Words are watching you
Words are watching you, création collective , texte et mise en scène Julie Timmerman
Sous l’œil de Big Brother, on n’est pas seulement surveillé, on a la langue nouée. Novlangue : les choses sont leur nom, il suffit de trafiquer les mots pour changer le réel. Changer, non, mais masquer. Il n’y a plus de pauvres, on le sait, le mot est vieilli et inacceptable : il n’y a, au choix, que des marginaux qui ont choisi ce style de vie -faut-il dire clochards, vagabonds, mendiants, miséreux… (le lexique était riche, autrefois…), ou plus pudiquement SDF ?. En tout cas des gens dits modestes qui heureusement ont parfois l’orgueil de leur courage et de leur révolte, ou toute dénomination propre à éliminer ce qu’elle désigne.
L’idée, c’est, au Minimot (le Ministère des Mots) celle d’un bureau de la correction du langage où trois employés s’activent à ôter des dictionnaires et des livres les mots qui ne doivent plus avoir cours ou les sens dont ne veut plus… Un Big Brother caché (tout comme ces bébés voraces que sont les Marchés) derrière la modernité.
Le tout, sous l’aile d’une Big Mother rassurante: ne vous inquiétez pas de votre liberté, entre autres, on s’en occupe pour vous. S’il faut être de son temps à ce prix, quel temps perdu… À côté d’eux, une miss-télé, miss Bonheur, militante de la guimauve qui engluent et dans la censure par le sucre.
De beaux moments de saccage, un texte d’autant plus ironique qu’il emprunte directement ses énormités au langage politique du jour qui fournit plus que son compte… Un heureux retour au cabaret politique où la sévérité du questionnement n’interdit pas le rire. Mais le tout peut-être trop pressé, trop vite fait. Bref, on demanderait un peu plus de théâtre…
Christine Friedel
Confluences, du 3 au 20 mars, Paris (XX ème).