Tennessee Williams Théâtre, romans, mémoires
Tennessee Williams Théâtre, romans mémoires, édition établie et présentée par Catherine Fruchon-Toussaint, nouvelles versions théâtrales de Pierre Laville.
Dans la collection Bouquins est paru récemment un gros volume qui regroupe d’abord une remarquable introduction de Catherine Fuchon-Toussaint où elle rappelle que que nous ne connaissons en France qu’une vingtaine des quelque cent pièces du célèbre auteur-dont beaucoup en un acte- qui a aussi écrit cinquante nouvelles, et deux romans , Le Printemps romain de Mrs Stone et Une femme nommée Moïse , et enfin de nombreux poèmes…
Ce qui frappe, quand on lit la biographie de Tennessee Williams qui suit cette introduction, c’est la force de travail de cet écrivain, né en 1911, qui débuta comme ouvrier dans une usine de chaussures, et qui, épuisé, tomba dans une profonde dépression . Accueilli par ses grands-parents, il se refit une santé chez eux à Memphis, tout en lisant Tchekov qui l’influença grandement par la suite ,puis commença à écrire des pièces.Ce qui frappe aussi , c’est son insatiable curiosité et son irrésistible envie de voyages aux Etats-Unis comme en Europe où seront vite connues , comme en France La Ménagerie de verre montée juste un an après sa création en 45 à New York. Même destin pour son fabuleux chef d’œuvre Un Tramway nommé Désir mis en scène par Raymond Rouleau en 49 à Paris, dans une traduction de Jean Cocteau avec Arletty et Daniel Ivernel…
Il y a donc dans ce volume , précédées pour chacune par une introduction précise de Catherine Fruchon-Toussaint, la « nouvelle version théâtrale » de Pierre Laville pour La Ménagerie de verre, Un Tramway nommé Désir, Une chatte sur un toit brûlant et La Nuit de l’Iguane. Il y a de singulières différences avec, par exemple, la traduction de Marcel Duhamel pour la première ou pour la seconde dûe à André Obey, notamment pour les didascalies , voire pour une tirade qui n’est pas dans cette première version. Comme l’œuvre de T. Williams a subi au théâtre puis au cinéma, de nombreuses modifications,il n’y a peut-être rien d’étonnant… Il faudra vérifier.
Il y a aussi une pièce Les Carnets de Trigorine, inspirée de La Mouette de Tchekov que Williams admirait tant mais qui, à vrai dire, nous laisse un peu sur notre faim, même si l’on y retrouve ses dons exceptionnels de dialoguiste. Mais aussi Une Femme nommée Moïse, un roman écrit à la fin de sa vie en 75 qui reçut un accueil assez froid, roman où il traite de l’homosexualité, à un moment où il n’avait plus guère de succès au théâtre et où les deuils de proches se succédaient.
Il y a une chose frappante dans cette œuvre, c’est la fascination des rencontres que fait sans cesse T. Williams, qui avait le plus grand mal à rester seul. Mais il y a un peu de tout dans ce roman: à la fois, le désir de trouver une nouvelle forme d’écriture; l’on trouve à la fois des personnages réels et d’autres , tout aussi crédibles mais de pure fiction.
Et enfin un véritable régal, ce sont ses Mémoires écrits peu après ce roman , et cette autobiographie est tout à fait passionnante; on y découvre un T. Williams, célèbre, couvert de gloire, qui raconte sa vie sentimentale et sexuelle, en termes les plus crus, sans omettre aucun détail, comme s’il voulait bien insister, alors qu’il n’a plus rien à perdre, sur le fait qu’il a toujours été homosexuel à une époque où cela n’avait rien d’évident dans une Amérique très puritaine. Il raconte aussi cette passion des rencontres avec une foule de gens et non des moindres , notamment la grande actrice que fut Edwige Feuillère qu’il couvre d’éloges, Kazan, Quintero ou Steinbeck… entre autres.
L’écrivain est lucide et semble parfois très amer quant aux relations qu’il entretient avec ses semblables. Terriblement seul, même s’il a quelques amants de passage, il est alcoolique, accroché à ses médicaments comme à d’inutiles bouées de sauvetage, souvent en proie à de graves crises de dépression, et il prend conscience qu’il lui reste seulment quelques années à vivre… Il reste obsédé par la maladie et la mort. Comme il l’avait répondu à un journaliste: « Les artistes meurent deux fois. pas seulement de leur mort physique mais de la mort de leur pouvoir créateur qui disparaît avec eux ».
Ces Mémoires furent écrites entre 72 à 75, et Williams mourra seul, en 82 à l’Elyseum Hotel de New York, nom prédestiné! Depuis son théâtre ne cesse d’être joué aux Etats-Unis, comme un peu partout dans le monde et en France (voir Le Théâtre du Blog).
Philippe du Vignal
Tennessee Williams,Théâtre, romans, mémoires est publié dans la collection Bouquins chez Robert Laffont; 1024 pages, 30 €.