Tsunami et demain

Théâtre du Rond-Point

 

 

Soirée exceptionnelle :

 

« Tsunami et demain..

 

lundi 11 avril à 20h

 

 

Des artistes français

et japonais en soutien aux


sinistrés du tsunami

 

 

avec la participation de Jane Birkin, Jun Miyake, Camille, Pierre Barouh,

Nicole Croisille, Francis Lai, Maïa Barouh, La Caravane passe, Salvatore Adamo, Sanseverino, Sublime,

Les Guignols de l’info... et de nombreuses personnalités.


Musique, lecture de Haïku en français et en japonais, vidéo (programmation musicale et artistique en cours)


Le Japon est aujourd’hui touché par une crise humanitaire gigantesque. Les besoins sont énormes et, par nos dons, nous pouvons faire beaucoup.
L’ampleur du cataclysme auquel il doit faire face aujourd’hui est telle qu’une aide d’urgence est impérative. Le Nord-Est du Japon abrite une population rurale, modeste, et souvent âgée. Les sinistrés ont tout perdu, ils survivent dans des abris de fortune et manquent de vivres, d’eau, d’essence, et d’accès aux médicaments. La réalité va au-delà des images qui nous parviennent.

 

L’attraction culturelle entre la France et le Japon existe depuis longtemps et elle est toujours aussi vivante. Chaque année, nombre d’artistes français de toutes disciplines vont se produire avec succès au Japon. 23 000 japonais vivent aujourd’hui en France. Ils sont dans l’angoisse et la frustration de ne pas pouvoir être auprès de leurs proches.
Cette soirée est aussi pour eux.
Elle est est organisée à l’initiative de Maïa Barouh et Guillaume Diamant-Berger, avec le soutien de Jean-Michel Ribes et du Théâtre du Rond-Point.
Le prix de la place est fixé à 35 euros et 350 euros en tarif soutien.
Le bénéfice des ventes de billets sera entièrement reversé aux organismes humanitaires déjà sur le terrain : la Croix Rouge et l’association « Kokkyô naki Kodomo » (KnK = Enfants sans frontières).

Réservations au : 01 44 95 98 21 ou sur www.theatredurondpoint.fr


Archive pour mars, 2011

CHAT PERCHÉ, OPÉRA RURAL

 CHAT PERCHÉ, OPÉRA RURAL  de Caroline Gautier  composition musicale  de Jean-Marc Singier, chorégraphie de Dominique Boivin, et Ensemble 2 E 2 M

 

chat.jpgC’est un beau régal que ce petit opéra rural, conçu par Caroline Gautier que  nous avions pu découvrir en 1992 avec Les amours de Monsieur Vieux-Bois et La Trilogie minuscule. Cet opéra rural librement inspiré des Contes du chat perché de Marcel Aymé est le fruit d’une belle complicité entre Caroline Gautier pour la conception, le livret et la mise en scène, Jean-Marc Singier pour la musique et le chorégraphe Dominique Boivin, qui ont rassemblé des artistes issus d’univers très différents. Il y a une distribution des prix dans l’école du village, Delphine et Marinette sont félicitées et les vacances les renvoient dans la ferme familiale, où leurs parents s’échinent à la tâche.
  Les animaux se promènent, les petites filles étudient leur géographie sous l’oeil attentif du canard, pendant que le cochon et le paon font étalage de leurs prouesses. Le canard fasciné par la géographie s’envole vers des contrées lointaines, il revient en compagnie d’une panthère qui sera bientôt adoptée par toute la basse-cour. Toute la ferme se met au diapason des fillettes, même les parents finissent par quitter leur dur labeur et se joindre à la fête, jusqu’au moment où le cochon disparaît, la panthère l’a dévoré !
  L’hiver arrive, la neige tombe, la panthère qui s’est enfuie meurt sous les flocons de neige. Caroline Gautier a fait une belle synthèse d’artistes venus d’horizons multiples, deux jeunes acrobates incarnent les fillettes, le paon est un haute contre épris de grand siècle, le cochon est un gros ténor qui se met à la diète et pratique la gymnastique, une jeune colorature l’audacieux canard qui revient flanqué de la panthère, Salomon Baneck-Asaro étonnant danseur dont le final sous la neige est un vrai moment de grâce.
L’ensemble 2 E 2 M, en formation de petite fanfare de village, coiffée de cornes et de bonnets de gallinacés , rythme ce petit opéra avec un humour entraînant, et l’on retrouve avec plaisir Michel Hermon dans le rôle du père.

 

Edith Rappoport

 

Spectacle vu  le 28 mars  au Théâtre Jean Vilar de Vitry; Scène nationale d’Orléans les 30 et 31 mars, Théâtre Gérard Philipe de Bonneuil le 9 avril; Théâtre de Vevey (Suisse le 15 avril)

CATALINA IN FINE

CATALINA IN FINE  Le vent se lève , de Fabrice Melquiot, mise en scène Olivier Couder

photo1.jpgOlivier Couder a créé en 1989 le Théâtre du Cristal, une compagnie étonnante qui travaille avec des comédiens en situation de handicap. Avec un travail d’ateliers quotidiens, il a formé une vraie troupe et réalisé des spectacles de grande qualité, Un jardin pour personne au Théâtre des Arts de Cergy, Un riche, trois pauvres de Calaferte, Hier c’est mon anniversaire d’Eugène Durif, Orphée dans une mise en scène de Dominique Houdart et Ô spectacle de clowns.
Catalilina est une petite fille de 13 ans, orpheline et néanmoins enjouée et pleine d’énergie, elle nous conte la perte de ses parents, deux jolies marionnettes qu’elle tire de sa poche, elle évoque sa déchirure, ses deux visages, l’un qui rit, l’autre qui pleure. Cherchant du travail, elle arrive dans l’atelier d’Honorin, vieil artisan à la jambe de bois qui fabrique mécaniquement des masques, toujours les mêmes, suivant les directives de son entreprise. Elle s’attelle à la tâche, bouleverse tout en jetant des couleurs sur les masques, mettant Honorin hors de lui. Elle s’endort, rêve d’un prince “pas charmant” qui voudrait devenir nourrice. Mais Catalina tombe malade et les trois handicapés qui ont vécu un moment de bonheur, ne pourront poursuivre leurs rêves…
Malgré quelques faiblesses dans le jeu en cette matinée de seconde représentation devant un public de jeunes très attentifs, on avait du mal à concevoir qu’un handicap avait frappé les comédiens. En dépit des conditions d’accueil sommaires du Vent se lève, la scénographie et les costumes de Jean-Baptiste Manessier, complice de toujours du Théâtre du Cristal, offraient un cadre véritablement théâtral.

 

Edith Rappoport

Théâtre du Cristal, jusqu’au 3 avril, du mardi au samedi à 20 h 30, mercredi et jeudi à 14 h 30

www.theatreducristal.com

L’OPÉRA DE QUAT’SOUS

L’OPÉRA DE QUAT’SOUS de Bertolt Brecht, mise en scène Jean-Daniel Laval, Musique de Kurt Weill.

 

  Jean -Daniel Laval dirige depuis une dizaine d’années ce joli théâtre à l’italienne inauguré par Louis XIV en 1779. Ancien champion de la Ligue d’Improvisation Française, il a dynamisé ce théâtre en élargissant le répertoire et rajeuni son public.
Il s’est emparé de cette célèbre opérette que Brecht a adaptée d’après The Beggar’s opera de John Gay, avec une équipe nombreuse, treize acteurs, huit musiciens, une vingtaine de choristes amateurs. Peachum qui dirige L’ami du mendiant, agence de conseil en mendicité à Londres au début du XXe siècle, ne recule devant aucun stratagème pour éveiller la pitié en exploitant ses faux infirmes. Sa fille Polly s’enfuit pour épouser Mackie le Surineur, sous le regard attendri de Tiger Brown, chef de la police et néanmoins ami de jeunesse de Mackie. Celui-ci emprisonné s’enfuit à plusieurs reprises, mais sera dénoncé par Jenny des Lupanars, puis libéré par Lucy son autre épouse, fille de Tiger Brown aux prises avec Polly, la nouvelle légitime. Au moment suprême où il doit être exécuté, il sera gracié aux accents très actuels de “Il vaut mieux être banquier que bandit”.
Brecht écrivait cette phrase en 1928 ! En dépit d’une mise en scène brouillonne et du jeu caricatural de l’ensemble de la distribution, on se laisse séduire par l’énergie des songs de Kurt Weill bien interprétés, présentés par Richard Delestre, bon chanteur de complaintes. Et on peut se réjouir de partager le plaisir du public jeune et diversifié qui remplit cette bonbonnière autrefois réservée à la bourgeoisie.
Le Collectif 12 de Mantes-la-Jolie avait réalisé en mars 2009 une version dynamique et surprenante de L’opéra de quat’sous, dans une mise en scène de Frédéric Fachena, sous la direction musicale de Jean-Christophe André avec la collaboration de chorales locales, au cours de leur tournée dans les Yvelines. On pouvait y goûter déjà la modernité fulgurante de Brecht chanté par le choeur, notamment “Partez en guerre contre les grands voleurs. Abattez les tous, abattez les vite. Ils nous plongent dans le froid et la nuit dans cette vallée de larmes où nos plaintes résonnent.”

Edith Rappoport

Théâtre Montansier de Versailles, jusqu’au 29 mar
s, www.theatremontansier.com

Les Fridolinades

Les Fridolinades de Gratien Gélinas, mise en scène de Perry Schneiderman.

 

   nathalycharrettelinablais.jpgÉcrit par le québécois Gratien Gélinas entre 1938 et 1946 (Gélinas est décédé en 1999), ce témoignage de la vie québécoise pendant la deuxième guerre mondiale, devenu un spectacle culte, était conçu au départ pour la radio, à l’époque où la télévision n’existait pas.  Présenté comme une suite de sketchs comiques, dont chacun cerne un élément  de la vie populaire, il est encore souvent monté  dans la  » belle province » .
Toutefois, cette co-production du théâtre de  la Catapulte à Ottawa et du Théâtre français de Toronto, est la première création franco-ontarienne de la pièce.   Le texte d’origine est composé d’une centaine de sketches et les metteurs en scène sont toujours obligés d’en faire sélection, selon les attentes du public ou les possibilités de leur troupe. Dans ce cas présent, Perry Schneiderman de Toronto, responsable de l’adaptation et de la mise en scène, insiste sur  les moments « typiques » de la famille à l’époque mais rehaussés par une verve comique et un jeu physique qui frôlent la farce.  Les portes claquent, les personnages entrent et sortent à la minute près, les pères râlent, les mères exercent leur autorité à la maison, et tous les tabous qui rongent la tranquillité de la maisonnée sont brisés: la sexualité dont on ne parle jamais, le bingo qui est pris très au sérieux et qui retient les femmes à l’église car il  se fait dans la salle commune de l’église, et  la radio qui joue un  rôle primordial quand la femme est coincée à la maison.
Et souvent l’action tourne autour de la radio ou du téléphone, comme  pour montrer le pouvoir de ces nouvelles inventions sur cette population qui n’est pas du tout au fait des dernières découvertes technologiques .  Et le tout est présidé par Fridolin qui fait le lien entre les sketches en résumant l’action, en expliquant ce qu’il pense. Il situe l’actualité dans la pièce, avant d’évoquer la situation suivante, et  l’ensemble de ces petits récits caricaturaux constitue les « Fridolinades ».
Le tout est bien mené, avec un rythme comique soutenu et les cinq comédiens
excellent dans des rôles de composition . On est  un peu déçu par  certains dialogues, révélant une société qui est plutôt en marge du XXe siècle sur tous les plans. On entend des questionnements identitaires, on constate jusqu’à quel point les dialogues reflètent un profond manque de confiance en soi, une dévalorisation de la personne et une absence de remise en question des rapports avec la majorité  anglophone au  Canada.   Ce sont très clairement des colonisés qui semblent  ne rien connaître   de l’histoire du Québec . L’Eglise est la grande absente dans ce dialogue comique sur la société des années quarante, alors qu’elle a démoli le mouvement artistique Refus Global et chassé toute l’avant-garde du pays.
La pièce montre bien toutefois cette société qui acceptait de voir   ces artistes chassés de la province et Gélinas excelle à peindre  des femmes qui ont leur franc-parler,  et d’autres qui s’affolent au moindre contre-temps, et  semblent tout à fait incapables de mener une vie hors du foyer. Mais comment se retrouver dans une telle comédie à notre époque ?  Un autre élément important dans cette mise en scène est la langue.  Michel Tremblay s’est sûrement inspiré de la scène du bingo  dans  Les Belles-Soeurs  qui est un drame sérieux et critique, alors que dans Les Fridolinades, Gélinas  jette un regard  affectueux sur ce monde un peu simpliste.
Michel Séguin qui joue Fridolin a une belle  voix et le jeu très physique des acteurs, dirigés par  Schneiderman est pétillant et très amusant. Et pour ceux qui s’intéressent à l’histoire du théâtre québécois, Les Fridolinades est une œuvre qu’il faut voir.  Elle dépeint  une époque sur le plan social et artistique car la langue populaire  dans ce contexte caricatural dit bien quelles étaient  les limites imposées par la bourgeoisie culturelle à l’expression locale.
Cette langue du peuple était interdite dans les théâtre  sérieux parce que les gens en avaient honte. Elle n’était bonne que pour faire rire, pensaient-ils.  Pourtant, Michel  Tremblay a  transgressé ces interdits à partir du moment où ses personnages des Belles-sœurs (1968), se sont mis à parler comme les personnages de  Gélinas, mais  dans un contexte poétique, et quasi tragique.
Depuis, on ne se moque plus de cette langue populaire et  le théâtre contemporain était né au Québec à partir du moment où l’on a pu  prendre langue du peuple au sérieux. Toutefois,  hors de ce contexte  historique, Les Fridolinades présente  peu d’intérêt  scénique actuellement.
Et Broue,  une pièce qui fait parler  des gens du peuple  rassemblés autour d’un verre de bière dans la taverne du coin, a pris la relève et est jouée  sans arrêt au Québec comme en Ontario… 

Alvina Ruprecht

Les Fridolinades , une coproduction du théâtre La Catapulte et le Théâtre français de Toronto, se joue à la Nouvelle scène, à Ottawa.

Brita Baumann (Les Cadouins # 2),

    Brita Baumann (Les Cadouins # 2), documentaire théâtral et musical de Gaëtan Peau et Quentin Defait, mise en scène Quentin Defait.

 

  Brita Baumann est la seconde partie du cycle Les Cadouin. On est en juillet 2005 et une jeune allemande Brita Bauman a été envoyée pour un séjour  linguistique dans une famille bretonne, les Cadouin:   Roland, le père divorcé, Violaine sa compagne, Laurence et Virginie,  ses deux  filles d’une vingtaine d’années, et enfin, Jean-Jacques, le frère de son ex-femme et donc l’oncle de Laurence et Virginie. Cette famille connaît un petit  succès local avec son groupe Les Cadouin qui court les mariages, les bals et les fêtes avec des chansons qu’ils jouent et qu’ils chantent en chœur, pas très bien évidemment et leur répertoire reste  limité: cela va de Bécaud, Sheila ,Souchon en passant par les succès d’Indochine.
   Quant à Brita , elle est là, les écoutant, toujours silencieuse, parce que, nous disent les Cadouin, elle est allemande, presque prostrée et sans grande envie de partager leurs histoires de famille et leurs  tournées. Roland hurle et engueule ses musiciens de pacotille mais on a quelque mal à croire à cette famille et à cette saga musicale…
  Il y a deux tables et des chaises paillées comme on les voit dans les les intérieurs pauvres de la campagne profonde; tous les accessoires sont peints sur des cartons (assiettes, bouteille, pendule, instruments de musique et les comédiens  ont des maquillages blancs  comme des cadavres (?) , des costumes d’un goût douteux et  des perruques,ce qui, dans l’esprit des réalisateurs du spectacle, devraient donner « un esprit irréel et extravagant »; et  » que le public ressente ou non cette dimension, n’est pas indispensable mais cela instaure un décalage, un « surréalisme » qui vient s’ajouter à une histoire très quotidienne. » Mais on nous parle aussi quelques lignes plus loin « d’expressionnisme pour clowns noirs et féroces ». Il faudrait choisir!
  Avec,  comme références,  les désormais célèbres Dechiens et les non-moins célèbres documentaires de la série Strip-tease. Brita, habillée comme une jeune allemande de la campagne dans les peintures  populaires du  19 ème siècle, grande jupe crème,  et  nattes blondes, restera désespérément muette, comme un peu sotte, bref, une vraie caricature (type Bécassine d’outre-Rhin) égarée dans une autre époque,  et  qui va  recueillir  les confidences de toute la famille Cadouin.
  C’est plutôt bien joué ,en particulier par Emmanuelle Marquis ( Virginie) avec quelques moments forts: les repas en silence , certains numéros de variétés des plus ridicules et quand Brita écrit des lettres sur fond de musique de Bach.Mais, de là,  à y voir une peinture d’ êtres un peu à la dérive, et en proie à la solitude,  comme on nous y invite… Très franchement, l’on reste un peu?  beaucoup? sur sa faim.
  Ce qui manque sans doute à ce spectacle qui se voudrait proche de la caricature, c’est à la fois la vérité du quotidien, avec le  montage très serré et absolument exemplaire  des fameux Strip-Tease,  véritable condensé d’émotion et de finesse. Ce qui manque  aussi :  la cruauté des rapports entre des êtres affligés d’un handicap physique et/ou mental des Deschiens toujours en proie à la méchanceté des objets… Un cocktail inédit dans le théâtre français que Macha Makeiff et Jérôme Deschamps avaient réussi à mettre au point. Même s’il y  a des moments  drôles, on attend toujours quelque chose qui ne vient pas dans ce « documentaire » qui n’en est pas un, drôle parfois mais pas assez  « acidulé « et pas vraiment « désespéré », comme  le prétend sans complexe  la note d’intention. Bref, faute d’une solide dramaturgie , le compte n’y est pas tout à fait.
  Alors à voir? Les gens d’un certain âge paraissaient assez contents, et  il y avait très peu de jeunes, ce qui est rare au Théâtre 13. Vous pouvez tenter l’expérience à condition de ne pas être trop difficiles; au moins, on vous aura prévenus.

 


Philippe du Vignal

 


Théâtre 13 jusqu’au 10 avril; et le dimanche à 17 h 15,  reprise exceptionnelle de Monsieur Martinez (Les Cadouin # 1)

 

http://www.dailymotion.com/video/xhn0ip

La liberté pour quoi faire

La liberté pour quoi faire? ou la proclamation aux imbéciles, d’après Georges Bernanos, un spectacle de Jacques Allaire.

  On ne lit plus guère  Georges Bernanos (1888-1948), et c’est dommage. Mis à part un antisémitisme à peine déguisé au début de sa carrière, il eut ensuite des visions tout à fait prémonitoires. Il insulta copieusement Franco et Pétain , et fut obligé de s’exiler au Brésil. Il  se rallia rapidement au général de Gaulle, fit preuve d’un antiracisme  absolument radical, et soutint Mendel et Zweig. Il refusa aussi  tous les honneurs: non à l’académie française, non à une entrée au gouvernement que lui avait proposée de Gaulle,  et non encore à la Légion d’Honneur.
Ce qui ne l’empêcha pas d’être reconnu, encore jeune,  comme un romancier important avec Sous le soleil de Satan et Le Journal d’un curé de campagne, (qui furent adaptées eu cinéma) et de voir jouer ses Dialogues des Carmélites . Il fut aussi un pamphlétaire de tout premier  ordre,  notamment avec deux textes peu connus  La Liberté pour quoi faire , et La France contre les robots, dont s’est  emparé  Jacques Allaire pour construire un spectacle un peu  inégal mais, aux meilleurs moments assez attachant. Nous ne l’avons pas vu dans des conditions idéales: Sortie Nord-Ouest  est un lieu culturel  dynamique situé près de Béziers au milieu des vignes et qui a une programmation exigeante mais  le chapiteau subissait ce soir-là, surtout au début,les attaques de la tramontane, ce qui provoquait un bruit désagréable pour entendre un texte  comme celui de Bernanos.
 » Il n’ y a de liberté qu’en résistance » disait celui qu’Artaud nommait « son frère en désolante lucidité » et qu’admirait Malraux. Ces deux textes, peu connus,  témoignent  d’une profonde révolte contre un système capitaliste sans scrupules, et contre  une pensée marxiste où l’homme de droite , un temps proche de l’Action française, ne trouve évidemment pas non plus son compte.
Georges Bernanos a quelque chose d’un anarchiste qui s’emporte  avec une saine colère, contre  la bêtise de l’industrialisation à outrance  qui malmène l’homme , la démocratie et ses libertés fondamentales.Et pour un retour à une vraie spiritualité.  Ce qui n’était pas si courant à entendre à  son époque…
Et plus de soixante après, les phrases de ce visionnaire restent étonnantes, surtout après les derniers soubresauts politiques et la catastrophe de Fukushima: « L’erreur commune est de se dire, à chaque nouvelle restriction : « Après tout, ce n’est qu’une liberté qu’on me demande; lorsqu’on se permettra d’exiger ma liberté tout entière, je protesterai avec indignation !  » Le mécanisme du système en impose à vos nerfs, à votre imagination comme si son développement inexorable devait tôt ou tard vous contraindre à livrer ce que vous ne lui donnez pas de plein gré. Tous les régimes au cours de l’histoire ont tenté de former un type d’hommes accordé à leur système, et présentant par conséquent la plus grande uniformité possible.  Le droit de penser devenu inutile – puisqu’il paraitra ridicule de ne pas penser comme tout le monde -  amener chacun à troquer ses libertés supérieures contre la simple garantie des libertés inférieures. » Si cette civilisation réduite à une espèce de représentation schématique de l’homme telle quelle figure dans les calculs des techniciens, était précisément trop simplifiée pour l’homme réel ?  Hein? Si la chaloupe se révélait à l’usage  incapable de supporter le poids de l’équipage ? Si les contradictions de l’homme, c’était l’homme même?
La mise en scène  comme la scénographie  de Jacques Allaire ne sont pas toujours convaincantes et l’on ne voit pas toujours  où il veut nous emmener. pourquoi, entre autres, cet éclairage avec deux lampes de poche pendant presque un quart d’ heure? Pourquoi cette centaine de  chaises entassées  sur la scène qu’il remet en ordre à la fin avec son complice Jean-Pierre  Baro? Pourquoi ces costumes vaguement 18 ème siècle, et ces maquillages sur le corps?
Il faudrait sans doute dans une seconde étape de travail rendre plus lisibles ces propositions.  Mais cela n’empêche pas de bien entendre les magnifique colères de Bernanos contre cette civilisation moderne qu’il considérait comme une conspiration universelle qui empêche  toute espèce de vie intérieure. Ce qui, après tout, dans  ce genre de théâtre sans véritable dialogue, reste l’essentiel. Et le public, jeunes comme  moins jeunes,  écoutait avec une grande  attention ces textes de grande allure  bien servis par Jacques Allaire et Jean-Pierre Baro.
Philippe du Vignal

Spectacle co-produit avec la Scène nationale de Sète, vu à Sortie Ouest le 16 mars ; en tournée,  au Périscope de Nîmes le 31 mars et le 1 er avril: au Théâtre de la mauvais Tête à Marvejols le 6 avril et au Théâtre de l’Archipel de Perpignan le 8 avril.

La liberté, pour quoi faire ? est disponible aux éditions Gallimard  et  La France contre les robots  aux éditions Castor Astral.

Le Misanthrope

Le Misanthrope de Molière, mise en scène de Serge Lipszyc.

   m5.jpg  Serge Lypszyc avait déjà monté la célèbre pièce il y a quelques années, et la reprend pour longtemps. De cette pièce largement autobiographique,le metteur en scène dit que  “Le mal-être généralisé de ces hommes et de ces femmes rend la pièce  violente, sourde et drôle et ce n’est pas un paradoxe car l’humour est omni-présent et permet la survie dans une époque policée où le “ paraître” régente les rapports humains”.
Soit, cette analyse en vaut d’autres: la maison de Célimène est en fait une sorte de mini-cour à l’image de celle du grand Louis XIV, dont on peut voir,  en fond de scène,le détail agrandi d’un tableau qui le montre tenant  une lettre. Histoire de rappeler au public qui pourrait l’ignorer que la pièce se passe sous le règne de Louis XIV. Ce qui n’est pas évident par ces temps où le Sarkozy se moque allègrement de La Princesse de Clèves...

 Le salon de Célimène c’est donc cette grande toile peinte, deux  sièges de velours rouge, un canapé (aux pieds Louis XVI!) reproduisant très mal le fameux canapé Mae West sofa de Salvadore Dali qu’il dessina d’après les lèvres de l’actrice dans les années 30.
Il y a aussi  deux miroirs montés sur pieds, et des lustres en fil de fer noir avec des petites bougies de chauffe-plat. C’est laid? Oui , c’est laid, moins toutefois que les costumes des hommes faits d’un invraisemblable mélange de pourpoints, avatars d’avatars de ceux du 17 ème siècle, de chemises/ cravate, et de pantalons et chaussures contemporaines. Les comédiennes sont un peu mieux loties mais guère…

  Quant au texte qui reste exemplaire de cette  langue magnifique qui est encore-mis à part une vingtaine de termes- largement la nôtre, il est, faute d’une véritable direction d’acteurs, le plus souvent mal dit. Personne n’est obligé de faire jouer une pièce écrite en alexandrins mais si on le fait , autant le faire bien. Quand on voit le soin extrême qu’a Brigitte Jaques quand elle s’empare d’un texte de Corneille, la façon qu’elle a de de rendre la moindre nuance de sentiment, la petite inflexion de voix  qui donnera tout son sens et toute sa musicalité aussi aux répliques des personnages!
Là, on est assez loin du compte; seule Nadine Darmon en Arsinoé sait ce que sont des  alexandrins et les dit magnifiquement, et les deux petits marquis Acaste et Clitandre ( Julien Léonelli et Sylvain Méallet) sont eux aussi impeccables, et ils donnent un souffle de jeunesse à une mise en scène qui en a bien besoin..

  Pour le reste de la distribution, cela dépend des moments… On veut bien admettre qu’Alceste ait quelque cinquante ans… encore que l’on comprenne mal, à cet âge-là, ses emportements et ses colères mémorables et , sauf le respect qu’on lui doit, cette Célimène, même très jolie, n’a rien d’une jeune femme d’une vingtaine d’années.Comme de plus, on fait  jouer  Valérie Durin  joue de façon assez stéréotypée, le compte n’y est pas, alors que c’est le personnage pivot de la pièce!
   Ce manque de clarté dans la diction, le côté peu crédible de  la plupart  des personnages, et un   rythme un peu poussif finissent par plomber le spectacle, et c’est vraiment dommage. pour une pièce de cette qualité!  Même la fameuse scène des portraits de la fin, où Célimène est prise au piège de  sa duplicité, est assez terne, alors que c’est le moment le plus flamboyant de la pièce. Bref, la mise en scène a quelque chose de  peu vivant et de figé. Le public plonge petit à petit dans une sorte de torpeur, et les jeunes personnes près de moi tombaient de sommeil…
   Le spectacle est-il encore susceptible d’améliorations? Visuellement non, formes et   couleurs du décor comme des costumes, et lumières  sont vraiment trop laids; sur le plan scénique, si Lypszyc voulait bien resserrer les boulons , c’est à dire faire vraiment travailler ses comédiens pour qu’ils disent enfin les vers comme ils doivent être dits, et pas dans ce médiocre à-peu-près, sa mise en scène y gagnerait déjà. Cela dit, on se demande comment il avait pu réaliser un remarquable Désiré de Sacha Guitry,  et deux ans après, nous offrir un Misanthrope aussi approximatif. 
  Alors à voir?  Très franchement, non. Et, même si le cœur vous en disait, n’y emmenez pas vos adolescents, et leurs copains, cousins, etc… ils vous ne le pardonneraient pas et risqueraient de donner raison à notre très aimé Président de la République…   Nous avons un Molière qui reste, quatre siècles après un auteur exceptionnel à la langue admirable mais le mettre en scène est un acte qui demande , et  une direction d’acteurs,  et une mise en scène d’une exigence absolue.Ce qui n’est pas le cas ici.

 

Philippe du Vignal

 

 Théâtre du Ranelagh  jusqu’au 21 mai.

 

                                     

 

 

L’HOMME JASMIN

L’HOMME JASMIN de Unica Zürn, mise en scène de  Magali Montoya.

 

Comme Emma Santos, dont Claude Régy, dans les années 1970, avait mis en scène les textes si » lucides » sur sa « folie », Unica Zürn a traversé le miroir de la raison, a osé dire et faire, a choisi la marge, ne s’est pas laissée apprivoiser, a décidé du moment de sa mort.
Dans sa vie, des hommes, de grands artistes surréalistes, des amitiés -Man Ray, Mandiargues Michaux- des amours, Hans Bellmer surtout, avec qui elle vivra à Paris, qui l’initiera au dessin et qui l’accompagnera dans ses va et vient entre la vie dans le monde et la vie à l’hôpital psychiatrique. Unica Zürn acceptait ses crises comme autant de portes ouvertes sur un autre monde et répondait au chaos extérieur par un chaos intérieur qu’elle analysait. Ecrivain, dessinatrice, femme de génie captive de ses propres démons, elle a écrit deux textes phares: « L’Homme jasmin » et » Sombre printemps« .
lhommejasmin.jpg  « L’Homme jasmin » sous-titré  » Impressions d’une malade mentale », récit écrit à la troisième personne, qui mêle vie et imaginaire, est un texte sur lequel plane l’ombre de l’homme en blanc, blanc/jasmin, l’homme de ses noces de jeunesse, peut-être celui qui l’a précipitée dans le monde de l’ombre. Elle y raconte son voyage entre conscience et inconscience.
Magali Montoya porte ce projet depuis plusieurs années avec une certitude: qu’il ne soit pas  un monologue de théâtre. Elle veut nous faire entendre les multiples voix qu’abrite cette femme hors-normes. Elles sont donc cinq comédiennes, cinq femmes surtout, différentes par la voix et par le corps. Autour d’Ulla Baugué, la plus âgée, assise, Anne Alvaro, Marilu Bisciglia, Ariane Gardel et Magali Montoya se partagent la parole de celle  qui se regarde se perdre,  et arpentent l’espace de la mémoire. Sur le plateau, un espace lumineux, un grand carré de sable blanc, et des corps en liberté dans cet espace, des trajectoires, des rencontres; l’une qui prend la parole, nous retient puis nous lâche, nous passe à une autre et nous rattrape un peu plus tard, des figures dont les différences renouvellent notre attention. Spectateurs de ce jeu entre réalité et imaginaire, nous sommes embarqués dans ce voyage au pays de la marge et du génie.
Un grand moment de trouble et de fascination.

 

Françoise du Chaxel.
L’Echangeur, à Bagnolet, du 18 au 28 Mars .
01 43 62 71 20.

Une visite inopportune

Une visite inopportune, de Copi, mise en scène Philippe Calvario

unevisiteinopportune2photopascaldeboffe.jpgQu’est-ce qui peut bien réunir une diva sur le retour qui ne s’exprime qu’en chantant en italien, un chirurgien amateur de belle chair et savant fou, un journaliste qui ne pose pas de questions, une ex vedette du théâtre (homosexuel notoire), son fidèle ami, aristocrate désœuvré amoureux de lui et une infirmière écervelée et bonne vivante ?
Copi, bien sûr ! Et plus précisément, Copi avec sa pièce quasi -autobiographique Une visite inopportune. L’auteur argentin raconte en effet sa propre histoire en mettant en scène les dernières heures d’un homme atteint de la maladie du siècle, le sida, dans sa chambre d’hôpital. Évidemment, avec Copi, nous ne sommes pas dans le registre du pathos ou du tire-larmes. La mort et le morbide seront évoqués de manière jubilatoire : «Vous avez de la chance d’avoir le sida, je suis jaloux de vous », dira Hubert.
Comme à l’accoutumée, sens du baroque oblige, les moments grotesques alternent avec ceux plus graves, la tromperie et la superficialité le disputent à la profondeur et au lyrisme, la trivialité à la beauté, l’opéra au boulevard, le jeu à la triste réalité… Pour fêter avec lui l’anniversaire de son sida, les amis de Cyrille viennent donc lui rendre visite à l’hôpital et vivre avec lui, quand tout le monde l’ignore encore, ses derniers instants.
Et les aventures commencent. Bien sûr, il sera question de nourriture, de sexe, de séduction, de drogue, d’alcool, de vieux souvenirs, mais aussi de théâtre et de rapports humains. La proposition de Philippe Calvario est des plus réussies. Le metteur en scène a su s’entourer d’une équipe d’excellents comédiens (Michel Fau et Marianne James qui n’ont plus leurs preuves à faire, Sissi Duparc et Éric Guého qui confirment tout le bien que l’on pensait d’eux, et les bonnes recrues du Jeune Théâtre National:Lionel Lingelser et Louis Arène). Et l’on salue les idées de mises en scène ingénieuses (les ombres chinoises, les chorégraphies…). On va de gags en surprises et imprévus. Quant aux costumes, ils servent à merveille l’excentricité et le mauvais goût chers à Copi. Signalons également la bande-son des plus exceptionnelles et improbables ! Si vous vous sentez déprimé, ou si vous avez simplement de rire un bon coup, allez donc voir cette pièce divertissante et drôle mais fine et intelligente.
C’est un excellent contrepoint à la morosité ambiante.

Barbara Petit

Au théâtre de l’Athénée jusqu’au 9 avril. www.athenee-theatre.com

 

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