Les Cerises au Kirsch de Laurence Sendrowicz, mise en scène de Nafi Salah.
Une fois entré dans ce tout petit lieu magique qu’est le Théâtre de la Vieille Grille, le spectateur est accueilli par Laurence Sendrowicz, traductrice de l’œuvre d’Hanokh Levin qu’elle contribua à faire connaître en France. Elle distribue des cerises au kirsch enrobées de chocolat, puis monte sur scène pour incarner tous les personnages de l’histoire : Léon, qui a dix ans en 1942, devenu grand-père en 2009, ou encore Mickaël, son petit-fils de dix-sept ans qui découvre comme nous son histoire.
Léon est un enfant juif, qui perd ses parents durant la seconde guerre mondiale et qui doit se cacher chez une dame à Bruxelles avec son petit frère. Privé de ses parents, il est obligé de grandir très vite, et s’occuper de lui, et de se débrouiller en temps de guerre.
Comme le dit la phrase du Léon actuel qui ouvre le spectacle: « En 1942, personne n’aurait misé un sou sur le fait que je devienne grand-père un jour ». Le texte qui fait la part belle aux allers et retours entre le présent et ce passé douloureux montre la tentative du vieil homme, symbole de toute une génération déchirée par la guerre, qui ,de façon humble et sincère, tente de comprendre son propre parcours et de le transmettre à son petit-fils. Ces cerises au kirsch représentent un souvenir pour lui qui avait pour habitude de les savourer avec son père.
C’est de façon simple que le metteur en scène Nafi Salah dirige son actrice. Sur le plateau, elle apporte un banc désigné « grand-père » et ses escarpins à talons rouges posés dans un coin symbolisent une mère qui reste muette.Laurence Sendrowicz,en fait, n’incarne pas vraiment les personnages avec des changements nets de voix, d’expression ou de posture, mais prend bien en charge le récit avec des codes clairs de costume. Ses bretelles désignent un personnage, puis elle en enlève une, voire les deux pour montrer qu’elle en incarne un autre. Cette gestion du récit fonctionne, mais reste un peu monotone dans la mesure où les différents personnages restent sur le même plan.
Mais il aurait fallu aller encore plus loin dans le théâtre-récit en créant la figure d’un conteur ou d’un narrateur, qu’on distinguerait des personnages. Dans cette histoire où les voix s’entremêlent, l’actrice trouve le temps de créer de jolies images, notamment la course folle des deux frères à la fin de la guerre, qui s’évadent du « château », (probablement une maison d’enfants) où ils ont trouvé refuge, pour une escapade à Paris voir les feux d’artifice du 14 juillet.
Sur le chemin, Léon est émerveillé par les bouquinistes de la Seine et, chose rare pour lui, leurs étalages de livres. Il s’arrête devant chacun d’entre eux à la recherche de Jean Barois de Roger Martin du Gard, ce livre représentatif d’une jeunesse en mutation, entre religion et vérité scientifique, qui décrit le parcours d’un homme . Celui de Léon cristallise celui d’une génération marquée par la Shoah, comme l’indique le sous-titre du spectacle : Itinéraire d’un enfant sans ombre .
Davi Juca
Théâtre de la Vieille Grille, jusqu’au 20 mars, du mercredi au samedi à 21 heures, le dimanche à 17h30