La Grande Clameur
La Grande Clameur , création pour comédiens, marionnettes et théâtre d’objets de Jean-Louis Heckel.
Avec ce spectacle, Jean-Louis Heckel évoque la vie de François Colonge. Cet ouvrier et représentant syndical à la manufacture de tabac de Pantin a vu sa vie bouleversée quand son usine a fermé. C’ était l’une des plus grandes de la ville au début du XX ème siècle, quand elle y produisait le fameux paquet de cigarettes: « gauloise rouge ».
Mais la concurrence était là et l’Etat décida en 78 d’interrompre les production après 19 mois d’occupation par une dizaine d’ouvriers. Les gouvernements de droite comme de gauche avaient contribué à la fermeture de la « Pantinoise » , comme les habitants la nommaient. Dans leur mémoire et celle de Jean-Louis Heckel, dont la compagnie La Nef est installée aujourd’hui à Pantin, cet échec incarne la toute puissance de l’économie de marché et destructrice d’emplois , qui n’a fait que se confirmer depuis, et qui s’insinue dans le quotidien de l’être humain… C’est le thème de La Grande Clameur.
La marionnette de François Colonge évolue dans une maison de poupée hyper-réaliste, et installée sur un ingénieux manège/ castelet, qui reçoit aussi des projections photo et vidéo qui nous plonge dans l’actualité du passé. Un musicien et bruiteur a créé une intelligente illustration sonore. La manipulation de la marionnette par deux comédiens, se fait à vue; pour François Collonge, c’est une poupée articulée, et pour son unique compagnon, un mainate bavard, symbole de la mauvaise conscience politique de Collonge, c’est une marionnette à gaine.
Mais la cohérence entre les deux modes de manipulation n’est pas toujours facile à trouver. Le personnage de François Colonge pourrait être encore plus vivant, quand nous assistons à cette journée de 1992 où l’usine fut dynamitée. Jour précis où cet ouvrier a rendez-vous avec l’histoire, jour funeste où il décide de ne pas se rendre à l’ultime manifestation de soutien avec ses camarades.
Les scènes alternent entre les souvenirs d’une vie de militant et les déambulations poétiques de ce héros malgré lui. Et, c’est à ces instants de poésie nostalgique, que le jeu est le plus juste. « Il n’y a pas de fin à cette histoire, il faut juste ne pas l’oublier pour pouvoir la réécrire et la réinventer »: la phrase finale du spectacle traduit bien la nostalgie et les questionnements sur notre avenir; Jean Louis Heckel , comme beaucoup d’artistes, n’arrive pas à se résoudre à la chute inexorable des belles utopies sociales…
Jean Couturier
Au Giboulées de la marionnette Théâtre Jeune Public de Strasbourg le 25 et 26 mars