Gérard Conio: deux nouveaux livres
Gérard Conio, professeur émérite de l’Université de Nancy, est co-directeur de la collection des Classiques slaves aux éditons de L’Age d’Homme. Il a longtemps vécu en Pologne et en Russie, pays dont il a traduit et contribué à faire connaître de nombreux écrivains et artistes… Il collabore au Théâtre du Blog.
« Ces livres, dit Gérard Conio, ont été conçus comme un triptyque qui retrace les trois grandes étapes du constructivisme russe, dans un mouvement de dépassement permanent. Après l’adieu à la peinture, proclamé en 1921, dans l’exposition dite du « dernier tableau « , les artistes qui avaient adhéré à ce courant ont cherché à surmonter « le mur aveugle et nu « de la forme pure pour retrouver le sens de l’art dans « la construction de la vie « .
Mais on ne saurait comprendre cette évolution sans la replacer dans son contexte historique. J’ai donc intégré des textes théoriques de Taraboukine, Axionov et Eisenstein, dans un récit qui les met en situation. Quand la peinture sort du tableau pour féconder la scène, quand le théâtre sort de la scène pour reprendre vie sur l’écran, un même processus de métamorphose aspire à fondre chaque mode d’expression dans »une synthèse des arts » qui se nourrit de transfusions successives d’un même principe créateur.
La peinture renaît alors dans un théâtre d’essence plastique qui se dépassera à son tour dans la « dramaturgie de la forme cinématographique « . J’ai voulu porter sur cette époque un regard rétrospectif à partir des problèmes qui se posent plus que jamais aux artistes soucieux de vérité. »
Sont donc publiés en annexe ses entretiens avec Marc Konik, peintre et designer, qui a dirigé pendant les trente dernières années de l’Union soviétique un groupe de recherche dont les travaux sur la reconstruction du milieu urbain s’inscrivaient dans la droite ligne de cet » art de gauche » dont le projet est « toujours vivant, puisque toujours inachevé ».
Quant à son autre livre, Kazimir Malévitch, Le Suprématisme, on sait que le peintre, dessinateur et écrivain russe (1878-1935), fut le chef de file de ce courant .Son célébrissime Carré blanc sur fond blanc (1919) constitue l’un des moments clés de l’histoire de l’art du XXe siècle. Malévitch a aussi développé la théorie de son art et en cela , il est aussi essentiel.
Et Le monde sans-objet, écrit au début des années 1920, a connu un destin difficile; la première édition complète, mais en allemand, est de 1962. Mais et celle également complète, en russe ,n’a lieu qu’au début des années 2000! En français, des extraits de la seconde partie ont été publiés en 1995 puis en 2002. Ce que l’Age d’Homme édite aujourd’hui est en fait la première traduction complète de l’ouvrage. Mais c’est un livre touffu. Et , plutôt que de mettre sur pied un appareil de notes qui le rendrait difficilement lisible, Gérard Conio l’a fait précéder d’une introduction substantielle, où il présente l’oeuvre et la pensée de Malévitch, qu’il met en situation dans l’histoire tragique de la Russie des années 1920.
Philippe du Vignal
Dépassements constructivistes. Taraboukine-Axionov-Eisenstein, Lausanne, L’Age d’Homme, Slavica , 2011. 400 pages. 33 euros.
Kazimir Malévitch, Le suprématisme. Le monde sans-objet ou le repos éternel, traduit du russe et présenté par Gérard Conio, Gollion, In Folio, 2011. 496 pages. 29 euros.Le 6 avril (18h-20h), les éditions de l’Age d’homme fêteront la parution de ces deux nouveaux livres dans le cadre des mercredis de la rue Férou , Librairie L’Age d’Homme, 5 rue Férou, 7500 Paris
Les Estivants de Gorki, mise en scène d’Eric Lacascade.
Signalons que ce très bon spectacle joué l’an dernier au Théâtre des Gémeaux à Sceaux ( voir l’article de Barbara Petit du 10 mars 2010) est repris au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines, les 17, 18 et 19 mars.
Ph. du V.