TERRES

 Terres  ! de Lise Martin, mise en scène de Nino d’Introna.

 

Aride et Kétal marchent, marchent depuis longtemps, à la recherche de l’endroit idéal, une terre jaune, un morceau de désert que Kétal a acheté. Kétal a l’assurance du futur propriétaire, Aride qui l’a suivi sans savoir pourquoi, porte ses bagages qui lui courbent le dos. Après quelques errements, ils arrivent devant cette terre jaune qui est bien semblable à l’échantillon que Kétal porte dans un petit sac. Une terre vide qui n’abrite qu’un arbre mort.
Mais le terrain est signalé comme » propriété privée », ce qui inquiète Aride. Pas Kétal qui décide de s’installer. Une femme passe qui dormait dans l’arbre, que nous allons revoir portant différents noms selon ses humeurs- d’abord Madame Mue puis Mademoiselle Zéphir, puis Neige-, une femme qui passe sa vie à passer, qui écoute ce que dit le vent, qui commente l’action, qui plaît bien à Aride. Kétal élargit sa propriété, Aride découvre les richesses qui les entourent, fruits, légumes, gibier.
Mais bientôt arrive l’Autre, un homme qui a dans sa poche la même carte que Kétal, celle qui mène à la terre jaune. Il dit que sa famille vivait là, que son père lui a légué la terre . Aride est prêt à partager, pas Kétal qui chasse l’homme et construit une forteresse. Un autre homme arrive, suivi de milliers d’autres, dit-il. Il est le frère de l’Autre tué sur la route, par Kétal sans doute.
Kétal sort des armes, lance des bombes, disparaît. Neige vient chercher Aride qui ne veut pas partir, qui attend Kétal, retenu prisonnier par un des hommes qui revendiquent cette terre. Elle le laisse. Neige chante:
« Que peut-il se passer maintenant ? A qui sont ces terres? A qui sont ces terres? Souffle le vent de la discorde. Personne n’écoute la parole de l’autre.
Personne n’écoute le vent.
A qui est la terre?
Aux vers de terre peut-être. »
Un très beau texte poétique et politique de Lise Martin. Aride le naïf, le doux et Kétal le brutal composent un duo mi-clownesque, mi-métaphysique, rappelant d’autres duos de théâtre. La pièce, comme une fable universelle, dit l’ambigüité de la propriété, les pièges que tendent la force et la bêtise. Et l’on ne saura jamais à qui appartient cette terre jaune…
Une scénographie superbe: un simple et grand carré de terre jaune, entouré de noir et un hors-champ empli de promesses et de mystères. Rien de réaliste, et pourtant tout est là, suggéré par la lumière, le son, quelques objets . Le spectacle se termine sur une magnifique image surprise à ne pas dévoiler. Une réserve cependant quant au choix du rajeunissement des personnages, de les avoir fait plus enfants que l’auteur ne l’indiquait, d’où un jeu délibérément » enfantin »- même si les comédiens ont de belles qualités poétiques- qui enlève de son universalité au texte, qui l’emmène du côté de la bande dessinée.   A voir pour le plaisir que procure ce texte et pour les questions qu’il pose.

 Françoise du Chaxel, 24 Février, 2011, spectacle vu à Clermont-Ferrand.

 

http://www.dailymotion.com/video/xezjyh

Théâtre de l’Est Parisien, du 1er au 13 Mars, 01 43 64 80 80. A Genève: Théâtre Am Stram Gram , du 2 au 5 Avril.

Le texte de la pièce est publié aux éditions Lansman.

 

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