JE NE SAIS PAS

JE NE SAIS PAS de Nicolas Frize

Création musicale des Musiques de la Boulangère,  autour de la traduction pour ensemble instrumental, voix, chœur et bande, avec la participation de danseurs et plasticiens.

« Je ne sais pas ce que je pense, tant que je n’entends pas ce que je dis ! », prétend Nicolas Frize, petit elfe inventeur aux défis insensés, généreux et toujours réussis dans les lieux les plus bizarres depuis plus de trente ans: du concert de jouets au concert de savants, puis à celui de voitures et de locomotives.
Ce concert sur la traduction, en trois parties, a réuni 127 personnes, des professionnels aguerris, trois chefs, quatre chanteurs, douze  instrumentistes, un chorégraphe et  96 choristes. Concert précédé par trois manifestations dans une école, un cinéma et au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis,  sur la danse, le dessin, la peinture et les langues étrangères. Nous arrivons à l’Espace Louis Lumière, semi-enterré aux abords d’un stade cerné par de grandes barres d’immeubles déprimants, pour pénétrer dans une salle immense dont les gradins sont revêtus de bandes de tissus colorés qui fractionnent le public.
Face à nous, une installation fabuleuse à plusieurs étages, d’où les trois chefs vont diriger ce concert/spectacle. On nous annonce que nous devrons bouger de place à chaque entracte pour changer de point de vue. Des textes écrits par Nicolas Frize avec des citations de Merleau-Ponty, Alain, Balibar etc, défilent au-dessus des interprètes:  un étrange délire poétique autour de la traduction avec des images surprenantes. « Nous sommes tous des passeurs dans une chaîne de traductions »,  c’est la montagne que Frize nous fait escalader avec des pics à franchir autour des langues dans le premier segment,puis  autour de la danse avec le chorégraphe Jean Guizerix et trois enfants , enfin la création plastique avec Joëlle Girard, Jean-Pascal Février et Stéphane Gaillard qui peignent avec leurs corps en se frottant sur de grandes pages blanches.
Il y a un magnifique passage de percussions asiatiques et des splendides montées lyriques de chant choral avec de grands solistes dans la dernière partie. Impossible de rendre  la générosité de cette entreprise rendue possible grâce à une véritable implantation de longue date en Seine Saint-Denis,  avec l’appui des collectivités territoriales et de l’État. Un seul regret: malgré tous les efforts menés localement, la majorité du public venait de Paris par les navettes venues du Châtelet…

Edith Rappoport

Espace Louis Lumière d’Épinay-sur-Seine

http://www.dailymotion.com/video/xgvufl


www.nicolasfrize.com

 


Archive pour 10 février, 2011

Visiones de la Cubanosofia

Visiones de la Cubanosofia.  le nouveau théâtre cubain.

clipimage002.jpgSur une petite scène, une série de tableaux–chocs qui donnent à voir une vision très personnelle  de  l’histoire cubaine. Les figures métaphoriques, les unes plus grotesques que les autres, émergent d’un échafaudage à deux niveaux, Cette scénographie d’une hiérarchie sociale confirme  la barbarie des colonisateurs dans un explicitement théâtral. Première image, une  immense statue de la vierge en poupée resplendissante  située au sommet de cette structure.
Enveloppée de velours,  de dentelles et  de couleurs brillantes.  Le visage pâle presque humain de
cette  poupée-vierge s’éveille et elle ouvre les yeux; on entend le tintement de  clochettes et des chants de musique sacrée cubaine qui annoncent le début d’un  rituel pervers.
Première étape de ce rituel désacralisé, la  « Cubanosophie! », dont la dynamique essentielle est le calvaire et le martyr d’une nouvelle figure christique,  José Marti. Cette vierge  androgyne a une  longue barbe  et  de gros yeux noirs, une bouche édentée aux  lèvres rouges ; le regard de plus en plus diabolique,  elle se lance dans une diatribe  violente et haineuse.
Ses  grognements, ses hurlements  évoquent  les derniers râles d’un vieillard   en train de mourir, alors qu’elle  parle au nom d’une église  méchante,  raciste, et colonisatrice, avant de s’évaporer dans les coulisses. Les images se font de plus en plus provocatrices et  violentes. Mais la dramaturgie de ce spectacle est difficile à percevoir; en fait, c’est surtout le travail  corporel et scénique  inspiré des textes de Fernando Ortiz, et de Reinaldo Arenas entre autres  qui s’impose.
Soudain, un personnage souriant et  habillé de rose , rempli d’énergie ,fait une apparition  en rigolant. Les  dentelles, les chaussures pointues,  le visage blanchi à la poudre,  et le  chapeau panache qui évoquent la cour d’Espagne du XVIIe siècle, renvoient également aux  touristes modernes: ils ont tous des appareils-photos, et  ont le  regard un peu naïf  et condescendant devant les pauvres indigènes  qui « mangent bien »  et « s’amusent dans les champs de canne ».   Cette  histoire de Cuba  revisitée et associée aux rituels transgressifs situés dans un espace-temps  où  passé et  présent se télescopent ,  sont aussi une critique de l’actualité, à la fois une vision grotesque de la colonisation et une  remise en question transgressive des pratiques contemporaines, sans pour autant remettre en question le système…   Mais la directrice de la troupe Nelda Castillo joue à la limite des choses.  Tout est désormais possible dans ce théâtre qui masque ses propos et qui est fondée sur une ambiguïté  riche en significations. Les  images sont féroces, la colère est évidente et le travail corporel des acteurs  fascinant. Devenus des objets obéissants, ils adoptent  une gestuelle, un bruitage vocal et une manière de tordre le regard et les membres pour se transformer  en présences à peine humaines et surtout très inquiétantes.   Cet imaginaire visuel transforme les images iconiques du pays , telle que la figure typique de la  Reine de la Fritanga, en monstres d’abjection.  Cette  femme maigre, dont les bras et le visage sont couverts  d’égratignures, des taches noires,   et de marques de  violence,  surgit sur la scène, et essaie de nous « plaire » comme le font les « nègres » de  Genet. Mais son  visage grimaçant, avec
une peau grisâtre et vieillissante, trahit une immense douleur. Elle est pourtant la reine de la Rumba, de la Salsa et des défilés du carnaval, de la jouissance physique et de la pagaille  nées dans la douleur et dans l’horreur de l’oppression.
Toutefois, parmi ces figures grotesques et caricaturales,  se détache  le corps à moitié nu de Marti,  accroché à des  bâtons de canne  croisés, comme un homme  crucifié. Il ne parle plus et son visage reste  impassible et silencieux. Il n’y a plus que  le souvenir de ses gestes, et de ses souffrances  qui  évoquent  le personnage, comme le veut la metteuse en scène.
Marti va grimper péniblement jusqu’au niveau supérieur de l’échafaudage  où il se redresse, comme un grand homme d’état,  à côté de la Vierge, qui hurle toujours  son message incompréhensible comme un vieille folle. L’image de ce  calvaire est puissante.  Comme  les autres acteurs, il est passé  par une discipline à toute épreuve et une formation qui aboutit à la libération du corps et de l’imaginaire, et qui donne tout  son sens au spectacle. En  se servant de leur mémoire corporelle et en  dépassant le réalisme, ils ont aussi réussi à dépasser  le théâtre et l’histoire récente, et remettent tout en question , sauf la grandeur de Marti qui plane sur un monde où son message aurait peut-être été oublié.

Alvina Ruprecht

 

Visiones de la Cubanosofia  est présenté   par la Compagnie  Le Cerf enchanté au Théâtre la Capilla (Vedado) à la Havane,  Cuba.

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