Le Vin de sang

Le Vin de sang, par la Compagnie Les Moires, texte et mise en scène de Jean-Philippe Oudin.

 levindesang.jpgPeu d’accessoires sur le plateau:  seules quelques caisses en bois pour litres étoilés de vin des Rochers et de bière comme on en faisait autrefois, un rideau brechtien en plastique transparent  dans le fond,  et six ampoules suspendues. C’est bien assez pour évoquer une usine d’embouteillage où travaillent quatre jeunes femmes dont, Bijou, une sorte de vedette de village assez déjantée  en talons hauts et jupe courte qui raconte volontiers sa vie aux autres, et qui se dit très amoureuse de son fiancé Raoul parti à la guerre, et avec qui elle va se marier,  dit-elle,  et avoir plein d’enfants, çà c’est sûr,  comme elle le redit souvent. Elle en est même enceinte ou fait semblant, on ne sait plus trop.
  C’est la guerre, plutôt celle 39-40, si l’on en croit les robes courtes et les talons compensés mais les filles ont des collants et  cela pourrait donc être n’importe quelle guerre où les femmes ont remplacé les hommes partis au front, et dont elles attendent une lettre ou au moins un message.  Même quand elles ne savent pas bien , ou même pas du tout lire. Elles ont chacune un sacré caractère même celle qui est un peu neu-neu mais parlent bite et couilles, et leur  langage est direct, parfois très cru:  » Tu vas te retrouver toute seule comme un vieux Tampax » , ou  » Il a tout ce qu’il faut là où il faut ». Elles mangent, travaillent et rient ensemble pour résister au désespoir, chantent Il est mort le soleil, le tube inoxydable de 1967 chantée par Nicoletta, repris ensuite par Ray Charles, et dansent parfois. Malgré les jalousies et les exclusions:  à l’intérieur même du village: « on ne la connaît pas celle-là ,dit la plus âgée, elle habite au-delà du canal ».
 Quant aux hommes on les aperçoit seulement de temps à autre, et n’ont guère le beau rôle,  l’un est visiblement handicapé mental et obsédé sexuel. Un autre revient , grièvement blessé, la tête enveloppée d’un bandage en sang. Un vieux poste de radio crachouille des messages codés, mais ce n’est pas encore le célèbre « Mon cœur caresse un espoir  » qui a annonçé le débarquement,  et les sirènes de d’usine qui  annoncent le début et la fin du travail alternent les sirènes d’alerte au son caractéristique et supérieurement angoissant  qui revient comme un leit-motiv et qui rythme les petites scènes qui se succèdent. On pense par moments à L’Atelier de Jean-Claude Grumberg et l’on est vite pris: la direction d’acteurs de Jean-Philippe Oudin est  très précise et les quatre jeunes comédiennes tout à fait remarquables: Nathalie Blanc que l’on peut voir actuellement dans Xanadu sur Arte :( derniers épisodes samedi prochain) Jennifer Bocquillon, Bénédicte Dessombs (Barbara Petit avait ici même dit beaucoup de bien d’elle dans  son Zelda à la Porte Saint-Martin, qu’elle va reprendre en Avignon) , et Adeline Mallet.
 Le spectacle qui a déjà une belle unité, résultat sans doute d’un long travail d’équipe,  est encore un peu brut de décoffrage: lumières et son encore un peu approximatifs, erreurs de mise en scène comme ces inutiles  allers-et-retours dans la salle, et dix  minutes à gagner sur la fin, ce qui ne nuirait pas à l’ensemble..
Mais tout cela devrait vite se caler .Ce serait vraiment  dommage que l’exploitation s’arrête à ces quelques représentations…


Philippe du Vignal

 

Espace Icare, 31 Bd Gambetta Issy-les Moulineaux jusqu’au 19 mai à 20 h 30.


Archive pour 17 mai, 2011

Où le temps s’arrête et sans chaussures

Où le temps s’arrête et sans chaussures, texte et mise en scène de Milena Csergo


spectacle6.jpgLa troupe de l’éventuel Hérisson bleu nous propose une variation très personnelle sur le conte de Peter Pan de James Barrie. L’univers de l’enfance auquel ce mythe fait habituellement référence, est ici un miroir sur le monde des adultes. L’écriture de Milena Csergo s’intéresse avant tout à la famille Darling, et notamment au personnage de Wendy que l’on accompagnera de sa naissance (représentée !), jusqu’à la fin de sa vie.

Le Conteur (Milena Csergo), personnage qu’on retrouvera tout au long de l’histoire, présente le couple Darling, que l’on découvre par des images fortes : silencieux, chacun de part et d’autre du plateau, ils s’élancent l’un dans les bras de l’autre à plusieurs reprises, dans une démarche suggérant l’amour et la rencontre. Ils mettent ensuite leurs habits du dimanche face public, Monsieur Darling (Antoine Thiollier) porte notamment trois cravates. On découvre ensuite l’univers onirique de Wendy (Marion Bordessoulles qui a une belle présence), empreint de naïveté et de simplicité, et la mise en scène, avec un drap et deux chaises, un matelas ou encore son jouet préféré, une tête de cheval tenue sur un bâton, suffisent à la faire voyager.

L’humour et la fantaisie se mêlent peu à peu à des images plus noires et violentes, portées par des personnages comme la fée Clochette, incroyable Lou Chrétien (qui est aussi Madame Darling), le visage caché par sa chevelure, la voix désarticulée et dont on finit par se demander si c’est une fée ou une sorcière ! Elle s’engage dans une danse frénétique et possédante, savamment chorégraphiée, puis asperge Wendy de sa poudre magique aux beaux reflets dorés. Le monde des enfants perdus est transposé de façon tout aussi étonnante. Wendy se retrouve comme prisonnière d’un monde où l’on ne peut qu’improviser toutes sortes de jeux puis dormir, et où ses parents finissent par lui manquer. Et l’on retrouve les mêmes acteurs qui jouent les parents Darling dans le rôle des enfants perdus, empêtrés dans des habits trop larges, des chaussettes énormes, qui hissent les voiles d’un navire imaginaire grâce à des cordes disposées en avant-scène et sur lesquelles sont accrochées des dizaines de paires de chaussures qui se retrouvent ainsi suspendues dans les airs. La figure du capitaine Crochet y fait une apparition fugitive à la lumière d’une bougie, porté par la présence du Conteur. Peter Pan quant à lui (Hugo Mallon), reste tout le long un personnage mystérieux et ambigu, car s’il est souvent en mouvement, navigant entre son monde imaginaire et la réalité de Wendy, il reste la plupart du temps taiseux et réservé.

Cette belle rêverie sur le conte de Peter Pan est soutenue par l’écriture de Milena Csergo et la qualité de ses comédiens, généreux dans leurs efforts, faisant les changements de décor à vue, se frottant à la danse, à l’improvisation, et surtout défendant au mieux leur texte sous ce chapiteau à l’ acoustique difficile et que l’on sent pas toujours maîtrisée par les jeunes acteurs. Il y a quelques longueurs, mais la scène entre les parents, quand Wendy les attaque à coups d’oreillers, plumes et farine est un formidable tableau final.

La troupe de l’Eventuel hérisson bleu nous livre ici un spectacle audacieux et délirant, à l’esthétique simple et qui n’a rien à envier aux grosses cylindrées qui adaptent sans cesse ce mythe universel ici ou là.


Davi Jucá

Festival « Premiers Pas » sous chapiteau à la Cartoucherie de Vincennes, prochaine date le samedi 21 mai à 18h et selon les jours (voir programme), jusqu’au 12 juin.

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