L’HOMME JASMIN
L’HOMME JASMIN de Unica Zürn, mise en scène de Magali Montoya.
Comme Emma Santos, dont Claude Régy, dans les années 1970, avait mis en scène les textes si » lucides » sur sa « folie », Unica Zürn a traversé le miroir de la raison, a osé dire et faire, a choisi la marge, ne s’est pas laissée apprivoiser, a décidé du moment de sa mort.
Dans sa vie, des hommes, de grands artistes surréalistes, des amitiés -Man Ray, Mandiargues Michaux- des amours, Hans Bellmer surtout, avec qui elle vivra à Paris, qui l’initiera au dessin et qui l’accompagnera dans ses va et vient entre la vie dans le monde et la vie à l’hôpital psychiatrique. Unica Zürn acceptait ses crises comme autant de portes ouvertes sur un autre monde et répondait au chaos extérieur par un chaos intérieur qu’elle analysait. Ecrivain, dessinatrice, femme de génie captive de ses propres démons, elle a écrit deux textes phares: « L’Homme jasmin » et » Sombre printemps« .
« L’Homme jasmin » sous-titré » Impressions d’une malade mentale », récit écrit à la troisième personne, qui mêle vie et imaginaire, est un texte sur lequel plane l’ombre de l’homme en blanc, blanc/jasmin, l’homme de ses noces de jeunesse, peut-être celui qui l’a précipitée dans le monde de l’ombre. Elle y raconte son voyage entre conscience et inconscience.
Magali Montoya porte ce projet depuis plusieurs années avec une certitude: qu’il ne soit pas un monologue de théâtre. Elle veut nous faire entendre les multiples voix qu’abrite cette femme hors-normes. Elles sont donc cinq comédiennes, cinq femmes surtout, différentes par la voix et par le corps. Autour d’Ulla Baugué, la plus âgée, assise, Anne Alvaro, Marilu Bisciglia, Ariane Gardel et Magali Montoya se partagent la parole de celle qui se regarde se perdre, et arpentent l’espace de la mémoire. Sur le plateau, un espace lumineux, un grand carré de sable blanc, et des corps en liberté dans cet espace, des trajectoires, des rencontres; l’une qui prend la parole, nous retient puis nous lâche, nous passe à une autre et nous rattrape un peu plus tard, des figures dont les différences renouvellent notre attention. Spectateurs de ce jeu entre réalité et imaginaire, nous sommes embarqués dans ce voyage au pays de la marge et du génie.
Un grand moment de trouble et de fascination.
Françoise du Chaxel.
L’Echangeur, à Bagnolet, du 18 au 28 Mars .
01 43 62 71 20.