DENISE BONAL

denisebonal214x300.jpg » Une biographie ça pourrait être: « Je suis née, j’ai pleuré, je suis tombée quelquefois, j’ai essayé de comprendre le monde. Je suis morte. » Cela pourrait être aussi: « Je suis née, j’ai pleuré, je suis tombée de nombreuses fois, j’ai aimé, j’ai été pendant vingt ans une comédienne de décentralisation sur les terres labourées de ce pays. A des jeunes gens aussi affamés que je l’avais été, j’ai essayé d’apprendre les règles de ce métier. Je voulais écrire mais les grands auteurs que j’aimais, malgré eux, me faisaient barrage. Un jour ils m’ont laissé passer. Je les en remercie. Ont-ils bien fait? Ceci est une autre histoire. »

Ainsi se racontait Denise Bonal qui vient de nous quitter à 90 ans, dans les Actes du Théâtre de la SACD en mai 2010. Denise Bonal , comédienne, enseignante, écrivain, auteur d’une douzaine de pièces et de nombreuses nouvelles, mais d’abord une sacrée bonne femme pour qui le théâtre et la vie étaient intimement mêlées. En elle, l’Algérie de l’enfance, la Creuse du retour en France, le froid du Paris des années de guerre, le bonheur des études au lycée Fénelon, la découverte du théâtre, la rencontre avec la Radio qui, à l’époque ,mettait au monde des auteurs, l’écriture déjà pour cette  découvreuse, et puis 20 ans de comédienne de la décentralisation- Rennes, Strasbourg, Bourges, Saint-Etienne- aux côtés des grands pionniers, des centaines de kilomètres , de villes, de villages, toute une géographie intime et théâtrale qui s’imprimait dans son corps et dans son cœur. Vingt ans à rencontrer les gens, les écouter, leur faire partager ses admirations pour les auteurs.
Et puis le retour à Paris et la sensation que le théâtre qu’elle avait vécu n’était plus, qu’ il avait quitté les routes, et s’était replié dans des forteresses. Alors, elle enseigna au Conservatoire, au TNS et ailleurs, elle dont on reconnaissait « les enfants ». Et ette fois,elle prit  le temps d’écrire.
Deux premières pièces: Les Moutons de la nuit , comédie surréaliste créée au théâtre de poche par Etienne Bierry et Légère en Août au titre faulknérien:  des femmes vendent leur enfant à venir et attendent leur accouchement dans une clinique spécialisée.   Créée par Viviane Théophilidès au Théâtre des Deux Portes en 1974, la pièce ouvrait la voie à cet humanisme social qui est la marque de son théâtre.
Denise Bonal aimait écouter les gens, elle écrivait leurs histoires, de famille, de travail, d’amour, de vie quoi. Dans une langue vivante, imagée, nourrie de sa curiosité pour le monde qui l’entourait. Ses comédies sociales n’étaient pas à la mode, ses combats étaient pourtant de son temps. Sur les plateaux de théâtre, elle disait avec tendresse et cruauté, avec humour aussi les grandes et les petites douleurs des hommes. Comme un Tchékhov d’aujourd’hui, elle dessinait des pièces paysages, Turbulences et petits détails par exemple, dont les compagnies de théâtre amateur se sont saisi avec gourmandise. Portrait de famille lui valut en 2004 le Molière du meilleur auteur francophone vivant, et De Dimanche en dimanche le grand prix de littérature dramatique en 2006. Sa dernière pièce, Les tortues viennent toutes seules, superbe construction qui entremêle, à partir d’une photo de mariage prise en 1954, le présent et le futur, l’intime et l’Histoire, sera créée dans quelques jours au Studio Théâtre d’Asnières.
Denise Bonal aimait rire, et ses yeux malicieux regardaient le monde lucidement et généreusement. Autour d’elle, il y avait  beaucoup d’amitié et d’admiration mais aussi l’ indifférence de nos grandes institutions théâtrales à son œuvre, indifférence qu’elle ne comprenait pas, comme beaucoup de ceux qui l’admiraient.


Françoise du Chaxel

Depuis 1982 ses pièces sont éditées aux Editions Théâtrales.

 


Un commentaire

  1. Rappoport dit :

    Beau portrait de cette grande actrice modeste, qui avait initié avec Jeanne Champagne l’option théâtre pour le Théâtre 71 de Malakoff, au lycée de Montrouge dans la classe de Michel Enrici, en 1985

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