J’aimais tant… J’aime les contradictions
J’aimais tant… J’aime les contradictions, adaptation et mise en scène Stéphanie Fumex
« L’Art ne peut être moderne ; il est de toute éternité. » Ce pourrait être du Rimbaud. C’est en fait à l’un de ses frères, lui aussi artiste maudit, génie précoce à la vie et à l’œuvre aussi fulgurantes et brillantes qu’un météorite, que l’on doit cette provocante assertion. Soit à Egon Schiele, ce peintre grandiose dont les quelques croquis aquarellés et les trop rares huiles qui nous restent de lui témoignent d’un bien trop prompt départ pour l’au-delà.
Fidèle à sa pratique de créer des pièces autour d’artistes et de figures dont elle admire l’œuvre, après Antonin Artaud, Garcia Lorca et Dom Juan, dont nous avions pu assister, médusés, aux spectacles à eux dédiés, la Compagnie des Fruits défendus s’attache aujourd’hui à Egon Schiele. Elle commet là une entreprise bienvenue et salutaire puisque en effet, le monde du théâtre s’était jusqu’à aujourd’hui peu intéressé à ce créateur génial.
Plutôt que d’en retracer la vie, ce spectacle dénommé « cri en un acte, pleine esquisse pour trois corps et un pantin » propose une succession de brefs tableaux vivants, incisifs et tranchants, comme taillés au scalpel. D’ailleurs, avant que le spectacle ne commence, sur le mur du fond, un écran projette une image d’Egon derrière les barreaux. Prison d’une vie, prison d’une âme, nous sommes prévenus : l’existence de Schiele s’apparente plus à une descente aux Enfers qu’à une ascension au Paradis. Pour l’occasion, la petite salle des Blondes Ogresses a pris l’apparence d’un cabaret : lumière tamisée, ambiance feutrée. Sur les murs, des reproductions des dessins de Schiele. Nous-mêmes spectateurs sommes assis sur des chaises autour de petites tables de ce lieu de perversion et de débauche où l’action se déroule, des actes dont nous sommes malgré nous témoins. Cours ennuyeux à l’académie des beaux arts de Vienne, rencontre avec Wally, l’un de ses modèles fétiches, rivalité avec Klimt, séjour en prison, démêlés avec la police, mariage avec Edith, problèmes récurrents d’argent, maladie, le tout dans une atmosphère trouble de guerre et de montée du nazisme… chacun de ces moments de la vie d’Egon nous apparaît dans une incroyable sensibilité, dans une infinie justesse, et dans une tension maintenue sans relâche. Une mise en scène résolument expressionniste, qui joue à un haut degré avec les sens autant qu’avec les sensations, où émotions et sentiments visitent toute la palette, s’attardant à ses extrémités : la véhémence, l’hystérie, la rage, le désespoir… Porté par de jeunes comédiens enthousiastes, passionnés et talentueux (Eddy Wonka, Emmanuel Georges et Gladys Guilbaud), sans oublier une marionnette habilement manipulée, ce portrait d’Egon Schiele, enfant éternel, malmené et tourmenté, nous a littéralement séduits et bouleversés. Et a toutes les cartes en main pour remporter votre adhésion.
Barbara Petit
Au théâtre des Blondes Ogresses, 28 rue Etex, Paris 18e, (Métro : Guy Moquet) à 19h00 et 21h00 les samedis 30 avril, 7 et 14 mai. et les 9, 10, 11 et 12 juillet 2011 à 21h00.
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