La nuit de l’ours
La nuit de l’ours, d’Ignacio del Moral, mise en scène d’Agathe Alexis
Trois adolescents un peu perdus, une nuit dans un parc de Madrid, une nuit un peu plus violente, plus effrayante qu’une autre. Provocations, surenchère, combats de louveteaux : les garçons testent leur jeune virilité sur fond de catastrophe familiale – frère fou et violent, pour l’un, mère droguée du jeune « privilégié », père incestueux du troisième… -.
Un « bourge », et deux gars des cités dans les débris du franquisme : pour autant, Ignacio del Moral ne parle pas spécialement de l’Espagne, mais dessine plutôt le portrait type de la jeunesse européenne, du malaise des garçons qui rejettent radicalement le modèle paternel, même absent, sans la moindre vision de secours.
Ils font peur, ils ont peur. Dérisoire réconfort : ils trouvent un ours en peluche dans une poubelle. Ce trésor de l’enfance va les sauver une peu et les aider à entrer dans le monde des grands, après l’épreuve dérisoire d’un hold-up minable dont Angel sort blessé. Mourir pour renaître… L’auteur leur accorde dans l’épilogue qui clôt cette « nuit particulière » un fragile retour au jour.
Les trois garçons: Jonathan Salmon, Vincent Escure et Olivier Pilloni, sont formidables d’énergie et de précision. Ils dansent leur texte, leurs bagarres, ils dansent la ville, la font naître sous nos yeux, dans la scénographie impeccable, simple et efficace -et belle-, de Christian Boulicaut. L’osmose entre la mise en scène d’Agathe Alexis et le travail chorégraphique de Claire Richard est parfaite.Un très bon spectacle…
Dont on va quand même contester deux choses : le caractère d’épure de la pièce, qui a les défauts de ses qualités, ce qui la fait pencher vers la généralité, et le jeu parfois surexcité d’Olivier Pilloni – un futur Louis de Funès ? C’est tout le mal qu’on lui souhaite -.
Voilà : un théâtre « urbain », brutal, une énergie à la limite du « trop », de l’émotion, le tout dans une réalisation impeccable.
Christine Friedel
Théâtre de l’Atalante jusqu’au 31 mars – 01 46 06 11 90
Le texte de la pièce et publié aux éditions de l’Amandier.