Les Péchés de la Mère d’Israël Horovitz.
Moins connu au Canada qu’en Europe, Israël Horovitz est peut-être l’auteur dramatique américain vivant le plus traduit en français. Sins of the Mother, une œuvre récente, est actuellement présentée en anglais par une petite compagnie fondée par Paul Dervis: le NORT (Nouveau théâtre de répertoire à Ottawa).
Paul Dervis qui l’a mise en scène, est originaire de New York où il continue à travailler de temps à autre. Installé depuis quelques années au Canada, Paul Dervis souhaite entretenir la grande tradition de la scène néoréaliste dans la capitale où le théâtre américain n’a toujours pas prise chez les anglophones.
Curieusement, ce sont les Québécois qui s’intéressent davantage à Horovitz, et c’est donc dans la traduction française que nous avions fait la découverte de cet auteur/acteur , il y a quelques années au Théâtre de l’Ile, à Gatineau, ville située de l’autre côté de la Rivière de l’Outaouais qui sépare le Québec, province francophone, de l’Ontario, province anglophone.
Sins of the Mother est un drame captivant qui se déroule à Gloucester, petite ville côtière du Massachussetts, où les habitants essaient tant bien que mal de survivre.Ville moribonde où la pêche ne procure plus d’emplois , et où les hommes , qui ne trouvent plus de travail, traînent au syndicat à boire de la bière, et à faire valider leur carte d’assurance-chômage. Dans ce milieu de pêcheurs où les sensibilités sont à fleur de peau et où tout le monde connaît les affaires familiales de tout le monde, revient à Gloucester un certain Douggie, après une absence prolongée.
Mais le monde a changé et le jeune homme cherche les traces de sa mère décédée depuis longtemps. Il demande de l’aide à un groupe d’habitants qui connaissent bien les drames qui ont bouleversé la ville des familles. Mais ce que le jeune Douggie va découvrir sur la vie de sa mère n’est pas tout à fait ce qu’il aurait souhaité savoir.. et il est append vite qu’elle avait des relations avec le milieu de trafiquants de drogue et où dégradation sociale, trahisons, vices cachés et passions destructrices sont le lot quotidien des habitants. C’est écrit avec un humour cruel qui pue la bière et la drogue. L’équipe d’acteurs crée un climat à la fois divertissant et inquiétant, quand ils évoquent le souvenir de cette femme. Les pêcheurs donnent l’impression de ne pas respecter la mère de Douggie qui , selon eux, perturbait leur communauté.
Mais Bobby, un vieil ami de la famille est prêt à résoudre tous les mensonges qui circulent au sujet de cette femme. Tous hésitent à dire la vérité à Douggie, mais Bobby est le seul qui aimait vraiment la mère de Douggie et aussi le seul capable de répondre à toutes les questions et d’éclairer le mystère de sa mort. Jérôme Bourgault, qui interprète l’un de ces vieux pêcheurs, est un acteur francophone remarquable: il évite de surjouer et a compris le jeu néoréaliste que le metteur en scène cherche à imposer dans la représentation de ce monde américain.
La direction des acteurs est excellente, et ils ont vite et bien pris l’accent de la région côtière de l’Est américain. La scénographie intelligente évoque les nuits hivernales en montrant des tas de neige à l’extérieur, visibles depuis des fenêtres en fond de la scène. Quant à l’intrigue , elle comporte des changements d’orientation inattendues et quelques surprises. Avec un résultat parfois heureux, parfois beaucoup moins: vers la fin, l’auteur nous oriente sur une nouvelle piste trop abrupte. L’ effet de réalisme s’évapore ,et le récit devient alors chaotique. Comme si les recherches de l’auteur et le processus d’écriture n’avaient pas encore pris fin…
Alvina Ruprecht
Salle Nathalie Stern, École de théâtre d’Ottawa.