Dieu est un DJ
Dieu est un DJ de Falk Richter, mise en scène de Fabrice Murgia, et Dirty week-end d’Helen Zahavi, mise en scène de Jacques Delcuvellerie.
Adapté de Falk Richter, c’est un spectacle impeccablement moderne. C’est dire ses qualités et ses limites : ça va vite, les belles musiques sont omniprésentes et les acteurs brillants: Vincent Hennebicq, Laura Sépul, Raphaëlle Bruneau et l’utilisation de la vidéo qui ouvre les espaces ou se referme sur l’intimité des visages est convaincante: Fabrice Murgia connaît son affaire. Le mais vient précisément de ce côté bien huilé quand il s’agit du mal-être des deux personnages, un garçon et une fille : lui, fait le récit de leur errance, sans démêler rêve et réalité. Elle, est couchée sur le capot d’une Chevrolet. Ça nous renvoie en plein rêve « on the road », la route 66, et vers tous les « trips » dont on redescend plus ou moins bien.
Une « soignante » en blouse blanche tient la caméra qui amplifie les visages sur l’écran. Pas d’avant, ni d’après, jusqu’à ce que la réalité rentre dans le temps : elle est enceinte, faut-il avorter ou non ? L’image vivante d’une échographie réintroduit puissamment le réel. Dirty week-end est un roman et un conte. Mais Jacques Delcuvellerie a tenu à garder la narration, donnée par un magnétophone à bande, et par la voix riche, prenante, de Francine Landrain.
Derrière, quatre comédiennes prennent tour à tour le rôle de la femme et les rôles des hommes qu’elle rencontre successivement. «Bella n’a rien de particulier. L’Angleterre est pleine de gens qui hurlent en silence pour ne pas déranger les voisins ».
Helen Zahavi a décidé de renverse la vapeur : Bella ne sera jamais plus une victime. S’il faut tuer, c’est elle qui tuera. De meurtre en meurtre, car il s’agit de tuer l’insupportable en chaque homme rencontré, ça s’arrête sur la mort d’un Jack l’éventreur, moment de dangereuse jouissance. Delcuvellerie et ses interprètes ont inventé un jeu systématique et intéressant : Olivia Carrère, Françoise Fiocchi, Anabel Lopez, Aude Ruyter jouent chacune un rôle de femme dans un registre presque réaliste, nuancé, sans peur de l’émotion, et chacun des hommes sur le registre de l’énorme caricature. Ce n’est ni maladresse, ni féminisme primaire : c’est le jeu de l’autre, attrapé à gros traits, c’est mettre le doigt sur ce qui semble « normal », et qui tue les femmes au quotidien.
Et c’est très réussi, même si le spectacle est un peu long..
Christine Friedel
Spectacle vu au Festival de Liège; il sera repris au Théâtre National de la Communauté Francophone de Belgique à Bruxelles, et en tournée.