La Maison, d’après La Vie matérielle
La Maison, d’après La Vie matérielle, de Marguerite Duras, mise en scène Jeanne Champagne
D’un bon pas, au fil des résidences, Jeanne Champagne (artiste associée à la Scène nationale de Châteauroux) poursuit son chemin durassien, et construit sa trilogie intime avec L’Eden cinéma Écrire et La Maison.
Cette Maison est construite , si-on-peut-dire, à partir d’un chapitre de La Vie matérielle, dont Margurite Duras précise qu’il ne s’agit ni d’un roman, ni d’un journal, ni d’un essai, mais d’un « livre de lecture », à partir aussi d’autres textes, intimes, d’autres bouts d’écriture comme des recettes de cuisine.
C’est qu’il s’ agit bien de cela : comment une auteure intimidante, au point que quelques facétieux inventent sa marionnette en Marguerite Duraille, parle (à Jerôme Beaujour, et, du coup, à nous) et écrit de la « vie matérielle ». Ici, M.D., comme elle se nomme parfois, s’installe sans complexes dans le féminin, le foyer, la maison, sans idée de parité mais assurément en toute liberté et égalité, assise fermement sur la différence et la séparation des sexes. « La maison, c’est la maison de famille, c’est pour y mettre les enfants et les hommes », phrase inaugurale du texte. (voir l’article de Philippe du Vignal l’automne dernier dans le Théâtre du Blog).
Tania Torrens, comédienne fidèle à Jeanne Champagne, commence à préparer une soupe, car s’il n’y a pas de soupe « il n’y a rien », et , partout où elle a joué avant d’arriver au Lucernaire, le public mangeait la soupe après le spectacle, la pure et authentique soupe de légumes; attablée à préparer une soupe, donc, elle va droit au texte, comme elle va droit à sa tâche. Passent alors le sérieux de M.D. dans ses observations : par exemple , elle ne connaît aucun homme qui ait lu Une chambre à soi , les bonheurs matériels à faire la cuisine l’après-midi, quand les invités, les autres, sont allés se promener ou faire la sieste, mais aussi sa tendresse, son orgueil de matriarche et sa modestie de ménagère. Il y a chez elle l’idée que sa maison, c’est soi-même, et qu’il y a une métaphysique de l’intérieur.
Et ce texte spécial, si physique n’est pas si étranger que cela aux autres textes de M.D.:on y trouve le même souci d’exactitude, et, sous une autre forme, le même rapport au corps. On en vient à se dire, à l’inverse, qu’il existe une écriture des gestes féminins à la maison bien intéressante elle aussi. On sourit, on a passé un moment ensemble, comme dit M.D. dans sa préface. Mais ce moment a été trop court.
Christine Friedel
Au Lucernaire 18h30 01 45 44 57 34, jusqu’au 21 mai -