Etty
Etty d’après les écrits d’Etty Hillesum , création théâtrale et mise en scène d’Antoine Colnot de Staël.
Ester ( Etty) Elsumi était née 1914 aux Pays-Bas et décédée le 30 novembre 1943 à Auschwitz en Pologne; elle a tenu un journal intime (1941-1942) et écrit des lettres (1942-1943) depuis le camp de transit de Westerbork qui témoigne d’une grande recherche spirituelle et d’une foi en l’homme, envers et contre tout, malgré ce qu’elle a eu à subir depuis la remise en question des droits des Juifs aux Pays-Bas, puis les persécutions, et enfin la mort au camp d’Auschwitz.
Elle se refuse toujours à céder à la tentation de la violence et cherche à trouver une voie vers la sagesse » Pour humilier, il faut être deux. Celui qui humilie et celui qu’on veut humilier, mais surtout, celui qui veut bien se laisser humilier », écrivait-elle. Et son Journal comme sa Correspondance sont pleins de ces phrases à l’intelligence aiguisée .
Antoine Colnot de Staël avait déjà monté à à Créteil une première version de ce spectacle ( voir Le Théâtre du Blog de mars 2010), dont la rigueur , la densité et le jeu dans l’espace avaient quelque chose de tout à fait prometteur; mais la deuxième version sur le petit plateau de la Comédie-Nation a quelque mal à s’imposer. Le travail sur le texte est aussi rigoureux qu’il l’était à Créteil et dans Les Justes de Camus qu’il avait montée précédemment. Les trois comédiennes: Audrey Boulanger, Anne Jeanvoine et Valérie Maryane ont une belle présence…mais il faut plus d’une demi-heure pour que l’émotion commence enfin à surgir.
Antoine Colnot de Staël les fait monologuer, dire ou chanter en solo ou en chœur, avec une grande précision et aux tout moments de la dernière partie, on sent enfin le parcours qu’Etty a dû accomplir pour se réconcilier avec l’univers qui l’a fait naître. Mais il n’est pas du tout certain ,comme de Staël le dit, que la matière offerte par la parole et la pensée d’Etty soit le support d’une forme théâtrale qui utilise au mieux le corps, du moins pas de cette façon-là. Sur un thème similaire, Grotowski, qui savait ce dont il parlait puisque l’ immense camp d’Auschwitz avait été installé dans son pays, avait autrefois mieux compris les choses.
Et les petits morceaux d’une chorégraphie aussi conventionnelle qu’inutile, ne correspondent en rien à l’hymne à la vie que de Staël voudrait voir surgir des textes d’Etty Elsumi, ce qui affaiblit singulièrement sa proposition… En effet, des épreuves subies et du dénuement vécu, par ces trois femmes , nous n’avons pas vu grand chose. Les comédiennes sont beaucoup plus à l’aise quand elle disent, avec un très beau phrasé, les paroles justes et sobres de l’auteur.
Restent quelques images fortes dont celles de la fin, quand les trois jeunes femmes nues, s’en vont, calmement sans un mot, vers leur pauvre destin. Alors à voir? Non pas vraiment: c’est encore une des formes théâtrale hybrides qui n’apportent pas grand chose à un texte qui mérite cependant d’être lu.
Antoine Vitez disait, sans doute avec quelque ironie pédagogique, que tout pouvait faire matière à théâtre… Sans doute, mais pas n’importe comment, et surtout pas sur une scène aussi peu adaptée!
Philippe du Vignal
Comédie-Nation 77 rue de Montreuil 75011, le vendredi et samedi, et dimanche à 19 heures.( Attention, c’est bien à 19 heures) jusqu’au 3 avril.