Othello
Othello de Skakespeare, traduction et adaptation de Marius von Mayenburg, mise en scène de Thomas Ostermeier
Après Le Songe d’une nuit d’été et Hamlet, Othello est le troisième travail shakespearien de Thomas Ostermeier ( 42 ans) , directeur et auteur d’une vingtaine de mises en scène à la Schaubühne de Berlin. Thomas Ostermeier est devenu un habitué des Gémeaux où il est notamment venu avec Nora et Hedda Gabler d’après Ibsen, Ibsen dont il avait aussi présenté Jean-Gabriel Borkmann à l’Odéon.
On connaît l’histoire racontée par Shakesperare: Othello, un noble maure,qui est chargé, à la tête de la marine vénitienne de défendre la République de Venise contre les attaques ottomanes, enlève puis épouse, contre l’avis de son père, la jeune et belle Desdémone qui est amoureuse de lui. Deux officiers se partagent l’amitié et la confiance d’Othello.
Mais Iago, est fourbe et dissimulateur; et Cassio, tout à fait honnête et loyal. Iago va le dénoncer tout d’abord à Brabantio, le père de Desdémone. Convoqué chez le Doge de Venise, Othello se défend avec succès . Victime d’une tempête, la flotte ottomane est coulée, et les Vénitiens, sains et saufs, accostent à Chypre. Othello, nomme alors Cassio comme second. Iago,très ambitieux, et qui convoitait cette place, en ressent une terrible humiliation, se sent exclu et décide de se venger. Il complote alors contre Cassio et tente de séduire Desdémone.
Comme elle refuse, il provoque, avec beaucoup d’habileté, la jalousie morbide d’Othello qui en devient presque paranoïaque, et Iago va alors le persuader que sa Desdémone est bien la maîtresse de Cassio. Grâce à une fausse preuve (un mouchoir perdu par Desdémone et placé chez Cassio) ,Othello finit par être convaincu et ira étouffer Desdémone dans son lit. Avant de comprendre qu’il a été floué et de se poignarder. Ce qu’il ne fait pas, dans l’adaptation de Marius von Mayenburg. Cassio prendra alors sa succession et Iago sera exécuté. La pièce de Shakespeare vaut surtout pour quelques unes de ses scènes devenues cultes.
Reste à savoir comment quatre siècles après sa création, Thomas Ostermeier, lui-même ancien élève de l’Ecole des Beau-Arts de Berlin et très attentif à la picturalité de ses mises en scène, a demandé à son scénographe Jean Pappelbaum un décor résolument contemporain. Soit un grand carré noir qui, dès l’entrée des personnages, se révèle être une pièce d’eau. Vision magnifique: c’est comme à un tableau que nous convient Jean Pappelbaum et Thomas Ostermeier. tous les comédiens sont là debout ou assis mais tous, les pieds dans l’eau, quelques fauteuils et chaises thermoformées en plastique gris où ceux qui ne jouent pas attendent poliment leur tour. Chose d’une rare nouveauté! Dans le fond, deux baies coulissantes et, côté cour, un praticable pour un petit orchestre ; saxo, orgue/clavier, trompette et batterie. Les personnages sont en costumes/ cravate et tenues d’officier pour les hommes, en robe ou mini-robe très collante argentée pour les femmes. L’on pense évidemment à Venise et les personnages barbottent beaucoup dans l’eau, quand ils ne s’y bagarrent pas ; l’eau, ensuite, se retirera presque entièrement,découvrant une plage, où les protagonistes seront plus au sec pour jouer; l’eau toujours , à la fin de ce long spectacle (2h 30 sans entracte), reviendra comme la marée montante.
C’est, dans la grande tradition de la Schaubühne et, malgré la barrière du langage sur-titré, un beau travail scénique, magnifiquement interprété; en particulier par Sébastien Nakajev (Othello), Stefan Stern ( Iago) et Tilman Strauss (Cassio). Tout est réglé au centimètre; le début est assez émouvant quand on voit Othello ( blanc et non noir) et Desdémone, enlacés complètement nus. Mais on se demande très vite où Thomas Ostermeier veut nous emmener , et ce que viennent faire ces effets vidéo non figuratifs en fond de scène, même signés de l’excellent Sébastien Dupouey et les airs africains et jazzy du petit orchestre.
Il y a un côté un peu sec et démonstratif , un poil prétentieux, dans cette mise en scène souvent agaçant du genre : » Vous allez voir moi comment je m’y prends, moi, Thomas Ostermeier , pour monter Othello, et croyez-moi, vous n’allez pas être déçu du voyage ». Mais désolés, nous n’avons pas vraiment ressenti une véritable émotion, comme pour Nora ou Hedda Gabler., et on a connu le metteur plus inspiré..
Même si, encore une fois, c’est, même un peu prétentieux, un travail théâtral fondé sur un jeu et une technique de tout premier ordre…Mais bon! A une mienne consœur , un peu interloquée par ces stéréotypes enfilés comme des perles, qui lui demandait, après le spectacle, quelques précisions sur ses intentions, Thomas Ostermeier répondit sèchement, peut-être pas : » Tout se trouve dans mon spectacle, il suffit de le regarder « . Sans commentaires…
Alors y aller ou pas? A vous de voir. Le spectacle est d’une grande beauté plastique, et visiblement influencé par le cinéma, mais qui traîne en longueur et qui n’est sans doute pas le meilleur de Thomas Ostermeier.
Le public a applaudi avec beaucoup de politesse les acteurs allemands qui le méritent mais n’ a pas manifesté un enthousiasme très délirant pour la mise en scène…
Philippe du Vignal
Spectacle créé à Epidaure en 2010. Théâtre de Sceaux-Les Gémeaux jusqu’au 25 mars, puis à Saint-Quentin-les Yvelines le 12 avril.