La nuit de l’ours

La nuit de l’ours, d’Ignacio del Moral, mise en scène d’Agathe Alexis

 zc4lk92o.jpgTrois adolescents un peu perdus, une nuit dans un parc de Madrid, une nuit un peu plus violente, plus effrayante qu’une autre. Provocations, surenchère, combats de louveteaux : les garçons testent leur jeune virilité sur fond de catastrophe familiale – frère fou et violent, pour l’un, mère droguée du jeune « privilégié », père incestueux du troisième… -.
Un « bourge », et deux gars des cités dans les débris du franquisme : pour autant, Ignacio del Moral ne parle pas spécialement de l’Espagne, mais dessine plutôt le portrait type de la jeunesse européenne, du malaise des garçons qui rejettent radicalement le modèle paternel, même absent, sans la moindre vision de secours.
Ils font peur, ils ont peur. Dérisoire réconfort : ils trouvent un ours en peluche dans une poubelle. Ce trésor de l’enfance va les sauver une peu et les aider à entrer dans le monde des grands, après l’épreuve dérisoire d’un hold-up minable dont Angel sort blessé. Mourir pour renaître… L’auteur leur accorde dans l’épilogue qui clôt cette « nuit particulière » un fragile retour au jour.
Les trois garçons: Jonathan Salmon, Vincent Escure et Olivier Pilloni, sont formidables d’énergie et de précision. Ils dansent leur texte, leurs bagarres, ils dansent la ville, la font naître sous nos yeux, dans la scénographie impeccable, simple et efficace -et belle-, de Christian Boulicaut. L’osmose entre la mise en scène d’Agathe Alexis et le travail chorégraphique de Claire Richard est parfaite.Un très bon spectacle…
Dont on va quand même contester deux choses : le caractère d’épure de la pièce, qui a les défauts de ses qualités, ce qui la fait pencher vers la généralité, et le jeu parfois surexcité d’Olivier Pilloni – un futur Louis de Funès ? C’est tout le mal qu’on lui souhaite -.
Voilà : un théâtre « urbain », brutal, une énergie à la limite du « trop », de l’émotion, le tout dans une réalisation impeccable.

 Christine Friedel

Théâtre de l’Atalante jusqu’au 31 mars – 01 46 06 11 90

Le texte de la pièce et publié aux éditions de l’Amandier.


Archive pour mars, 2011

Long voyage du jour à la nuit

 Long voyage du jour à la nuit d’Eugène O’ Neill, traduction de Françoise Morvan, mise en scène de Célie Pauthe.

 0613413001299667509.jpgPrès de trente ans  (1913) après sa première pièce En route vers  Cardiff, Eugène O’Neill commence en 1939 ce Long Voyage, qu’il situe en 1912 , comme pour boucler un parcours, et  dont sa dernière pièce,  Une Lune pour les déshérités ,sera comme  une  sorte de prolongement  .
Il avait  cinquante ans et souffrait déjà de la maladie de Parkinson dont il devait mourir en 53.. C’est  sans doute la pièce où Eugène O ‘Neill se raconte le plus, dans une sorte d’autobiographie douloureuse où l’on retrouve sa famille: un père qui fut un acteur qui ne fit guère d’efforts pour jouer un autre rôle que celui du Comte de Monte-Cristo qui l’avait fait connaître et qui sombra dans l’alcoolisme  comme  le frère d’Eugène; sa mère, elle se droguait à la morphine  pour échapper  à un mal-être permanent.
Le théâtre d’O'Neill n’est en fait connu en France que par quelques pièces, et nous n’avons vu, pour notre part que les plus importantes  Le Désir sous les ormes que monta brillamment Langhoff, Le marchand de glaces est passé, Le deuil sied à Electre, Vingt sept remorque pleines  de coton,  et  La Lune pour les déshérités mais Alain Ollivier, disparu il y a un an déjà,  a bien fait de recommander à Célie Pauthe ce Long voyage du jour à la nuit, pièce peu  jouée ( en 2010 quand même à Alençon!) ;  créée à Stockholm trois ans après  la mort d’O'Neill, contre ses volonté testamentaires,  elle est  longue-presque quatre heures- et pas si facile à monter.
Quatre personnages seulement et quelques répliques de la  femme de chambre: le père, Tyrone, « soixante cinq ans  mais on lui en donne dix de moins » , vieil acteur pas très intéressant, vivant plus dans ses souvenirs de vieux cabot qui n’a jamais eu la volonté de préparer de grands rôles, et toujours le verre de whisky à la main, d’une avarice maladive et incapable de générosité, Jamie le fils aîné qu’il a plus ou moins obligé à  devenir acteur,  qui gagne très mal sa vie, et donc toujours sans le sou, et son  jeune frère Edmund, maigre et atteint d’une tuberculose à un stade déjà  avancé,ce qui, en 1912, ne se soignait pas du tout, et Mary, 54 ans, et la mère, fille  d’un épicier alcoolique et elle- même droguée en permanence; et, même si elle ne veut pas se l’avouer, mère envahissante et  aimante à la fois, dure envers elle-même comme envers ses proches.
Ce quatuor improbable règle ses comptes, dans un amour doublé de haine,  où,  comme le dit Céline Pauthe, les deux parents et leurs fils  se disent tout au cours d’une seule journée. O’Neill nous  les livre ici tels qu’ils sont sans les juger ni les accabler: ils semblent flotter , loin d’une exigence par rapport à eux-mêmes, en proie à un mal-être qui ne les  quitte pas.
On ne les voit jamais rire et ils ont  pour unique consolation, l’alcool ou la morphine. A la fin seulement, il semblent plus  apaisés; la parole, l’acte même de parler les a libérés, alors même qu’il vivent tune tragédie moderne fondée sur une unité d’action, de temps et de lieu on ne peut plus classique, puisque la mort rôde et qu’Edmund  est vraiment très atteint. T
Toute l’action de ces quatre actes se passe dans le salon des Tyrone depuis  8 heures et demi du matin, puis vers 18 h et demi , et enfin à minuit. Plus encore que Tchekov, O’Neill est quelque peu maniaque des  didascalies : il indique avec une grande  précision  la disposition de ce salon de cette maison de campagne, et même les titres des livres de la bibliothèque!
Célie Pauthe a imaginé, elle, que tout pouvait se passer dans une chambre d’hôtel propre mais à décoration minable, au motif que l’écrivain a beaucoup vécu , enfant, dans des hôtels quand son père était en tournée, et que lui- même y est mort.. Ce n’est sûrement pas l’idée du siècle mais bon…
Le décor de Guillaume Delaveau restitue donc avec précision une chambre d’hôtel avec  un numéro sur la porte , assez sinistre avec un  papier  peint vulgaire à grosses fleurs et un plafond blanc, juste éclairée par deux grosses lampes de chevet et un lampadaire; au fond, on voit une salle de douche avec un grand miroir et un lavabo. On pense bien entendu à Edward Hopper mais aussi à Greg Crewdson dont avait pu voir les extraordinaires photos il y a peu à la galerie Templon.
La mise en scène et la direction d’acteurs de Célie Pauthe sont d’une rare exigence  et elle ne fait aucune concession à l’air du temps; et c’est bien ainsi. On pourrait  décrocher de ce texte fleuve mais non, on  écoute,  fasciné et 
avec attention, cet exorcisme familial mis en scène avec intelligence et sensibilité.  Mary, la mère est magnifiquement jouée avec beaucoup de nuances par Valérie Dréville, mais qui,même avec une perruque de cheveux blancs, parait  trop jeune pour le rôle. On nous rétorquera sans doute qu’elle était  chez Vitez,  Clytemnestre , à 25 ans. Mais c’est peut-être moins évident dans l’univers  et le langage réaliste d’O'Neill que, par ailleurs, Célie Pauthe à su très bien traduire, même remarque, en  sens inverse, pour Philippe Duclos, impeccable comme toujours. Même si l’on a un peu de mal  à croire qu’avec ses cheveux blancs, il puisse être le jeune Edmund…
Ou bien, il faut accepter cette convention théâtrale dès le début et se laisser porter par l’immense talent des cinq comédiens: Pierre Baux ( le fils aîné) comme Alain Libolt James Tyrone le père père) et la Anne Houdy ( la servante) sont ,eux  aussi, excellents. Il y avait, ce soir-là, comme de la magie dans l’air et  Célie Pauthe réussit à nous entraîner sans difficulté dans cette espèce de huis-clos infernal.
Cela dit, mieux vaut quand même être dans les premiers rangs… Si les lumières de Joël Hourbeigt – juste  deux lampes de chevet et un lampadaire- soutenues parfois par quelques pinceaux de projecteur sont très belles comme d’habitude, on est quand même un peu dans la pénombre. Alors y aller? Oui, trois fois oui, mais attention, le spectacle a quand même quelques longueurs vers la fin de la première partie… Mais quelle mise en scène!
Notre consœur, et néanmoins amie, Edith Rappoport n’a pu dépasser l’entracte…comme quelques spectateurs, mais le reste du public, même un peu sonné par cette drôle de ballade dans cet enfer sur terre, semblait  vraiment touché et heureux-paradoxe du théâtre- d’avoir vu vivre pendant presque quatre heures avec ces drôles de frères humains attachants, même empêtrés qu’ils sont dans cette tragédie familiale qui, sur fond d’alcoolisme et de drogue, a, soixante ans après, de singuliers accents contemporains…

Philippe du Vignal

Théâtre de la Colline jusqu’ au 9 avril. Attention c’est à 20 heures!

Gérard Conio: deux nouveaux livres


gerardconio.jpgGérard Conio, professeur émérite de l’Université de Nancy, est co-directeur de la collection des Classiques slaves aux éditons de L’Age d’Homme. Il a longtemps vécu en Pologne et en Russie, pays dont il a traduit et contribué à faire connaître de nombreux écrivains et artistes… Il collabore au Théâtre du Blog.
« Ces livres, dit Gérard Conio, ont été conçus comme un triptyque qui retrace les trois grandes étapes du constructivisme russe, dans un mouvement de dépassement permanent. Après l’adieu à la peinture, proclamé en 1921, dans l’exposition dite du « dernier tableau « , les artistes qui avaient adhéré à ce courant ont cherché à surmonter « le mur aveugle et nu « de la forme pure pour retrouver le sens de l’art dans « la construction de la vie « .
Mais on ne saurait comprendre cette évolution sans la replacer dans son contexte historique. J’ai donc intégré des textes théoriques de Taraboukine, Axionov et Eisenstein, dans un récit qui les met en situation. Quand la peinture sort du tableau pour féconder la scène, quand le théâtre sort de la scène pour reprendre vie sur l’écran, un même processus de métamorphose aspire à fondre chaque mode d’expression dans »une synthèse des arts » qui se nourrit de  transfusions successives d’un même principe créateur.
La peinture renaît alors dans un théâtre d’essence plastique qui se dépassera à son tour dans la  « dramaturgie de la forme cinématographique « . J’ai voulu porter sur cette époque un regard rétrospectif à partir des problèmes qui se posent plus que jamais aux artistes soucieux de vérité. »
Sont donc publiés en annexe ses entretiens avec Marc Konik, peintre et designer, qui a dirigé pendant les trente dernières années de l’Union soviétique un groupe de recherche dont les travaux sur la reconstruction du milieu urbain s’inscrivaient dans la droite ligne de cet  » art de gauche » dont le projet est « toujours vivant, puisque toujours inachevé ».
Quant à son autre livre,
  Kazimir Malévitch, Le Suprématisme, on sait que le peintre, dessinateur et écrivain russe (1878-1935), fut le chef de file de ce courant .Son célébrissime  Carré blanc sur fond blanc  (1919) constitue l’un des moments clés de l’histoire de l’art du XXe siècle. Malévitch a  aussi développé la théorie de son art et en cela , il est aussi  essentiel.
Et Le monde sans-objet, écrit au début des années 1920, a connu un destin difficile; la première édition complète, mais  en allemand, est  de 1962. Mais et celle également complète, en  russe ,n’a lieu qu’au début des années 2000!  En français, des extraits de la seconde partie ont été publiés en 1995 puis en 2002.   Ce que l’Age d’Homme édite aujourd’hui est en fait la première traduction complète de l’ouvrage.  Mais c’est  un livre touffu. Et , plutôt que de mettre sur pied un appareil de notes qui le rendrait difficilement lisible, Gérard Conio l’a fait précéder d’une introduction substantielle, où il présente  l’oeuvre et la pensée de
Malévitch, qu’il  met en situation dans l’histoire tragique de la Russie des années 1920.

Philippe du Vignal

Dépassements constructivistes. Taraboukine-Axionov-Eisenstein, Lausanne, L’Age d’Homme, Slavica , 2011. 400 pages. 33 euros.
Kazimir Malévitch, Le suprématisme. Le monde sans-objet ou le repos éternel, traduit du russe et présenté par Gérard Conio, Gollion, In Folio, 2011. 496 pages. 29 euros.Le 6 avril  (18h-20h), les éditions  de l’Age d’homme fêteront la parution de ces deux nouveaux livres dans le cadre des  mercredis de la rue Férou , Librairie L’Age d’Homme, 5 rue Férou, 7500 Paris 

 

Les Estivants de Gorki, mise en scène d’Eric Lacascade.

Signalons que ce très bon  spectacle joué l’an dernier au Théâtre des Gémeaux à Sceaux ( voir l’article de  Barbara Petit du 10 mars 2010) est repris au Théâtre de  Sartrouville et des Yvelines, les 17, 18 et 19 mars.

Ph. du V.


Vérité de soldat

Vérité de soldat,  texte de Jean-Louis Sagot-Duvauroux, mise en scène de Patrick Le Mauff.

  verit.jpgAprès une tournée européenne et un passage au Festival des francophonies en Limousin, l’équipe de trois comédiens de bamako est arrivée à  Ottawa pour une exclusivité nord-américaine avec cette docu-fiction  sur la politique post indépendantiste de leur pays.   Les moyens étaient discrets. Un grand  écran sert de toile de fond à un plateau quasi vide. Assis à une petite table  côté cour le personnage d’Amadou Traoré.
Joué par  Michel Sangaré, Traoré est l’ancien collaborateur du chef socialiste Modibo Keïta qui avait pris le pouvoir au Mali tout de suite après l’indépendance en 1960. Modibo Keïta, devenu un ami de Fidel Castro – les acteurs maliens continuent à se former, m’a t-on-dit, au conservatoire de la Havane – devait être renversé en 1968 par un soulèvement militaire et fut alos mis en place un régime extrêmement répressif.  Ce régime militaire, dirigé pendant un certain temps par Moussa Traoré, a pris fin en 1991.
Ces informations sont révélées au fur et à mesure du spectacle qui est avant tout une conversation entre trois interlocuteurs qui ont tous joué un rôle dans les événements dont il est question ici : Amadou Traoré le collaborateur de Keïta, le capitaine Soungalo, militaire ancien para qui a arrêté le chef socialiste lors du coup d’état, et Catherine, fruit d’un viol de l’armée malienne  qui luttait contre les forces françaises.
Une telle complexité d’événements aurait pu poser  des problèmes  de compréhension pour un public non averti mais l’auteur et le metteur en scène  ont réussi à faire passer le récit, dès les premiers moments, grâce à la projection de films d’information  de l’époque et grâce surtout,  à ces conteurs rompus à la pratique théâtrale et aux techniques traditionnelles du griot  qui assure la transmission de l’histoire.
Le spectacle est  un mariage très heureux entre un certain réalisme associé au théâtre politique, et le jeu des conteurs qui filent leurs récits avec force, humour, énergie et avec toute la présence corporelle et orale nécessaire pour retenir notre attention. Patrick  Le Mauff grâce à une caméra fait projeter  des visages en gros plan. Ainsi, la mise en scène évoque les têtes parlantes d’un reportage télévisé, en renforçant l’authenticité de ces personnages qui semblent conter leur propre histoire. La caméra, d’abord placée sur la petite table, est braquée sur Catherine et capte les larmes qui coulent sur ses joues lorsqu’elle supplie Traoré de ne pas publier son livre, inspiré des expériences d’un certain Capitaine Soungalo Samaké. Ce récit sanglant des guerres fratricides risque de fracturer le pays selon elle. Mais Traoré, pour sa part, insiste sur la nécessité de dire toute la vérité pour atteindre une réconciliation nationale, même si lui aussi a été torturé par Soungalo pendant le régime des militaires. Il faut guérir les plaies du passé et réapprendre à vivre ensemble.  Dès les premières répliques, la problématique est posée.
Le spectacle correspond aux travaux des commissions de vérité et de réconciliation mises en place en Afrique du Sud dès la fin de l’Apartheid et qui se sont répandues à travers  tout le continent. Cette équipe artistique,  qui s’est inspirée des mémoires du Capitaine Soungalo qui raconte toutes les atrocités dont il a été témoin et parfois même acteur, croit aux effets thérapeutiques de la vérité  sur l’avenir de leur pays.
Et c’est réussi:  Adam Bagayoko assume la voix de Soungalo, celui qui a rédigé  les mémoires que Traoré veut publier et qui fournit  la matière de la pièce. Soungalo, assis sur une chaise,  répond aux questions d’un  spectateur anonyme qui l’interroge sur son passé.
Gros plan sur Soungalo:  l’homme qui lui pose des questions est sans doute Traoré l’éditeur  mais cela pourrait  être n’importe quel  habitant de Bamako qui veut savoir ce qui s’est passé pendant cette guerre civile.  L’idée  de Le  Mauff est excellente: on a l’impression que  la salle  participe  vraiment  à la discussion.  L’homme sans nom écoute et réagit en émettant des signes d’approbation, des sons  de curiosité,  et il utilise les  stratégies de l’oralité  pour entretenir  le contact avec celui qui se  confesse sur scène, et  pour assurer la continuité du récit.
Le jeu de  Bagayoko, retransmis par  la caméra, est un exemple des techniques remarquables du Kotéba, le théâtre comique traditionnel de l’ethnie Bamanan du Mali dont le but est précisément  de prêcher la réconciliation lors de situations conflictuelles  comme celle-ci.  Alors que  Soungalo  révèle son propre rôle dans l’arrestation du président Keïta et dans les atrocités commises par les militaires. Mais il insiste aussi  sur les liens  complexes avec l’armée française et sur son arrestation par le régime des militaires maliens.   Cette absence de linéarité  pourrait prêter à une certaine confusion sur le processus historique, mais le jeu de Bagayoko/Soungalo  nous attire par sa présence, malgré les situations  sinistres qu’il nous raconte. On est fasciné par son  autodérision, ses sarcasmes, la vitalité des anecdotes qui expliquent les actes de vengeances, les massacres et la folie meurtrière qui s’empare de ceux qui ont le pouvoir ; et on mesure toute l’étendue de sa clairvoyance.
Malgré quelques difficultés avec les accents auxquels l’oreille doit  s’habituer ( mais les récits et dialogues en bamanan étaient surtitrés), nous avons pu suivre  une  leçon d’histoire donnée par les habitants d’un pays qui l’ont vécu.  C’est une forme de théâtre très efficace pour débattre des conflits qui ont déchiré un  pays, mais le spectacle est  aussi le modèle d’un théâtre politique où expériences personnelles et collectives se recoupent et se nourrissent mutuellement. Avec une perception plus approfondie de l’histoire… Ce spectacle est un moment de stimulation intellectuelle tout à fait remarquable.  

Alvina Ruprecht  

Théâtre du Centre national des Arts, Ottawa jusqu’au 12 mars.      

La Nuit des rois

La Nuit des rois de William Shakespeare, adaptation et  mise en scène de Jean-Michel Rabeux.

  imgspect6nb4gt.jpgUne tempête provoque le naufrage d’un bateau qui vient de Messine ; Viola  et son frère jumeau Sébastien  se retrouvent donc tous les deux en en Illyrie, mais dans des endroits différents.   Orsino, duc d’Illyrie,  est triste,  parce qu’Olivia endeuillée par la disparition de son frère , ne s’intéresse guère à lui.  Viola , elle,  va se déguiser en homme ( à gauche sur la photo) et prendre le nom de Césario ;elle  se présente à la Cour du duc d’orsino dont elle  deviendra le page et  qu’elle va aimer en secret.  Quant à  Olivia , à qui elle porte les messages d’Orsino , elle  la prend évidemment pour un homme et tombe amoureuse d’elle.
Mais il ya un autre quiproquo quand arrive Sébastian qui ressemble beaucoup à Cesario/Viola, ce qui trompe Olivia . Dénouement : les deux jumeaux apparaissent ensemble. « Cesario «   révèle qui elle est c’est à dire Viola; elle  épousera le duc Orsino et Olivia épousera Sébastian .Vous suivez toujours?
Naufrage, jeu de doubles, effets d’inversion pour l’histoire principale mais il y a aussi une intrigue secondaire avec avec des personnages hauts en couleur comme le cousin d’Olivia, Sir Toby Belch et son ami Sir Andrew, sa femme de chambre Maria,  Feste le blouffon, et l’intendant Malvolio à qui on fait croire par une fausse lettre  qu’Olivia est amoureuse de lui… Jean-Michel Rabeux  qui avait déjà monté Le Songe, devait porter en lui depuis longtemps cette Nuit des Rois et s’est visiblement réjoui à la mettre en scène: « Parfois, dit-il, j’ai envie de rencontrer le plus large public possible. J’ai envie de faire souffler l’esprit de fantaisie que doit recéler tout théâtre sur la multitude de nos spectateurs adorés, mais en les plongeant à cœur joie dans leurs perplexités et leurs passions, en « les harponnant à l’hameçon de l’amour » comme dit Shakespeare. Qui mieux que lui, a su réunir ces extrêmes : un théâtre profond, novateur, perturbateur, mais pour tous les âges, toutes les classes, tout le monde ».
Sur la scène nue, sans  rideaux noirs, quelques rampes lumineuses verticales et au milieu, un grand praticable  avec  une série de 36 portraits peints,  des tronches patibulaires: pour la plupart,  des hommes, six femmes et trois têtes de mort, très  inspirés  de James Ensor. Ce  praticable est  monté sur roulettes mais  on en verra  plus souvent  l’autre côté de tôle rouge pas très réussi mais bon…; il y aussi deux autres praticables,  l’un mobile pour le jeu , et l’autre fixe en gradins où les personnages s’assoient quand ils ne jouent pas et où officie le musicien accompagné parfois par  quelques comédiens. C’est tout. « La Nuit des rois,  est d’abord une comédie des amours. Une comédie de la mélancolie. Ce qui ne l’empêchera pas d’être loufoque, explosive, musicale, joyeuse, hilarante, et, donc, étrangement, mais profondément, mélancolique. dit aussi Jean-Michel Rabeux qui ajoute:  » Parfois, j’ai envie de rencontrer le plus large public possible(…)  en « les harponnant à l’hameçon de l’amour » comme dit Shakespeare ».
Pour la mélancolie, c’est une carte que Rabeux  a un peu oublié et il a adapté, à sa façon que l’on pourra qualifier d’iconoclaste si l’on est puritain,  cette pièce compliquée;  ainsi revue et corrigée, elle contient aussi  des allusions sexuelles qui ne figurent pas dans le texte original mais qu’importe; la plus merveilleuse fantaisie règne ici et  la pièce  tient aussi souvent  de numéros de clowns où la musique jouée sur scène a un rôle important, la musique  qui, comme chacun sait, tient une grande place dans le théâtre de Shakespeare  ( la réplique du duc d’ Orsino qui ouvre  La Nuit des Rois le confirme « : Si la musique nourrit l’amour, joue encore et donne m’en à l’excès »). C’est ici des mélodies d’Elvis Presley, Janis Joplin en passant par Ray Charles…
Les costumes et les maquillages sont aussi clownesques mais , pour éviter que le public ne s’embrouille, chaque personnage porte un costume unicolore, ce qui est vraiment d’une belle intelligence scénique, et qui dénote un grand  respect du  public.
Le spectacle est fondé sur une interprétation vocale et gestuelle de  premier ordre, et les comédiens, qui semblent vraiment heureux sur scène, doivent être tous cités: Hubertus Biermann, Patrice Botella, Bénédicte Cerutti, Corinne Cicolari, Claude Degliame, Georges Edmont, Sébastien Martel, Géraldine Martineau, Gilles Ostrovsky, Vimala Pons, Christophe Sauger, Eram Sobhani. Et leurs personnages avec les merveilleux costumes de Pierre-André Weltz sont tout à fait crédibles…
Les dieux savent combien nous avons pu  voir de Nuit des rois, et pas toujours des plus réussies, mais celle-ci est exceptionnelle de fraîcheur  et d’intelligence, et  garde jusqu’au bout une belle unité de jeu  et un rythme excellent. Ce qui n’est pas si facile avec une œuvre aussi complexe qui dure ici quand même deux heures quarante cinq sans entracte …
Encore une fois , on peut faire la fine bouche mais Jean-Michel Rabeux, même quand il ne fait pas dans la dentelle, n’est jamais vulgaire et sa mise en scène n’a rien de racoleur et traduit au mieux l’aspect aussi bien délicat que farcesque de La Nuit des Rois.
Le soir où nous y étions, la salle  bourrée de lycéens, a gardé une attention  assez rare, tout en riant de bon cœur, jusqu’à la fin où il y eut- si, si c’est vrai- une immense ovation debout! Comme dirait notre consœur et néanmoins amie Christine Friedel, c’est un indice quant à la qualité d’un spectacle qui ne trompe jamais. C’est rassurant de voir que le théâtre peut encore faire naître de telles soirées. Et sans vidéo!
D’accord, il faut aller à Bobigny, et cela nous demande une heure de trajet mais sans aucun regret…Et le spectacle sera aussi visible en tournée… Allez Carla, un geste humanitaire, emmenez votre président de mari, cela lui ferra oublier les affres de la future campagne électorale!
En tout cas, vous tous, lecteurs et amis du Théâtre du Blog, ne le ratez pas.

Philippe du Vignal

 Le spectacle  a été créé  le 11 janvier 2011 à La Rose des vents – scène nationale Lille Métropole – Villeneuve d’Ascq et se joue jusqu’au  3 avril 2011 à la MC93 – Bobigny, Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis Les lundis, vendredis et samedis à 20h30 Les mardis à 19h3 Les dimanches à 15h30 Informations et réservations : 01 41 60 72 72
www.mc93.com
Du 11 au 15 janvier 2011 à La rose des vents – Scène nationale de Villeneuve d’Ascq / Lille Métropole
Informations et réservations : 03 20 61 96 96
www.larose.fr Du 19 au 21 janvier 2011 au Maillon – Théâtre de Strasbourg / Scène européenne
Informations et réservations : 03 88 27 61 71www.le-maillon.com Du 25 au 27 janvier 2011 au TAP – Scène nationale de Poitiers
Informations et réservations : 05 49 39 29 29www.tap-poitiers.com Les 1er et 2 février 2011 au Théâtre Brétigny – Scène conventionnée du Val d’Orge
Informations et réservations : 01 60 85 20 85
www.theatre-bretigny.fr Les 8 et 9 février 2011 au Bateau Feu – Scène nationale de Dunkerque
Informations et réservations : 03 28 51 40 40
www.lebateaufeu.com

http://www.dailymotion.com/video/xgnzid

Platonov

Platonov d’Anton Tchekhov, traduction d’ Efi Giannopoulou,adaptation de David Hare,  dramaturgie et mise en scène de Yorgos Lanthimos.

9639409619699639510005.jpgUne des premières œuvres de Tchekhov , découverte vingt ans après la mort de l’écrivain. Platonov a vingt-sept ans, et est directeur d’une école  d’une petite ville où il vit avec sa femme, Sasha. Fatigué et déçu par la petite société provinciale mais aussi par lui-même, il a le sentiment de vivoter. Colère et inaction vont le pousser à répondre à l’invite amoureuse de trois femmes qui tournent autour de lui.
Ce  jeu amoureux, non sans risques et dangereux, aura des conséquences inévitables  sur la vie de tous les personnages. L’adaptation de David Hare reste, autant que possible, fidèle à l’original, mais réduit le nombre de scènes et de personnages.
Yorgos Lanthimos, réalisateur entre autres, de Canine, nominé aux Oscars du meilleur film étranger 2011, place
l’action de Platonov dans un décor dépouillé  très années quatre-vingt, celui d’ une salle de répétition. En  fond de  scène , deux machines à pièces qui procure nourriture et boissons aux comédiens. A côté, un squelette humain emballé dans du plastique.
Les acteurs sont présents en permanence sur  scène et  leur jeu physique intense  révèle les conflits, et, dans une alternance de situations comiques et dramatiques, les passions, l’ennui et la tension qui règne entre les personnages. Tension  rendue par la gestuelle des comédiens qui ne cherchent pas à émouvoir, le public  ni à révéler le sens  profond de la pièce.

Lanthimos  a imposé une sorte de distanciation dans l’interprétation qui  tient  plutôt d’une déclamation : les comédiens jouent au ballon, dansent, ont des altercations, ou discutent entre eux…Le metteur en scène cherche à maintenir en permanence le rythme scénique, et l’action progresse davantage par le non-dit que par la parole. Lanthimos met en valeur les contradictions d’un  Don Juan  qui ne mène à terme aucune relation amoureuse:c’est à la fois un révolutionnaire et un timoré cynique et agressif, un nihiliste qui refuse de se mettre au service de la société.
Point de vue intéressant qui  donne au spectateur la possibilité d’interpréter Platonov selon sa culture et son expérience personnelle.. Cette mise en scène  pourrait  ne pas recevoir un accueil très chaleureux, mais , en tout cas, l’intérêt du public reste entier jusqu’à la fin et ce Platonov offre l’occasion de discuter de l’approche contemporaine des œuvres  classiques.

 

Marai Stasinopoulou

Théâtre National d’Athènes jusqu’au 27 mars, www.n-t.gr

UN MARIE-SALOPE…

UN MARIE-SALOPERafiot pour Odyssée, ciel, terre et mer de Jean-Paul Quéinnec, mise en scène d’Antoine Caubet

  
La complicité est ancienne entre Jean-Paul Quéinnec et
Antoine Caubet qui  avait découvert ses textes au Théâtre des Bernardines à Marseille en 2002, et  yavait monté La mi-temps.  Caubet est en résidence depuis deux ans. Il a réalisé une vingtaine de mises en scène depuis 1985, notamment Montagne d’après Thomas Mann et Les fusils de la mère Carrar de Brecht au TGP de Saint-Denis et Sur la grand route d’après Tchekhov à l’Échangeur de Bagnolet. Il s’est  aussi  beaucoup investi dans des actions de formation .
Cette Odyssée pour terre, ciel et mer, qui 
reste énigmatique, prend la suite de Chantier Naval du même auteur, une légende sur la fin d’un chantier naval à travers le sabordage d’un pétrolier par leurs artisans, et l’émigration au Canada des femmes, tantes et épouses des ouvriers noyés.
On se perd entre les deux monologues bien mâchés par
deux solides comédiens, Cécile Cholet et Christian Jehanin qui peinent pourtant à restituer clairement le fil de l’intrigue.Ce long poème dramatique met en scène Raymonde, fille, épouse et mère et Claude qui a quitté sa famille de Charente-Maritime pour le Québec et qui ne cesse de revenir, se joue sur un long banc vert de gare maritime. On s’égare dans les brumes d’un texte qui a été très applaudi… mais c’était un soir de première..

Edith Rappoport

Théâtre de l’Aquarium, jusqu’au 10 avril. Tél : 01-43 -74 -99 -61

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UN MARIE-SALOPE, Rafiot pour odyssée ciel terre mer. de Jean-Paul Quéinnec, éditions Quartett, mise en scène, Antoine Caubet.

Un Marie- Salope est un bateau, pas un de ceux qui font rêver, un dragueur qui transporte des marchandises, qui n’est pas fait pour le grand large, qui quelquefois abrite des clandestins dans sa cale et les abandonne à leur sort. Claude, le boiteux à la jambe de laine, en a pris un à Marseille en 1974, il est parti pour le Canada, est revenu plusieurs fois, puis est reparti.

Ulysse d’aujourd’hui, il revient une dernière fois vers Laleu en Charente, là où s’enracinent sa famille et son imaginaire, un pays d’eau qu’il a quitté pour un pays de gel . Il a navigué entre l’eau qui enveloppe et rassure et l’eau qui fige le coeur. Il a laissé la famille et un continent trop connu jusque dans ses blessures, pour l’inconnu d’un continent neuf. Cette fois, il voudrait vraiment revenir, revenir pour parler.

Alors il parle, il dit le passé dans un flot de souvenirs qui se cognent, de mots qui se bousculent, de traces de vie qui s’entrecroisent. A côté de lui, en face de lui, Raymonde, sa fille, sa femme, sa complice, son double, c’est selon, qui le relance lorsqu’il s’interrompt, qui le rattrape lorsqu’il se laisse couler dans les souvenirs, qui recueillera le cahier à qui il a confié sa vie au cas où il ne pourrait pas parler.

Ecouter un texte de Jean-Paul Quéinnec, c’est accepter de se laisser dériver dans un torrent de mots qui, lorsqu’on les lit à voix haute, font naître des gens, des histoires, comme dans ces journaux pour enfants où il faut relier des points pour que se dessine une forme. C’est découvrir une langue, déconstruite ou fluide, répétitive, décalée, opaque parfois, puis tout à coup très claire comme l’eau d’une rivière qui tantôt roule limpide sur les cailloux, tantôt s’abîme dans des tourbillons. Car cette langue n’est pas qu’un flot, elle charrie du concret, des moments de vie, des chagrins, des rires aussi.

Antoine Caubet connaît bien cette langue, il y a plongé à plusieurs reprises, et il donne superbement à ce texte liquide une existence terrestre. Un espace nu, une longue banquette entourée d’un écran comme un long ruban blanc où parfois poser les mots et deux comédiens magnifiques le font vivre avec tendresse et cocasserie. Christian Jehanin gagne son combat contre les mots et donne à Claude sa force blessée, face à lui Cécile Cholet, menue, maligne, têtue, l’aide à se délivrer de ses souvenirs, à reprendre pied dans la réalité. Bousculés que nous sommes par ce voyage en eaux profondes , nous nous surprenons à rire avec eux de ce récit de mariage en famille, morceau de bravoure du spectacle, qui nous permet de reprendre notre souffle.

Jean-Paul Queinnec dit que la mise en scène de ses textes est pour lui  » un après qui menace la stabilité des mots qu’il a posés », mais aussi que c’est souvent » une heureuse trahison ». Je ne sais ce qu’il pense de la mise en scène d’Antoine Caubet, sans doute qu’elle est une bien belle trahison.

 Françoise du Chaxel.

Au Théâtre de L’Aquarium, La Cartoucherie. 01 43 74 99 61, jusqu’au 10 Avril.

Quelqu’un comme vous

Quelqu’un comme vous de Fabrice Roger-Lacan, mise en scène d’Isabelle Nanty.

 

p9053814.jpgFabrice Roger-Lacan est l’auteur de nombre de scénarios et de quatre pièces Cravate club et  Irrésistible, mises en scène déjà par Isabelle Nanty et de Chien-Chien mise en scène par Jérémie Lipman à la rentrée dernière. Quelqu’un comme vous, c’est une histoire, ou plutôt le début d’une histoire qui se passe sur une plage de sable où un riche dirigeant d’entreprise, la  soixantaine et la bedaine triomphantes,  est venu s’accorder quelques heures de repos au soleil. Arrive alors un jeune homme qui lui aussi a bien l’intention de profiter aussi du  sable fin et du soleil à ce même endroit, même si la plage fait trois kilomètres… Le jeune homme en question n’a l’air de douter de rien et surtout pas de lui-même,et engage très vite  la conversation avec  le riche dirigeant d’entreprise. Il a une façon de provoquer et de manier le syllogisme qui déroute son voisin,  puisqu’il arrive à l’exaspérer , tout en le fascinant, par son habileté à le mettre en contradiction avec ce qu’il vient de dire.
Le jeune homme, un peu glauque et inquiétant, va jusqu’à lui demander si un de ses amis pourrait l’appeler sur son portable et lui, pas très à l’aise, refuse sous un mensonge  qu’il va tout de suite dévoiler.
Cela ressemble un peu à une conversation mondaine,  assez acidulée quand même, mais on sent que les choses ne vont pas en rester là; en fait le jeune homme, sous des apparences anodines,  va se révéler être un tueur à gages et un maître chanteur de premier ordre.
Dès lors tout va sembler possible et on ne donnerait pas cher de la peau du dirigeant d’entreprise…. Le dialogue est incisif et les réplique font mouche entre Jacques  Weber, très méfiant, mais
bonhomme et prêt aux concessions, et Bénabar, de plus en plus inquiétant ,machiavélique et dépourvu de tout scrupule.
C’est  bien écrit et brillant, du moins au début et  cela fait penser parfois à du Guitry avec quelques gouttes de Beckett, mais, très vite le dialogue s’enlise et la pièce ne commence à fonctionner qu’un quart  d’heure avant la fin, malgré la très bonne direction d’acteurs d’Isabelle Nanty; elle  a réussi à cadrer Jacques Weber qui, pour une fois, n’en fait pas trop,  et à  donner de l’assurance à Bénabar, pas très à l’aise au début mais  qui devient de plus en plus crédible. Mais cette une heure vingt est quand même un peu longue à passer. Alors à voir? On cherche des raisons de vous envoyer au Rond-Point mais en vain. Une peu écourtée, la pièce ferait un bon lever de rideau comme on disait autrefois, mais pas plus…

P.S. Vous pouvez y emmener sans risques votre grand-mère.

 

Philippe du Vignal

 

Théâtre du Rond-Point jusqu’au 10 avril.

LUISA MILLER

LUISA MILLER  opéra de Giuseppe Verdi, livret de Salvatore Cammarano, d’après  Kabale und liebe de Friedrich Schiller, direction musicale de  Daniel Oren, mise en scène de  Gilbert Deflo.

Luisa Miller , composé par Verdi, au lendemain de la révolution de 1948, est son troisième opéra inspiré  de Schiller qui répondait à une commande du théâtre San Carlo de Naples. Le livret  de Cammarano avait dû être remanié pour cause de censure… Luisa Miller fille de paysan s’est éprise de Rodolfo qui partage son amour et qui veut l’épouser sans lui  révéler sa véritable identité. Il est en effet le fils du comte Walter, seigneur local, qui  veut le contraindre à épouser sa cousine, la duchesse Federica.  Mais  Rodolfo se rebelle contre les ordres paternels, veut rester fidèle à Luisa et menace de révéler la contrainte  dont son père s’est  rendu coupable.
Mais Wurm, sinistre personnage amoureux de Luisa qui le repousse, invente un stratagème pour briser le couple. Il la menace d’exécuter  son père arrêté pour rébellion contre son souverain et la force à écrire une lettre affirmant qu’elle a séduit Rodolfo, dont elle aurait connu la véritable identité. Elle s’exécute et Rodolfo qui vient s’enquérir de l’authenticité de la lettre qu’elle confirme, mais qui a juré de libérer son père, lui fait boire un poison. Elle meurt dans une déchirante scène d’amour, après avoir  révélé le traquenard dont elle est victime.
On se laisse emporter par la musique de Verdi,  mais on reste stupéfait devant une  mise en scène raide et poussiéreuse ( les chanteurs plantés comme des piquets dans un décor du XIX ème  siècle)!  On croirait relire Heidi jeune fille.
Cet opéra sur la trahison et la mise en échec d’un amour pour cause de mésalliance a pourtant un véritable dimension politique. On peut pleurer l’opéra populaire dont rêvait Jean Vilar et regretter le départ de Gérard Mortier qui programmait des mises en scène contemporaines.

Edith Rappoport

Opéra Bastille13, 17, 20, 24, et 29 mars

Please kill me

Please kill me, d’après Legs McNeil et Gillian McCain, mise en scène Mathieu Bauer et Sylvain Cartigny

 

kill2.jpgThéâtre et rock’n’roll. Si le mélange semble à priori improbable, il n’est pourtant pas insoluble. La preuve ? Please kill me, l’éclatant et très réussi spectacle proposé par Mathieu Bauer et son groupe Sentimental Bourreau  Pendant près d’une heure et demie que l’on ne sent pas passer, c’est tout un pan de l’histoire du rock’n’roll qui défile sous nos yeux, celui des années 60 et 70.
Dès le début du spectacle, nous sommes  prévenus : pendant que le public s’installe, quatre interprètes portant lunettes noirs et jeans serrés, dos au mur, chantonnent: She’s a punk rocker . À cour, une chaise et une table sur laquelle reposent plusieurs exemplaires de
Please kill me de Legs McNeil et Gillian McCain. À jardin,  Sylvain Cartigny à la guitare, Mathieu Bauer à la batterie et Lazare Boghossian au piano. Partout, des micros où viendront s’époumoner le jeune et talentueux Matthias Girbig, chanteur et comédien, ou Kate Strong, souple danseuse et interprète qui n’est pas sans évoquer Kim Gordon de Sonic Youth. Ces deux-là campent les plus grands noms de l’histoire du rock et leur (re)donnent vie : des Sex Pistols aux Ramones, d’Iggy and the Stogges aux fondateurs du magazine Punk
Entre Londres et New York, une piqûre d’héroïne et une cannette de bière, un T-shirt déchiré avec une épingle et un perfecto noir, un grand écart et un maquillage provocant, souvenirs et anecdotes se font plus drôles et croustillants les uns que les autres. Les aventures acadabrantesques des groupes de rock, vous l’aurez compris, le disputent aux interprétations d’excellents tubes (oserions-nous dire anthologiques ?),  autant chantées que dansées.
Portrait d’une génération disparue mais ô combien regrettée, évoquée aussi par des projections habiles de textes et d’images sur écran. Nostalgie, quand tu nous tiens ! Enthousiasmés, nous ne pouvons que vous recommander d’aller voir ce spectacle nerveux, rythmé, captivant, original, étincelant, décoiffant…
Bref, c’est enfin le printemps qui arrive !

 

Barbara Petit

Théâtre de la Bastille jusqu’au 22 mars à 19h30. www.theatre-bastille.com

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