de « prendre plaisir à voir ensuite le film qu’il a tourné lui même ». Le même esprit règne  Soyez sympas, rembobinez, où les personnages s’improvisaient cinéastes  pour recréer des scènes de leurs films préférés. Dans cette production ( 2008),  le réalisateur avait réuni des artistes professionnels et  des amateurs du New Jersey.
«  Cette utopie de système autonome, j’ai eu l’opportunité de la concrétiser dans le cadre fictionnel avec ce film. J’ai ensuite voulu passer à la réalité. Le protocole que les gens suivent est conçu pour favoriser la créativité et le système garantit que chacun des participants puisse prendre la parole ». Grâce à une organisation  temporelle rigoureuse, l’utopie prend forme. Le décorateur, Stephane Rosenbaum, a conçu dans l’aile Sud du centre Pompidou une quinzaine de décors génériques :un cabinet de médecin, une chapelle, l’intérieur d’un wagon de RER, un terrain vague etc…«  Les décors et accessoires sont adaptés au contexte avec Paris en arrière-plan, car la structure de verre du Centre Pompidou nous permet d’ouvrir les décors sur la ville ».
Mais le principe de l’usine de films amateur fonctionne aussi en décors naturels,  Michel Gondry en a fait l’expérience en banlieue Nord  de Paris,dans la Cité des Dauphinés. Nous avons eu le privilège de suivre cette expérience comme acteur, et de participer à la création d’un film de 8 minutes. Un film certes amateur, mais cohérent avec un thème : un western musical, un titre: Pan ! Pan !Pan !Pan! enfin un scénario :la classique opposition entre des hors-la-loi et un groupe de shérifs mais ici déstructurée car  ils ont tous un goût commun pour la musique. Il a aussi un découpage précis des scènes et la participation effective de 20 personnes dont deux enfants.
Dans le premier atelier de 45 minutes , le groupe choisit le cadreur qui a une grande responsabilité  puisqu’il  n’y a pas de possibilités de montage, et que le film doit  donc être tourné dans l’ordre des scènes. Le choix du thème ,du titre et des séquences se fait à main levée, à la majorité. Dans le deuxième atelier, le scénario est mis au point et le groupe choisit les costumes, les accessoires et les décors.
Puis on tourne  le film  en une heure environ. C’est un travail d’équipe  et sans leader. A la fin de la séance, le cadreur reçoit un DVD du film qu’il montre au groupe. Le centre Pompidou garde l’autre DVD qui est diffusé au public qui visite l’exposition. Comme le souligne le réalisateur, cette expérience humaine permet à chacun de « prolonger cet état créatif que nous avons enfant et qui se perd à l’âge adulte ». Elle permet aussi de tester dans un temps limité une micro-démocratie utopique au service du ludique..
Sur Internet, est née une grande clameur numérique: les heureux participants et les  candidats
se sont unis  pour que l’on ne ferme pas l’usine.
Bientôt, on va voir  des manifestations devant Pomidou ! Mais  cette « usine » est  une invention artistique de Michel Gondry et, pour qu’elle soit belle, il faut évidemment qu’elle reste  éphémère...

  Jean Couturier

Prolongée jusqu’au 18 avril. Galerie Sud  du Centre Georges Pompidou; la visite du site de l’usine est libre, et  la participation à la fabrique de films se fait sur réservation internet: réservation close, mais à chaque séance ,quelques places,  sont disponibles.
Une « carte blanche » permet aussi de voir  jusqu’au 13 mars les films et clips de Michel Gondry,  et un choix de ses films cultes préférés.

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Dieu est un DJ

Dieu est un DJ de Falk Richter, mise en scène de Fabrice Murgia, et Dirty week-end d’Helen Zahavi, mise en scène de Jacques Delcuvellerie.

Adapté de Falk Richter, c’est un spectacle impeccablement moderne. C’est dire ses qualités et ses limites : ça va vite, les belles musiques  sont omniprésentes et les acteurs brillants: Vincent Hennebicq, Laura Sépul, Raphaëlle Bruneau et l’utilisation  de la vidéo  qui ouvre les espaces ou se referme sur l’intimité des visages est convaincante:  Fabrice Murgia connaît son affaire. Le mais vient précisément de ce côté bien huilé quand il s’agit du mal-être des deux personnages, un garçon et une fille : lui, fait le récit de leur errance, sans démêler rêve et réalité. Elle, est couchée sur le capot d’une Chevrolet. Ça nous renvoie en plein rêve « on the road », la route 66, et  vers tous les « trips » dont on redescend plus ou moins bien.
Une « soignante » en blouse blanche tient la caméra qui amplifie les visages sur l’écran. Pas d’avant, ni d’après, jusqu’à ce que la réalité rentre dans le temps : elle est enceinte, faut-il avorter ou non ? L’image vivante d’une échographie réintroduit puissamment le réel.  Dirty week-end est un roman et un conte. Mais Jacques Delcuvellerie a tenu à garder la narration, donnée  par un magnétophone à bande, et par la voix riche, prenante, de Francine Landrain.
Derrière, quatre comédiennes prennent tour à tour le rôle de la femme et les rôles des hommes qu’elle rencontre successivement. «Bella n’a rien de particulier. L’Angleterre est pleine de gens qui hurlent en silence pour ne pas déranger les voisins ».
Helen Zahavi a décidé de renverse la vapeur : Bella ne sera jamais plus une victime. S’il faut tuer, c’est elle qui tuera. De meurtre en meurtre, car il s’agit de tuer l’insupportable en chaque homme rencontré, ça s’arrête sur la mort d’un Jack l’éventreur, moment de dangereuse jouissance.  Delcuvellerie et ses interprètes ont inventé un jeu systématique et  intéressant : Olivia Carrère, Françoise Fiocchi, Anabel  Lopez, Aude Ruyter jouent chacune un  rôle de femme dans un registre presque réaliste, nuancé, sans peur de l’émotion, et chacun des hommes sur le registre de l’énorme caricature. Ce n’est ni maladresse, ni féminisme primaire : c’est le jeu de l’autre, attrapé à gros traits, c’est mettre le doigt sur ce qui semble « normal », et qui tue les femmes au quotidien.
Et c’est très réussi, même si le spectacle est un peu long..

Christine Friedel

Spectacle  vu au Festival de Liège; il sera repris au Théâtre National de la Communauté Francophone de Belgique à Bruxelles, et en tournée. 

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Le Roi Cymbeline

Le Roi Cymbeline, de Shakespeare, mise en scène Hélène Cinque

 Le spectacle s’est joué un mois au Théâtre du Soleil, il fallait y aller plus tôt… Cela n’interdit pas d’en rendre compte. Bernard Sobel avait exhumé la saison dernière avec les élèves de l’ENSATT cette étrange tragi-comédie des erreurs, rarement jouée. Jugez-en : le roi Cymbeline a perdu ses deux fils, et ne s’en remet que dans les bras de sa seconde femme, une vraie méchante perfide et doucereuse. Comble, il chasse Imogène, sa fille unique, pour avoir épousé secrètement celui qu’elle aime et non Clotène, le fils taré de sa reine. Exil de Posthumus, le héros, pari pervers d’un Iago qui lui fait croire que sa femme l’a trahi, fuite de la femme en question, rencontre dans les bois avec deux sauvages qui sont ses propres frères, pas si morts que ça, nobles amitiés, guerres et alliances … On est en plein conte, comme dans le Conte d’hiver ou Comme il vous plaira, ces grandes pièces méconnues parce qu’elles paraissent légères.
Hélène Cinque et sa troupe en donnent un spectacle formidable de rythme et de précision. Le sol de terre légère assourdit les pas, permet tous les rebonds, les chutes, les cascades presque dansées ; le décor entre et sort à toute vitesse devant un écran d’images et d’ombres qui élargit l’espace. Qu’est-ce qui manque ? Seulement de creuser, d’approfondir le jeu individuel des comédiens, pour qu’on touche aussi à la belle mélancolie shakespearienne. Mais, sans parler des mois de travail que cela supposerait – et qui peut se les offrir aujourd’hui ?- , ce n’est pas le choix de la compagnie.
À cette réserve près, il faut saluer l’intelligence de la mise en scène dans le choix des doubles rôles, et l’habileté des comédiens : métamorphoses magiques de Pierre Ficheux entre ses deux rôles rivaux, Posthumus et Clotène, le courageux tout d’une pièce, et le lâche bravached’Alain Hhouani entre le roi affaibli et velléitaire et le farouche Belarius, l’homme des bois qui a adopté ses fils.
Une compagnie à ne pas manquer, la prochaine fois.

 

Christine Friedel

 

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