Noli me tangere
Noli me tangere, texte et mise en scène de Jean-François Sivadier, avec la collaboration artistique de Nicolas Bouchaud, Véronique Timsit et Nadia Vonderheyden.
Le titre reprend le fameux: » Noli me tangere » (Ne me touche pas; en grec ancien: Μή μου άπτου ce serait plutôt:ne me retiens pas), que prononça Jésus, ressuscité le dimanche de Pâques, à l’adresse de Marie-Madeleine, d’après l’évangile selon saint Jean,« Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va trouver mes frères et dis-leur : « je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ». Le Christ ressuscité en effet n’est plus accessible, comme de son vivant, et c’est pourquoi Marie-Madeleine, comme les autres, qui a perdu cet être cher ,ne le reconnaît pas et le prend d’abord pour un simple jardinier. On comprend que cette merveilleuse fable de ce Noli me tangere ait séduit bien des peintres, entre autres : Fra Angelico, Giotto, Holbein, Memling, Poussin… et plus récemment Maurice Denis. Jean-François Sivadier avait monté il y a quelques années une ébauche de la Salomé d’ Oscar Wilde que l’on va retrouver plutôt dans la seconde partie de ce spectacle; auparavant, on aura vu défiler Ponce Pilate , Hérode, et Hérodias… dans une suite de petites scènes et monologues sans grande unité. Pilate signifie aux Hébreux que leur pays est soumis au pouvoir universel de Tibère, empereur de Rome. Et il y a dans l’air de furieuses tensions de guerre coloniale, mais qu’on ne sent pas vraiment sur le plateau.
Tout se passe en fait comme si Jean-François Sivadier et metteur en scène n’arrivait pas se débrouiller d’un scénario quand même assez médiocre. écrit par lui-même, dont voit mal le fil conducteur . Il y a aussi des moments où des comédiens , comme dans Le Songe d’une nuit d’été, jouent quelques petites scènes sans grand intérêt et c’est un euphémisme! Et le théâtre dans le théâtre une fois de plus, véritable manie du théâtre contemporain, ce n’est pas d’une invention récente…
De toute façon, on a depuis longtemps décroché: ce Noli me tangere, qui se voudrait une réflexion sur le temps et sur l’histoire ,ne tient pas vraiment la route… Une scène vide et nue ,si l’on excepte trois espaces rectangulaires avec un peu d’eau; avec dans le fond des tables où il y a quelques accessoires dont des bustes romains en résine; scénographie stéréotypée que l’on a vu des dizaines de fois; les comédiens jouent la plupart du temps face public: autrement dit, Sivadier ne s’est pas compliqué la vie et, comme le texte ne vaut pas bien cher, disons tout de suite que l’on s’ennuie rapidement, et que ces deux heures quarante cinq n’en finissent pas de finir. Les comédiens font leur travail honnêtement et si l’on a bien compris , ils ont participé à l’élaboration de ces petites scènes maladroitement mises bout à bout. Mais Nicolas Bouchaud (Ponce Pilate) qui , au début s’impose vite, a tendance ensuite à en faire des tonnes, sans doute pour remplir un vide textuel trop évident; Charlotte Clamens ( Hérodias) , elle, est solide; quant à la pauvre Marie Cariès -en robe bleue sur la photo- (Salomé), elle a aussi une belle présence, mais, à la fin, à moitié asphyxiée par la poussière de jets de sable que l’on balance depuis les cintres, tousse à n’en plus finir mais lutte courageusement dans son monologue final, avec la tête de Jean-Baptiste placée dans un sac en plastique près d’elle. On sourit parfois quand Sivadier auteur met un peu de piment avec quelques anachronismes faciles mais c’est bien tout, et le spectacle se termine plutôt qu’il ne finit vraiment, sans que l’on sache pourquoi.
Ce qui aurait pu à la rigueur être une pochade d’une heure et quelque, à voir entre gens avertis et amis comédiens, devient ici vraiment pénible; on ne comprend pas que Sivadier, par ailleurs, excellent metteur en scène et à à qui on doit tellement de belles choses, ait pu se fourvoyer à ce point. Et la chose , même si elle avait été revue après sa création en janvier dernier au Théâtre national de Bretagne, était, de toute façon,irrécupérable. Mission impossible: les comédiens n’aiment pas du tout – et on les comprend-que l’on coupe dans leurs scènes ou du moins dans ce qui y ressemble.
Alors à voir? Non, absolument pas. Nous allons bien recevoir quelques messages pour nous avertir que nous n’avons rien compris à cette avant-garde de tout premier ordre… Tant pis.
Restera un beau titre et l’occasion de revoir les peintres cités plus haut et surtout le merveilleux Fra Angelico…
Philippe du Vignal
Odéon-Théâtre de l’Europe Ateliers Berthier 17 ème jusqu’au 22 mai.