La Tempête
La Tempête de Shakespeare, spectacle en russe surtitré, mis en scène de Declan Donnellan.
Production du Festival Tchekhov de Moscou, la pièce, est sans doute ( 1611) la dernière de Shakespeare et l’une des plus souvent montées: on se souvient en France de celle de Giorgio Strehler, mais aussi de celle d’Alfredo Arias, très différentes mais magnifiques toutes les deux . Avec un texte admirable où l’on retrouve à la fois l’influence de Montaigne, mais aussi une longue citation des Métamorphoses d’Ovide dans le brillant discours de Prospéro.Texte admirable que ce conte qui est aussi une réflexion philosophique sur la vie et la notion de pouvoir…
C’est l’histoire de Prospéro, duc de Milan qui a été évincé de son trône par son propre frère Antonio, et qui arrive sur une île déserte avec sa jeune et très belle fille, Miranda. Prospéro n’a plus de pouvoir politique mais il a des dons et des pouvoirs magiques: il sait comment régner sur les vents et les tempêtes, avec , à ses côtés Ariel , esprit de l’air qui lui est dévoué, et Caliban, esclave entravé par des cordes, à la fois énorme et monstrueux, très terrien, esprit de mort.
Ariel va faire se lever une tempête dont parviendra à se tirer vivant Antonio, le roi de Naples et son fils Ferdinand. Ariel leur fera subir de nombreuses épreuves punitives mais finalement Prospéro pardonnera à son frère; Ariel et Caliban seront libérés ; Miranda épousera Ferdinand, et Prospéro retrouvera son duché de Milan.
La pièce n’est pas facile, et de loin, à maîtriser. Declan Donellan a demandé à Nick Ormerod,son scénographe habituel un décor simple. Trois hautes portes ouvertes sur un mur gris en arc de cercle avec un peu de sable; quelques sièges dont un cageot en plastique (?). Chaque porte pouvant s’ouvrir sur des univers différents. Au sol, un plancher de carrés de lattes de bois. En haut du mur, une passerelle invisible où peuvent jouer des musiciens. C’est aussi beau que simple et efficace. Malgré un côté esthétisant qui n’était sans doute pas indispensable pas plus que les vidéos de vagues ou ce film en noir et blanc des années 50 montrant des paysannes russe en train de moissonner.! Que l’on revoit ensuite en babouchkas incarnés par des hommes de la troupe!!!
Comment Donnellan, qui n’est certes pas un débutant et qui a réalisé de de belles mises en scène de Shakespeare comme La Nuit des Rois, s’est-il laissé entraîner dans ce sstéréotypes usés jusqu’à la corde? Sa mise en scène est surtout fondée sur le jeu des comédiens, tous excellents, en particulier Yanna Gurianova ( Miranda) , Ilya Ilyn ( Trinculo), Alexandre Feklistov ( Caliban). Certes, il a quelques scène tout à fait réjouissantes comme la visite d’une bijouterie par Trinculo et Stefano qui communiquent par portable, alors qu’ils ne sont qu’à quelques mètres l’un de l’autre. Le gag est drôle mais lui aussi un peu usé.
On a parfois l’impression que Declan Donnellan s’est, souvent et d’abord, fait plaisir sans trop tenir compte du public qui n’est pas toujours au fait de cette histoire quand même compliquée, et l’amie russe qui nous accompagnait nous a précisé que cela ne tenait nullement à la qualité du surtitrage de très bonne qualité. La direction d’acteurs comme la mise en place, reste assez sèche et il manque à cette mise en scène, malgré encore une fois, la qualité des comédiens, une poésie et une folie qui sont quand même l’ essentiel de cette formidable pièce. Alors à voir? Si vous avez envie de voir des acteurs russes interprétant une des grandes œuvre de Shakespeare, et une belle scénographie, pourquoi pas? Quant à la mise en scène, vous risquez d’être déçu. Declan Donnellan nous avait habitué à plus de grâce et de sensibilité dans ses dramaturgies…
Philippe du Vignal
Théâtre des Gémeaux à Sceaux jusqu’au 12 février.