Il est plus facile d’avoir du ventre que du cœur

Il est plus facile d’avoir du ventre que du cœur de Cyril Casmèze et Jade Duviquet, mis en scène Jade Duviquet.

fe094d6395f1695aa.jpgVoilà : devant vous, et dans un certain nombre de cartons, un homme se livre. Il y a de tout, là-dedans, des souvenirs, des complexes, des fantasmes (et si j’étais enceint ?), des exploits, la faim, toujours. Car le personnage – ou le comédien ? – a un problème avec son ventre. À vrai dire, ce ventre n’a rien d’une excroissance, ce serait plutôt une boule solide au centre du corps, un ballon de basket aussi solide qu’un ballon de foot, un centre de gravité. Cyril Casmèze sait même faire des sauts avec son ventre (et sur le dos aussi), essayez !
Lui, il a eu l’occasion de s’entraîner à ces acrobaties insolites avec le cirque Plume et au cabaret. Il sait aussi très bien faire les animaux, c’est-à-dire laisser parler, bouger, l’animal qui est en nous, celui que nous autres, « civilisés », tentons de faire taire. Comme si nous nous n’avions pas de ventre…
Avec Jade Duviquet, ça fait quelques années qu’il travaille sur la question de l’animal,  et le nom de leur compagnie : Le Singe Debout, annonce très clairement le programme. Et l’on se souvient de leur saisissant Un grand singe à l’Académie, d’après Kafka ; le texte a été souvent adapté pour la scène, mais  jamais avec autant de force troublante.
Cette fois-ci, ils ont tenté ensemble de montrer l’envers du décor, le côté coulisse, et les interrogations de l’homme et du comédien. Ça marche moins bien. Cyril Casmèze a beau nous faire  plusieurs démonstrations de ce qui est plus qu’un talent, une vraie question. Mais, du coup, il ne sait pas faire l’homme.   Dommage qu’il ne tire pas davantage des cartons qu’il a installés sur la scène, sa fameuse « livraison ». Dommage qu’il n’assume pas non plus ses paroles d’homme avec la même intensité que ses manifestations animales : on dirait qu’il s’excuse, qu’il quête l’approbation ou, au moins, la complicité du public avant même d’avoir avancé quelque chose.  L’homme est sympathique. Mais il devrait aller chercher ce qu’il a à nous dire au fond de ce fameux et admirable ventre, et  nous le balancer avec l’énergie qu’il donne à ses animaux.
On devine qu’il a du cœur, et peut-être même des peines de cœur. Alors, du cœur au ventre ! Lâchez l’homme comme vous lâchez la bête ! Vous nous donneriez mieux que le sourire, le rire, et à la place d’un petit attendrissement, une grande émotion. À vot’ bon cœur, ventrebleu !

 Christine Friedel

Théâtre du Lucernaire, 21H. T: 01-45-44-57-34

 

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