La Nuit des rois
La Nuit des rois de William Shakespeare, adaptation et mise en scène de Jean-Michel Rabeux.
Une tempête provoque le naufrage d’un bateau qui vient de Messine ; Viola et son frère jumeau Sébastien se retrouvent donc tous les deux en en Illyrie, mais dans des endroits différents. Orsino, duc d’Illyrie, est triste, parce qu’Olivia endeuillée par la disparition de son frère , ne s’intéresse guère à lui. Viola , elle, va se déguiser en homme ( à gauche sur la photo) et prendre le nom de Césario ;elle se présente à la Cour du duc d’orsino dont elle deviendra le page et qu’elle va aimer en secret. Quant à Olivia , à qui elle porte les messages d’Orsino , elle la prend évidemment pour un homme et tombe amoureuse d’elle.
Mais il ya un autre quiproquo quand arrive Sébastian qui ressemble beaucoup à Cesario/Viola, ce qui trompe Olivia . Dénouement : les deux jumeaux apparaissent ensemble. « Cesario « révèle qui elle est c’est à dire Viola; elle épousera le duc Orsino et Olivia épousera Sébastian .Vous suivez toujours?
Naufrage, jeu de doubles, effets d’inversion pour l’histoire principale mais il y a aussi une intrigue secondaire avec avec des personnages hauts en couleur comme le cousin d’Olivia, Sir Toby Belch et son ami Sir Andrew, sa femme de chambre Maria, Feste le blouffon, et l’intendant Malvolio à qui on fait croire par une fausse lettre qu’Olivia est amoureuse de lui… Jean-Michel Rabeux qui avait déjà monté Le Songe, devait porter en lui depuis longtemps cette Nuit des Rois et s’est visiblement réjoui à la mettre en scène: « Parfois, dit-il, j’ai envie de rencontrer le plus large public possible. J’ai envie de faire souffler l’esprit de fantaisie que doit recéler tout théâtre sur la multitude de nos spectateurs adorés, mais en les plongeant à cœur joie dans leurs perplexités et leurs passions, en « les harponnant à l’hameçon de l’amour » comme dit Shakespeare. Qui mieux que lui, a su réunir ces extrêmes : un théâtre profond, novateur, perturbateur, mais pour tous les âges, toutes les classes, tout le monde ».
Sur la scène nue, sans rideaux noirs, quelques rampes lumineuses verticales et au milieu, un grand praticable avec une série de 36 portraits peints, des tronches patibulaires: pour la plupart, des hommes, six femmes et trois têtes de mort, très inspirés de James Ensor. Ce praticable est monté sur roulettes mais on en verra plus souvent l’autre côté de tôle rouge pas très réussi mais bon…; il y aussi deux autres praticables, l’un mobile pour le jeu , et l’autre fixe en gradins où les personnages s’assoient quand ils ne jouent pas et où officie le musicien accompagné parfois par quelques comédiens. C’est tout. « La Nuit des rois, est d’abord une comédie des amours. Une comédie de la mélancolie. Ce qui ne l’empêchera pas d’être loufoque, explosive, musicale, joyeuse, hilarante, et, donc, étrangement, mais profondément, mélancolique. dit aussi Jean-Michel Rabeux qui ajoute: » Parfois, j’ai envie de rencontrer le plus large public possible(…) en « les harponnant à l’hameçon de l’amour » comme dit Shakespeare ».
Pour la mélancolie, c’est une carte que Rabeux a un peu oublié et il a adapté, à sa façon que l’on pourra qualifier d’iconoclaste si l’on est puritain, cette pièce compliquée; ainsi revue et corrigée, elle contient aussi des allusions sexuelles qui ne figurent pas dans le texte original mais qu’importe; la plus merveilleuse fantaisie règne ici et la pièce tient aussi souvent de numéros de clowns où la musique jouée sur scène a un rôle important, la musique qui, comme chacun sait, tient une grande place dans le théâtre de Shakespeare ( la réplique du duc d’ Orsino qui ouvre La Nuit des Rois le confirme « : Si la musique nourrit l’amour, joue encore et donne m’en à l’excès »). C’est ici des mélodies d’Elvis Presley, Janis Joplin en passant par Ray Charles…
Les costumes et les maquillages sont aussi clownesques mais , pour éviter que le public ne s’embrouille, chaque personnage porte un costume unicolore, ce qui est vraiment d’une belle intelligence scénique, et qui dénote un grand respect du public.
Le spectacle est fondé sur une interprétation vocale et gestuelle de premier ordre, et les comédiens, qui semblent vraiment heureux sur scène, doivent être tous cités: Hubertus Biermann, Patrice Botella, Bénédicte Cerutti, Corinne Cicolari, Claude Degliame, Georges Edmont, Sébastien Martel, Géraldine Martineau, Gilles Ostrovsky, Vimala Pons, Christophe Sauger, Eram Sobhani. Et leurs personnages avec les merveilleux costumes de Pierre-André Weltz sont tout à fait crédibles…
Les dieux savent combien nous avons pu voir de Nuit des rois, et pas toujours des plus réussies, mais celle-ci est exceptionnelle de fraîcheur et d’intelligence, et garde jusqu’au bout une belle unité de jeu et un rythme excellent. Ce qui n’est pas si facile avec une œuvre aussi complexe qui dure ici quand même deux heures quarante cinq sans entracte …
Encore une fois , on peut faire la fine bouche mais Jean-Michel Rabeux, même quand il ne fait pas dans la dentelle, n’est jamais vulgaire et sa mise en scène n’a rien de racoleur et traduit au mieux l’aspect aussi bien délicat que farcesque de La Nuit des Rois.
Le soir où nous y étions, la salle bourrée de lycéens, a gardé une attention assez rare, tout en riant de bon cœur, jusqu’à la fin où il y eut- si, si c’est vrai- une immense ovation debout! Comme dirait notre consœur et néanmoins amie Christine Friedel, c’est un indice quant à la qualité d’un spectacle qui ne trompe jamais. C’est rassurant de voir que le théâtre peut encore faire naître de telles soirées. Et sans vidéo!
D’accord, il faut aller à Bobigny, et cela nous demande une heure de trajet mais sans aucun regret…Et le spectacle sera aussi visible en tournée… Allez Carla, un geste humanitaire, emmenez votre président de mari, cela lui ferra oublier les affres de la future campagne électorale!
En tout cas, vous tous, lecteurs et amis du Théâtre du Blog, ne le ratez pas.
Philippe du Vignal
Le spectacle a été créé le 11 janvier 2011 à La Rose des vents – scène nationale Lille Métropole – Villeneuve d’Ascq et se joue jusqu’au 3 avril 2011 à la MC93 – Bobigny, Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis Les lundis, vendredis et samedis à 20h30 Les mardis à 19h3 Les dimanches à 15h30 Informations et réservations : 01 41 60 72 72
www.mc93.com
Du 11 au 15 janvier 2011 à La rose des vents – Scène nationale de Villeneuve d’Ascq / Lille Métropole
Informations et réservations : 03 20 61 96 96
www.larose.fr Du 19 au 21 janvier 2011 au Maillon – Théâtre de Strasbourg / Scène européenne
Informations et réservations : 03 88 27 61 71www.le-maillon.com Du 25 au 27 janvier 2011 au TAP – Scène nationale de Poitiers
Informations et réservations : 05 49 39 29 29www.tap-poitiers.com Les 1er et 2 février 2011 au Théâtre Brétigny – Scène conventionnée du Val d’Orge
Informations et réservations : 01 60 85 20 85
www.theatre-bretigny.fr Les 8 et 9 février 2011 au Bateau Feu – Scène nationale de Dunkerque
Informations et réservations : 03 28 51 40 40
www.lebateaufeu.com