Nothing to do

Nothing to do, d’après un texte de  Pascalle Monnier, mise en scène Emma Morin.

 

 Dans le cadre du festival Hors-Série 3, le théâtre de la Bastille a choisi de révéler des troupes et des  formes artistiques, hybrides et transdisciplinaires, un peu occultées dans l’espace médiatique. Parmi elles, Nothing to do, une proposition atypique d’Emma Morin d’après un texte de Pascalle Monnier.
Sur le plateau: une jeune femme qui monologue, s’adressant à Tim, puis Ben, Paul, Lise, Louis, Bill…, autant de personnages qu’elle interroge mais qui n’apparaîtront jamais, sauf dans son discours. À ses côtés , et, en retrait, un guitariste (Ryan Kernoa) – nous nous apercevrons par la suite que le son ne provient pas de son instrument mais d’une bande-son, et un chanteur-bruiteur (Frédéric Jouanlong), également faussaire dans son art.
Le spectacle fait la part belle aux illusions et autres trompe-l’œil en tout genre. Bref, une belle mise en abyme de la manipulation intrinsèquement théâtrale.La mise en scène est remarquable : de beaux et doux fondus au noir alternent avec des rais de lumière blanche qui dessinent des formes géométriques sur le praticable (lumières Laurent Bénard). La jeune femme, qui n’est visible  que dans les clairs-obscurs, se déplace subrepticement dans le noir, réapparaissant comme par magie là où nous ne nous l’ attendons pas. L’espace scénique est en effet séparé du public par un voile noir qui  sert  aussi  d’écran où sont projetées à l’occasion des images.
L’interprétation d’Emma Morin est juste et convaincante mais on regrette la faiblesse du texte, qui aligne poncifs et  stéréotypes, et qui ne parvient pas à  nous captiver. On attend qu’il se passe enfin quelque chose et que l’intrigue se dénoue… En vain! De ce fait, les bonnes surprises scénographiques et les effets spéciaux ne forment pas un contre-point suffisant pour emporter l’adhésion des spectateurs et créer un spectacle abouti.   Dommage…

Barbara Petit

Théâtre de la Bastille du 21 au 25 février. www.theatre-bastille.com

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Archive pour 27 février, 2011

UN BOUTON DE ROSE

UN BOUTON DE ROSE  de et par Sophie Accaoui. mise en scène de  Laurent Lévy

C’est un nu vocal intégral imaginé et interprété par Sophie Accaoui…
Une conférencière un peu coincée en  tailleur rose, entre en scène avec une volumineuse documentation,  et  chausse ses lunettes pour lire des observations scientifiques sur le plaisir féminin, s’évapore peu à peu en se libérant de ses accessoires, jouant avec les mots, déclinant le rôle du clitoris, mot qu’elle ne parvient pas à prononcer au début.  Elle se déshabille  tout en restant très pudique et provoque une belle hilarité du public qui remplit le petit cabaret chaleureux.
Elle finit par distribuer à toutes les spectatrices, de petits papiers avec des phrases coquines qu’elle leur demande de lire. On s’exécute  avec « Je me fais ramoner l’abricot, je me fais chatouiller le bijou, je me fais grossir la cerise… ».
Une belle soirée inattendue.


Edith Rappoport

 

Théâtre Essaïon  ( seulement le  lundi) à 20 h,  jusqu’au 2 mai, www.essaion.com

TIMON D’ATHÈNES

TIMON D’ATHÈNES de Shakespeare, conception sonore et interprétation Doctor L, mise en scène de Razerka Ben Sadia-Lavant.

  Timon d’Athènes, pièce d’une actualité brûlante en ces temps de  grand gaspillage des riches, a connu des mises en scène qui ont marqué les mémoires : celle de Peter Broook pour l’ouverture des Bouffes du Nord avec François Marthouret dans le rôle-titre; en 2006 celle de Victor Gautier-Martin à l’Aquarium avec une insolite et efficace distribution féminine, hormis le rôle titre tenu par un homme. Celle enfin de  Habib Nagmouchin  qui avait monté la pièce avec Denis Lavant, dans son petit théâtre de la Boutonnière en 2007. Timon est riche, il est généreux et prodigue à tous ses amis venus faire ripaille chez lui de splendides cadeaux. Il fait fi des avertissements de son intendant et se laisse peu à peu ruiner par les flatteurs. «Chaque homme a ses défauts, le sien est d’être intègre».
Tel Job sur son tas de fumier, il se retrouve dépouillé de tout,  abandonné par ses faux amis qui lui refusent tout crédit. Il en conçoit une aversion totale pour l’humanité. Réduit à gratter la terre pour se nourrir, il trouvera de l’or qui lui servira à se  venger. Razerka Ben Sadia-Lavant a voulu réunir deux mondes, Shakespeare et le slam, avec son mari dans le rôle-titre ;  des mécènes comme Agnès B, Azeddine Alaïa et Yamamoto lui  donné  plusieurs dizaines de costumes suspendus au- dessus du plateau.
La voix de tous les acteurs est sonorisée, mais  on a beaucoup de mal à écouter le texte accompagné en permanence par la musique du Doctor L, dans un anglais incompréhensible pour les connaisseurs de Shakespeare! Les comédiens changent  très souvent de costumes qui viennent joncher le plateau, et l’on se perd à la recherche du sens du spectacle. Denis Lavant, qui reste un acteur prodigieux, prend tout de même du relief au moment de sa déchéance et Dr de Kabbal a une belle stature en poète et Alcibiade également avec une  voix de stentor..
Mais le succès auto-proclamé sur les 52 pages de la note d’intention n’est pas ressenti comme tel par tout le monde…

Edith Rappoport

Timon d’Athènes  de Shakespeare,  adaptation libre de Sophie Couronne et mise en scène de  Razerkia Ben Sadia-Lavant.

 Cette version courte (une grande heure) entre  rap et slam de Timon d’Athènes « déménage » de façon plutôt sympathique sur le plateau des Métallos. Avec Denis Lavant et sa présence délurée dans le rôle – titre, secondé par des artistes de la voix et du rythme comme Dr de Kabal, figure majeure du slam en France, Casey, rappeuse engagée , Marie Payen, comédienne à la blondeur efficace ou enfin le rappeur new-yorkais Mike Ladd. Ces personnalités un peu rudes et un rien provocatrices – juste ce qu’il faut -, invitées par extraordinaire sur une scène de théâtre, se prêtent au jeu galamment, et évoluent dans un univers sonore free jazz créé par Doctor L .qui joue sur scène.
Timon, noble d’Athènes, règne sur tous par ses dons et ses largesses : celui qui le sollicite devient aussitôt l’un de ses proches. Le généreux Timon semble orchestrer un bonheur général fondé sur le don, l’amour, le partage, mais à sens unique : on ne lui rend pas ce qu’il donne. Certes, cet « amour »-là semble bien superficiel, fait d’émotion facile et de complaisance  et tient d’une relation vide à l’autre, tournée vers un soi narcissique. Un jour, arrive ce qui doit arriver: la ruine financière! Timon n’a plus rien et ne fait qu’emprunter ce qu’il donne.
Tiré de sa béate extravagance, il demande de l’aide aux sénateurs et à ses « amis » pour satisfaire les créanciers qui l’agressent. Tous se défilent et n’honorent en rien leur dette morale. C’est l’écroulement pour Timon : il bascule dans une haine aussi totale… et pris de rage et de dégoût, il multiplie les imprécations aux traîtres qu’il a invités pour un dernier festin. Il se retire ensuite loin d’Athènes en maudissant la ville et en appelant sur elle fléaux et désordres, maudissant aussi le pouvoir de l’or, un or qu’il trouve encore à ses pieds dans la nature et continue de distribuer aux quémandeurs qui affluent …
Timon injurie et maudit ses « doubles », le philosophe et le poète. Haine et ressentiment sont des sentiments qui se déclinent à toutes les personnes et à tous les temps.  Sur  scène, la tension ne faiblit pas et l’attention agacée du spectateur est plutôt tenue en éveil ; ça balance pas mal entre joutes oratoires, déclamations échevelées,  et échanges de monologues subversifs jetés à la face de l’autre. Un acteur, une actrice, un slammeur et une rappeuse –  toisent le public et le bousculent « méchamment », droit dans les yeux, comme dans les rues âpres et dangereuses de la ville sombre et sans partage.
Pleuvent ainsi pêle-mêle au micro: condamnations, imprécations, humiliations, fautes et impiétés répertoriées, manquements et trahisons de l’ennemi qu’on croyait ami. On voit sur scène  des portants avec plein de  vêtements chics et tendance, paillettes, tenues de soirée et smokings: chaque comédien se dévêt précipitamment à vue en rejetant ses vêtements en l’air derrière soi.
Cris de haine contre une société de gâchis et de mensonge où chacun s’approprie son dû contre l’autre en le dépossédant : une jungle sociale et vaine où les règles ont disparu. Les corruptions sont de tous les temps…   Le spectacle est efficace, même si le verbe shakespearien, affaibli par sa traduction au goût du jour, a perdu de sa poésie et de sa force incantatoire.
Reste l’énergie, le souffle et la hargne, ce qui n’est déjà pas si mal pour condamner à jamais ce qui ne peut être accepté: les petits vols individuels à l’insu de la collectivité…

Véronique Hotte

 Maison des Métallos, 94 rue Jean-Pierre Timbaud 75011 Paris jusqu’au 12 mars du mardi au vendredi 20h, samedi 19h .Réservations : 01 48 05 88 27

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LE DISCOURS DU TRAÎNEUX

LE DISCOURS DU TRAÎNEUX de Gaston Couté, conception: Gérard Pierron, Bernard Meulie.

   Voilà plus de trente ans que Gérard Pierron a ranimé la flamme de Gaston Couté, sublime poète paysan disparu en 1911 à l’âge de 31 ans. «Il chante la terre, la vraie, celle qu’on laboure, celle qui crotte nos souliers de chemineau, pas celle des champs d’honneur ». Il avait suscité l’enthousiasme en chantant avec La chanson d’un gars qu’a mal tourné au Théâtre Paul Éluard en 1978 et connu une belle ascension avant l’époque du tout médiatique.
Puis Gérard Pierron a continué à porter les poèmes de Gaston Couté à travers la France profonde pendant toutes ces années. Pour le centenaire de la disparition de ce grand poète, il a retrouvé son vieux complice Bernard Meulien, Hélène Maurice,  une tonique chanteuse québecoise et trois musiciens/chanteurs qui  se relaient avec des textes savoureux sur la misère paysanne: le public  est fasciné par la simple beauté de cette force de vie dans l’errance.


Edith Rappoport

Le 26 et 27 février au Théâtre de l’Européen.

Les éditions Pique et Colégraph viennent de publier un livre-disque Gaston Couté: 131 ans, avec des textes choisis et chantés par Gérard Pierron et ses complices.

RAPACES

RAPACES  texte et mise en scène de Fabrice Macaux, composition et musique de Corentin Seznec.

 

   Le metteur en scène a réalisé depuis une vingtaine d’années un précieux travail documentaire sur les dérives du fonctionnement de nos sociétés. Après plusieurs expériences , entra autres  en Limousin et une résidence à Fos-sur-mer, il développe  un travail fondamental dans le Val-d’Oise. L’Abbaye de Maubuisson l’a accueilli régulièrement, avec,entre autres, Grève de fin et Visite fictive, forme insolite alliant arts plastiques et théâtre… Il aussi a réalisé plusieurs films documentaires à Garges-les-Gonesse, et  est maintenant en résidence au Centre Culturel de Jouy-le-Moutier, pour travailler sur un ébauche déjà troublante de Rapaces qu’il avait réalisée 2009.
Rapaces est une pièce  qui évoque l’indicible, l’impossible deuil, la perte d’un fils douloureusement clamée par sa mère. Aucune parole compréhensible n’est prononcée, sur le plateau nu: la mère( Laurence Mayor) entre en scène avec son sac à dos, on entend à  la radio  des nouvelles de  l’attentat qui a détruit le siège de l’ONU à Bagdad en 2003 et où avait été tué un proche de Fabrice Macaux.
La mère cherche fébrilement son portable dans son sac, reste prostrée, pousse le cri silencieux de Mère Courage, et se déchaîne, se roule, se tord, sans une parole, sans un gémissement. Un cadre blanc tombe autour du plateau, un acrobate (Michel Vesserau), figure du fils disparu, entre en scène, s’enroule dans les cordes, remonte, tombe, gît sur le plateau.   À la fin, la mère l’enveloppe dans des filins blancs, se suspend à lui, anéantie. L’accompagnement musical de Corentin Seznec rythme cette douleur lancinante, et fait monter une belle émotion.
Rapaces mériterait d’avoir une belle carrière, en particulier  au Moyen-Orient.


Edith Rappoport


Spectacle vu le 26 février au  centre culturel de Jouy-le-Moutier. www.jouylemoutier.fr

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